Tel un drapeau noir planté dans le cœur du peuple guinéen, chaque 28 septembre. Ce dimanche, le massacre de Conakry aura fait 16 ans. Selon des ONG de défense des droits de l’homme, plus de 150 personnes ont été tuées dans ce rassemblement organisé par l’opposition au stade de Conakry. Au total, 12 personnes étaient poursuivies, dont Moussa Dadis Camara. Traqué, condamné, l’ancien chef de la junte a été finalement gracié dans un procès qui a duré plus de deux ans. Retour sur les faits.
De la fête de la démocratie au cauchemar. D’un rassemblement initié par Forum des Forces Vivantes Guinéennes au massacre. Une foule vibrante et bouillante, estimée à plus 50 mille personnes, a répondu présent à l’appel. Objectif : contester et critiquer les projets de la junte militaire d’alors. Au pouvoir, Moussa Dadis Camara. Son canal de discussions : les armes.
Ce jour là, un certain 28 septembre, aux alentours de 11h30, le 28 septembre 2009, plusieurs centaines de membres des forces de sécurité guinéennes sont entrés dans le Stade du 28 septembre à Conakry, la capitale de la Guinée. Des hommes en treillis ont ouvert le feu sur des dizaines de milliers de partisans de l’opposition qui participaient à un rassemblement pacifique. À la fin de l’après-midi, au moins 150 Guinéens ont été retrouvés morts ou mourants dans l’enceinte et à l’extérieur du stade. Des corps jonchaient le terrain central du stade ou étaient écrasés contre les portes à demi ouvertes. Certains étaient empilés devant les portes fermées des vestiaires où quelques manifestants terrifiés avaient pu se réfugier.
Des dizaines de femmes qui participaient au rassemblement ont subi des violences sexuelles d’une extrême brutalité de la part des forces de sécurité : viols individuels et collectifs, agressions sexuelles avec des objets tels que des bâtons, des matraques, des crosses de fusil et des baïonnettes. Au moins quatre femmes et jeunes filles ont été tuées pendant qu’elles étaient violées ou immédiatement après. Une femme a été tuée d’une balle dans le vagin alors qu’elle était allongée sur le dos au milieu du stade, suppliant qu’on épargne sa vie. Au cours des heures et des jours qui ont suivi ces violences, alors que des mères, des pères et d’autres membres de familles tentaient désespérément de retrouver leurs proches.
Le procès du siècle
Le stade est devenu ce jour-là un véritable enfer. Un dirigeant de l’opposition présent en tribune du stade raconte le calvaire : «Les soldats ont mis les portes en métal sous tension en coupant les câbles électriques avant d’encercler le stade. Ils sont ensuite entrés dans le stade en tirant. Les gens tombaient. C’était incroyable. Il y avait des cadavres partout.» Selon une enquête menée par Human Rights Watch, le massacre était prémédité et a été perpétré par des unités d’élite de la garde présidentielle. Depuis son exil doré du Burkina Faso, le capitaine Moussa Dadis Camara a toujours nié être responsable de cette tragédie. Il avait accusé son aide de camp, le lieutenant Toumba Diakité d’avoir supervisé cette opération. Excédé, ce dernier lui avait tiré une balle dans la tête. Laissé pour mort, Dadis Camara avait été évacué le 3 décembre 2009 pour des soins au Maroc avant de trouver refuge à Ouagadougou, au Burkina Faso. C’est là que des juges guinéens l’ont auditionné et inculpé le 8 juillet 2015.
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Cette affaire ne pouvait pas rester impunie. Un procès qui a défrayé l’actualité a abouti à des décisions fortes, après près de deux ans de prétoire. Au total, 12 personnes étaient poursuivies, dont Moussa Dadis Camara, le chef de la junte, mais 8 seulement ont été condamnés à des peines allant de 10 à 20 ans de prison. Dans les détails de la décision lue par le juge Ibrahima Sory 2 Tounkara, Moussa Dadis Camara et Moussa Tiegboro Camara écopent de 20 ans d’emprisonnement. Marcel Guilavogui lui est condamné à 18 ans d’emprisonnement, Blaise Goumou a également écopé de 15 ans d’emprisonnement, 11 ans pour Mamadou Aliou Keita, 10 pour Aboubacar Diakité dit Toumba et Paul Mansa Guilavogui.
En plus, les 8 condamnés doivent payer « un franc symbolique » pour chaque ONG constituée, un milliard cinq cent millions de francs guinéens, soit environ 105 millions de FCFA par cas de viol, un milliard soit, 70 millions de FCFA pour chaque cas de mort et de disparu et 500 millions pour chaque cas de pillage. Mais finalement, le 28 mars 2025, le général Amara Camara, porte-parole de la Présidence de la République de Guinée, a lu un décret à la télévision nationale, annonçant que le général Mamadi Doumbouya avait accordé une grâce présidentielle à Moussa Dadis Camara pour raison de santé.
« La grâce de Dadis Camara doit être annulée »
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, monte au créneau et réitère son appel à l’annulation de la grâce présidentielle accordée à l’ancien chef de la junte, Moussa Dadis Camara. Ce, à quelques heures du 16e anniversaire de ce massacre. « La décision […] de gracier et de libérer l’ancien président Moussa Dadis Camara […] est particulièrement préoccupante. Je renouvelle mon appel à l’annulation de cette grâce », a déclaré Volker Türk. Selon toujours le haut diplomate onusien, « le droit international interdit les grâces pour des crimes aussi graves. »
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Quelques semaines après sa libération, Moussa Dadis Camara s’était envolé pour le Maroc dans la nuit du 13 au 14 avril 2025.