Diasporas africaines de France : un nouveau départ ?

Par Éric Topona Mocnga, journaliste à la rédaction Afrique francophone de la Deutsche Welle (média international allemand), à Bonn.

Le 16 avril 2025, les diasporas africaines de France étaient réunies à Marseille, la cité phocéenne (ville portuaire du sud de la France), dans le cadre du forum « Ancrages », organisé en partenariat avec le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères.

Les rencontres de Marseille se sont principalement penchées sur la construction de partenariats ou de passerelles économiques et entrepreneuriales entre les diasporas africaines et leur pays d’origine, avec l’accompagnement du réseau diplomatique français et de ses agences spécialisées.

Ce rapprochement et les synergies qu’il pourrait générer ne peuvent qu’être salués au regard du contexte géopolitique actuel et de l’état de la présence française en Afrique.

En effet, la France fait face à de profondes mutations sur le continent africain, mutations qui ne manquent pas d’impacter les rapports séculaires qu’elle entretient avec l’Afrique depuis des décennies. Ces mutations se traduisent par des réactions de rejet ou d’hostilité envers elle dans certains pays du continent africain.

Mais il faut reconnaître que ces attitudes de défiance sont parfois exagérées par le personnel politico-médiatique en France qui a tôt fait de conclure à un « sentiment anti-français ».

La France présente autrement

Le forum « Ancrages » de Marseille est la preuve, s’il en était encore besoin, qu’il y a plutôt, au sein des peuples d’Afrique, du continent ou de la diaspora, l’exigence de voir « la France présente autrement sur le continent africain ».

Il faut reconnaître que, face à cette nouvelle donne, la diplomatie française tente depuis plus d’une décennie de repenser la relation Afrique-France afin d’en extirper les vestiges d’un colonialisme honni et révolu, et de l’inscrire ainsi sur la voie d’un nouveau dynamisme partenarial plus respectueux de la souveraineté des États africains et de la dignité de leurs peuples.

Les diasporas africaines, parce que cosmopolites et intégrées dans la société française, sont les ambassadeurs et les acteurs majeurs de cette refondation historique.

Déjà en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, furent organisés de nombreux événements, en France comme en Afrique, dans le cadre de la célébration du cinquantenaire des indépendances africaines. Ce moment rare d’échanges culturels, de confrontation de vues sur des projets économiques, de retour sur un passé dans lequel se logent des drames multiples, mais aussi une communauté de destin, aura administré la preuve pour les décennies à venir que Français et Africains sont embarqués dans le même navire.

Puis vint le sommet Afrique-France de Montpellier d’octobre 2021, dont Emmanuel Macron remania le format de manière inédite, en dépit des critiques formulées par les uns et les autres.

Si pareille expérience n’a guère été reprise à ce jour, tant elle a plutôt donné l’impression d’un vaste défouloir, le forum « Ancrages » de Marseille a eu le mérite, comme sa dénomination l’indique, d’ancrer les manifestations organisées à cette occasion dans le vécu des peuples d’Afrique et de France par le trait d’union que sont les diasporas africaines.

L’accent porté sur le monde de l’entreprise, la création des richesses et la promotion des projets d’investissement en Afrique est en parfaite résonance avec les préoccupations essentielles de ce continent dont l’extrême jeunesse de la population et la démographie galopante poseront, dans un avenir proche, des problèmes cruciaux d’accès aux ressources vitales ou de leur redistribution.

Ce forum a d’autant plus innové que, depuis des décennies, voire dès l’aube des indépendances, les diasporas africaines de France se sont davantage illustrées sur le terrain des droits civiques et politiques. Par cette option, elles s’inscrivaient dans le sens de l’histoire. C’était l’ère des grandes batailles idéologiques et des luttes pour la décolonisation et l’accession des anciennes colonies africaines à la souveraineté internationale.

Puis vint le moment, pour certains parmi les composantes de ces diasporas africaines de France, de retourner dans leur pays d’origine pour participer à l’œuvre de construction nationale.

Nécessité de s’unir

Depuis cette séquence historique, les diasporas africaines sont de plus en plus balkanisées. Elles se rassemblent rarement autour de grands projets d’envergure continentale. On pourrait même dire sans exagération que, durant de nombreuses décennies dans la France postcoloniale, le monde associatif africain est davantage constitué de diasporas ethniques, qui transcendent cependant ces particularismes à l’occasion des enjeux politiques nationaux dans leurs pays d’origine.

Les diasporas africaines, comme ce fut le cas récemment à Marseille, doivent davantage collaborer au partage d’expériences. C’est l’une des conditions pour qu’elles puissent valoriser les dispositifs d’accompagnement qui leur sont proposés par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères dans le cadre de leur nouvelle politique de coopération décentralisée.

À cet égard, l’on constate, assez souvent pour le déplorer, que de nombreuses organisations de la diaspora africaine de France sont desservies dans leurs stratégies d’investissement en Afrique du fait d’un déficit d’informations et d’une méconnaissance des bonnes pratiques, notamment sur le terrain de la mobilisation et de la gestion des financements et de l’expertise disponibles.

Le forum de Marseille aura été à cet égard d’une importance indéniable.

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