Tous les chemins mènent toujours à Pékin. Le pays de Xi Jinping demeure « l’atelier du monde », le pourvoyeur de notre planète en biens de consommation les plus divers, depuis la pacotille jusqu’aux produits de haute technologie.
L’excellence et le dynamisme de la Chine ont rendu le pays du Soleil levant incontournable pour toutes les économies, sans exception. En Afrique notamment, la vitalité et l’expansion économique de
la Chine ont été d’autant plus favorablement accueillies que de nombreuses économies des pays du continent, au moment de la montée en puissance de Pékin, étaient soumises à des restrictions budgétaires imposées notamment par les institutions de Brettons Woods – référence au Fonds
monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale (BM), créés lors de la Conférence de Bretton Woods en 1944 pour établir un système monétaire international stable et favoriser le développement économique mondial après la Seconde Guerre mondiale –, afin de parvenir à un redressement de leurs
finances publiques. Cette situation a eu pour conséquence une réduction drastique du pouvoir d’achat dans de larges couches de la population et une progression de la pauvreté qui était de nature à mettre à
mal la cohésion sociale et la stabilité dans de nombreux pays africains.
La Chine prend pied en Afrique
Les exportations chinoises sont donc arrivées à point nommé. D’une part, elles ont cet avantage de répondre aux besoins vitaux de la majorité des consommateurs africains, d’autre part, les prix des biens de grande consommation exportés par les industries chinoises en Afrique sont à la portée des bourses
africaines les plus modestes. Pour accroître leurs avantages comparatifs et maximiser leurs profits, les entreprises chinoises ont estimé à raison qu’elles doivent prendre pied en Afrique.
En raison de la diminution mécanique des coûts de production qu’entraînent ces implantations en terre africaine et des facilités douanières et fiscales qui leur sont accordées par les États africains, les produits de fabrication chinoise en viennent même à supplanter les produits des industries locales, en étant nettement moins chers. Toutefois, dans cet intervalle de temps, « l’atelier du monde » n’est pas seulement devenu par ricochet « l’atelier de l’Afrique » ; il est aussi devenu le cimetière du droit du travail en Afrique, comme en témoigne une actualité récente au Tchad.
Dégradation des conditions des travailleurs tchadiens
Le 9 août 2025, le personnel tchadien de la China National Petroleum Corporation International Chad (CNPCIC) a tenu un point de presse qui tenait lieu d’alerte pour les autorités de tutelle et l’opinion nationale, au sujet de la dégradation de leurs conditions de travail. Au-delà des conditions infamantes dans lesquelles ces travailleurs tchadiens exercent leurs activités professionnelles, ils déplorent le peu de cas que font leurs employeurs chinois du dispositif législatif qui régit le droit du travail au pays de Toumaï, notamment les conventions collectives.
Il convient de s’appesantir sur ce conflit professionnel en attente de règlement, et ce, d’autant plus que, récemment, le 21 septembre 2025, à l’issue de deux années de négociations, le Gouvernement du Tchad et la même entreprise, la CNPCIC, ont signé un protocole d’entente pour la vente du pétrole brut. Il est important, y compris pour l’État du Tchad qui attend de substantiels dividendes de ce nouvel accord, que non seulement les employés tchadiens de cette entreprise puissent être rémunérés décemment, mais aussi et surtout qu’ils soient traités par leurs employeurs avec dignité, comme le requiert le droit du travail au Tchad.
Cet impératif doit d’autant plus être encadré par le gouvernement qu’il y va de la paix sociale. Plus grave, au-delà du non-respect du Code du travail par certains investisseurs chinois, d’autres seraient bien tentés de considérer les États africains où ils s’établissent comme des espaces de non-droit.
Maltraitance des employés chinois
Combien de fois n’a-t-on pas vu sur les réseaux sociaux ou dans certaines dépêches de presse un employeur chinois se rendre ostensiblement coupable, et sans gêne, de maltraitance sur un employé africain ? Dans nombre de ces cas, ces travailleurs africains, dans une sorte de légitime défense, sont
obligés de se faire justice pour se faire respecter. Dans certains cas dramatiques, certains employeurs chinois ont perdu la vie, victimes de réactions d’exaspération de leurs employés. Il s’agit aussi pour les États africains de défendre leur propre dignité. De tels écarts pris avec la loi dans les pays africains et
au détriment des nationaux sont impensables sur d’autres continents.
Certes, il est notoirement connu que l’un des leviers de la croissance et de la compétitivité de l’économie chinoise repose sur les bas salaires et la précarité des conditions de travail de nombreux employés. Or, le droit du travail en vigueur dans les pays africains est en grande partie calqué sur les lois sur le travail en Occident, notamment en Europe, pour ne pas dire en France. La revue Alternatives Sud, dès 2011, a mené une étude fouillée sur les libertés que prennent les entreprises chinoises en Afrique avec le droit du travail, contrairement aux autres entreprises étrangères, occidentales par exemple :
« Davantage que leurs consœurs étrangères ou locales, les compagnies chinoises méconnaissent les droits élémentaires des travailleurs africains et font preuve d’une franche hostilité vis-à-vis des syndicats. Affaiblis par vingt années de restructuration économique, ces derniers peinent à contenir les assauts de ces employeurs émergents. »
Cette situation ne doit pas perdurer !
Eric Topona Mocnga, journaliste à la Deutsche Welle, à
Bonn (Allemagne).