La Guinée vient d’être désignée pays économiquement stable par l’agence de notation Standard & Poor’s. Elle lui a attribué la note B+. Cette appréciation positionne le pays comme la troisième puissance économique francophone. Le rapport de l’agence met en évidence les fondamentaux économiques solides de la Guinée et souligne ses perspectives de croissance dynamiques, en grande partie grâce aux performances de son secteur minier. Cette performance économique redore le blason de la junte militaire à quelques heures du scrutin du 21 septembre. C’est une situation qui a ses avantages, mais aussi ses inconvénients. Derrière cette note se cache un subtil calcul économique : le « rebasing ». Ce changement d’année de base des comptes nationaux permet à la Guinée de surclasser le Sénégal, une « victoire » aux pieds d’argile. Sans oublier, le voile qui se cache derrière la note B+. Nous vous expliquons tout !
La force du secteur minier
La Guinée a reçu sa première évaluation souveraine de la part de l’agence de notation internationale Standard & Poor’s. L’attribution de la note B+ a suscité de vives réactions, d’autant plus qu’elle intervient en pleine période électorale. Cette évaluation, jugée réussie par les autorités, a été suivie d’un concert de félicitations. Dans un communiqué publié sur la page de la présidence de la République de Guinée, Djiba Diakité, ministre directeur de Cabinet du Président et Président du Comité Stratégique de Simandou, a déclaré que « l’attribution de la notation B+ signale un nouveau départ pour la Guinée ». Il a ajouté que « cela démontre que nos réformes portent leurs fruits et que l’État guinéen est désormais un partenaire fiable et une destination émergente pour les investisseurs internationaux ».
Cet indicateur économique sera-t-il un atout de campagne, soufflant un vent favorable au « Oui » à seulement deux jours du référendum du 21 septembre ? En tout cas, l’État guinéen « se félicite de cette notation inaugurale qui constitue une étape décisive dans le déploiement du programme Simandou 2040 ».
La note B+, vice ou vertu ?
Le signe « + » est loin d’être un bon indicateur. Levons le voile ! La note B+ attribue à un pays une marge de manœuvre assez faible pour le remboursement de sa dette. C’est l’évaluation que l’agence de notation internationale a accordée à la Guinée. En d’autres termes, non seulement le pays concerné présente un risque d’investissement élevé, mais il fait aussi face à une incertitude économique très réelle.
Selon le Dr Seydina Omar Seye, économiste et enseignant à l’UCAD, la conséquence de cette notation est que « le taux d’intérêt grimpe, obligeant l’État guinéen à recourir à des fonds vautours, c’est-à-dire des fonds d’investissement spéculatifs. » Ces fonds achètent les dettes d’un pays à bas prix, puis poursuivent le gouvernement pour obtenir un remboursement intégral avec des intérêts élevés.
Le « rebasing » en économie
Le « rebasing » (ou rebasage) n’est pas une arme politique, mais une technique utilisée par plusieurs pays pour mieux mesurer la réalité économique. Cette méthode prend en compte des secteurs qui se sont beaucoup développés, comme les transports, la livraison, les services financiers et les télécommunications. Elle inclut aussi le secteur informel, l’extraction de l’or ou du sable, et le commerce non déclaré pour avoir une évaluation plus complète du PIB. Le « rebasing » permet aussi de mettre à jour des données comme celles des enquêtes sur les conditions de vie des ménages, et d’améliorer les paramètres techniques pour des secteurs comme l’agriculture et l’élevage.
Le « rebasing », une arme qui échappe aux autorités sénégalaises
Le pays dirigé par Bassirou Diomaye Faye attend toujours le quitus du FMI, et ce, depuis le scandale des chiffres dits maquillés ou falsifiés de la dette. En effet, en septembre 2024, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a accusé l’administration de l’ancien président Macky Sall d’avoir manipulé les chiffres de la dette publique et du déficit budgétaire. Selon Sonko, la dette réelle du Sénégal était de 76,3 % du PIB, et non de 65,9 % comme l’avait annoncé le gouvernement précédent. Le déficit budgétaire moyen entre 2019 et 2023 était quant à lui de 10,4 %, soit près du double des 5,5 % déclarés officiellement. Ces révélations avaient provoqué des tensions avec les partenaires financiers du Sénégal. Le FMI a d’abord exigé un audit du cabinet Mazars sur la dette. Les résultats sont sortis au mois d’août dernier, faisant état d’une dette qui est passée de 74,4 % à 111,0 % du PIB fin 2023, puis à 118,8 % fin 2024, en raison de passifs non divulgués.
Conakry en tête, en attendant …
« Lorsque le ‘rebasing’ de l’économie sénégalaise, avec le calcul à nouveau des potentialités économiques du pays comme le pétrole et le gaz, mesurées par le PIB nominal, sera validé par les institutions de Bretton Woods, l’économie sénégalaise va rattraper son retard. » Telle est la conclusion, sans ambages, de l’économiste Dr Seydina Omar Seye sur ce match qui se joue sur le terrain économique, entre les deux pays. Pour le moment, le Sénégal est lâché par le peloton et attend toujours le feu vert du FMI. Suspens, avant la fin de la rencontre.