LÉON XIV, UN SOUVERAIN PONTIFE FACE À UN MONDE EN CONVULSION

LÉON XIV, UN SOUVERAIN PONTIFE FACE À UN MONDE EN CONVULSION

Au lendemain de son élection comme 266e successeur de Pierre, le pape François disait sa surprise de constater que « Dieu et le collège des cardinaux sont allés chercher un pape à la périphérie du monde ». Si la formule ne manque pas de saveur, elle ne manque pas non plus de pertinence. Le cardinal Bergoglio a été le premier pape venu d’Amérique latine et l’un des rares venus d’un pays non européen depuis plusieurs siècles.

Par Eric Topona Mocnga, journaliste à la Deutsche Welle.

Du pape Léon XIV on pourrait dire que, à l’inverse de son prédécesseur François, il vient du centre du monde. Jamais, depuis l’existence de la papauté, un pape n’était issu des États-Unis d’Amérique.

Cette exception est historiquement compréhensible dans la mesure où l’Amérique, constituée majoritairement de vagues d’immigration européennes, est un pays relativement jeune. En outre, dans l’imaginaire collectif planétaire, les États-Unis d’Amérique ne sont connus que comme temple du capitalisme triomphant, du consumérisme effréné et d’une hégémonie sur les affaires du monde depuis le recul géopolitique de la vieille Europe à cause des deux guerres mondiales du XXe siècle.

Vitalité de l’Église catholique

Cette image d’Épinal ne doit cependant pas faire illusion sur la vitalité de l’Église aux États-Unis d’Amérique. En effet, 20 % de la population américaine se réclame d’obédience catholique et, par ailleurs, la conférence épiscopale américaine est la plus fortunée de toutes les autres au monde. Elle est la plus grande contributrice au fonctionnement de la curie romaine. Il n’est en outre pas superflu de relever qu’elle est réputée conservatrice sur les questions de société telles que l’interruption volontaire des grossesses, l’euthanasie, le mariage des couples de même sexe. Le cardinal Robert Prévost, désormais pape Léon XIV, est issu de ce moule et fut l’une des grandes voix de cette conférence épiscopale lorsqu’il était évêque de Chicago.

Monde en ébullition

Comme Jean-Paul II au moment de son élection, force est de reconnaître que Robert Prévost est élu au moment où le monde entier s’inquiète de bruits de guerre persistants et de « guerres en chaîne », aurait écrit Raymond Aron, comme il n’en fut jamais le cas depuis le début du XXe siècle. Et les inquiétudes que suscite le monde actuel viennent en partie du centre du monde dont il est originaire, à savoir les États-Unis d’Amérique sous l’administration Trump. C’est dire que, dans l’exercice de son ministère pontifical, le pape Léon XIV sera habité par sa citoyenneté américaine et par ses fonctions de pasteur de l’Église universelle dont il doit faire paître les brebis et répandre la doctrine sociale et l’humanisme, quitte à s’imposer comme un contre-pouvoir aux dérives de Trump.

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On peut d’ores et déjà reconnaître que ses états de service pour la défense de la veuve et de l’orphelin plaident pour lui. Dans une Amérique où le débat politique a été hystérisé par Donald Trump, durant la campagne électorale et jusqu’à présent, le cardinal Prévost s’est illustré par son opposition frontale au vice-président américain J. D. Vance qui a tenté fort maladroitement de justifier les expulsions déshumanisantes de migrants en s’appuyant sur les Saintes Écritures. Aujourd’hui auréolé du prestige et de l’autorité universelle de la fonction papale, nul doute que le désormais pape Léon XIV poursuivra son plaidoyer humaniste dans le sillage d’une vision de l’homme et du monde tracée par le pape François.

Plaidoyer pour la RDC

Dans les convulsions et les bruits de bottes qui résonnent dangereusement aux quatre coins de la planète, il y a des raisons légitimes d’espérer que le pape Léon XIV ne sera pas indifférent aux torrents de larmes et de sang qui ne cessent de se répandre en Afrique, notamment en République démocratique du Congo qui en est l’illustration la plus tragique, un pays que l’on peut considérer à juste titre comme le condensé des drames actuels les plus insoutenables du continent africain.

Pour s’y être rendu à plusieurs reprises, le Pape a cet avantage de le connaître bien mieux que s’il l’avait fait par l’intermédiaire de câbles diplomatiques transmis par un nonce apostolique accrédité à Kinshasa. Au-delà de ses liens personnels avec des figures éminentes de l’épiscopat local, il s’est immergé, durant ses séjours en RDC, dans le pays profond, donc dans ses réalités que l’on ne peut apprécier que de visu. Il y a lieu d’espérer que la diplomatie vaticane, qui s’est impliquée avec succès à travers le monde pour la résolution de nombreux conflits, apportera sa contribution pour l’avènement d’une paix véritable et durable au pays de Patrice Lumumba.

Protection de l’environnement

Le leitmotiv de paix du pape Léon XIV fait sans doute également référence à la crise écologique planétaire actuelle, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, car elle met en péril et à une allure vertigineuse la possibilité même de la vie sur terre.

L’encyclique du pape François à ce sujet, Laudato Si, a été saluée par tous les défenseurs de la préservation de l’environnement, y compris les athées.

Or, il n’y a pas de menace plus grave à la paix que celle qui viendrait de l’impossibilité objective de la perpétuation de la vie humaine sur terre, du fait des dysfonctionnements irréversibles dans les écosystèmes et la biodiversité, à cause de l’action irresponsable de l’homme contre la nature. Ce drame que rien ne semble pouvoir arrêter est tout aussi préoccupant que la course aux armes de destruction massive durant la Guerre Froide. Cette inquiétude est encore plus grande lorsque, pour les quatre prochaines années au moins, Donald Trump, concitoyen du pape Léon XIV et climatosceptique assumé, sera à la tête de la première puissance du monde. Et passant de la parole aux actes, en plus du retrait des États-Unis des Accords de Paris, Trump vient de signer un décret pour l’exploration des fonds marins, y compris dans les eaux internationales.Le pontificat de Léon XIV sera un pontificat de plaidoyer incessant et de combat contre « le mal qui ne l’emportera pas », comme il l’affirme dans son tout premier propos pontifical.

Gageons qu’au terme de son pontificat, qui ne sera pas une sinécure, le monde sera apaisé et meilleur.

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