En cette journée du 08 mars où le monde célèbre la journée internationale des droits des femmes, la rédaction s’est intéressée à une femme qui évolue dans un milieu traditionnellement réservé aux hommes. Maimouna Ndongo a su se tailler une place en tant que consultante sportive pour une profession pour laquelle les stéréotypes et les préjugés sociaux ont longtemps éloigné les femmes qui continuent d’en subir des commentaires négatifs.
Dans cet entretien, elle nous livre comment la passion et l’amour pour ce métier peuvent constituer une boussole pour la femme dans sa quête de reconnaissance professionnelle au sein de ce métier dévolu aux hommes.
lesnouvellesdafrique.info (LNA) : Maimouna Ndongo, vous êtes consultante sportive. Pouvez vous nous dire concrètement en quoi consiste votre travail ?
Maïmouna Ndongo: être consultant sportif revient à commenter, analyser des rencontres ou des compétitions sportives d’une part. D’autre part c’est assurer aussi des missions sportives pour les acteurs dans les différents secteurs du sport. Personnellement, je suis plus dans l’analyse et le commentaire.
LNA: Qu’est-ce qui vous a inspiré à vous intéresser à ce métier ?
MN : c’est naturellement que j’ai embrassé le métier de consultante sportive, pour avoir grandi étant enfant dans un environnement où tout le monde aimait le sport. Mon papa fut footballeur amateur dans sa jeunesse pour avoir aimé le football passionnément. Il a été président de l’ASC disso de Guediawaye (banlieue à Dakar). Il a côtoyé pendant des années le comité exécutif (comex) de la Jeanne d’Arc de Dakar, plus connu sous le nom de JA. Je peux dire que j’ai été élevé dans cette atmosphère typiquement sportive. Je me rappelle que le week-end était dédié exclusivement au sport à la maison, surtout au football. Mes sœurs et moi regardions du football, du tennis et le basketball. J’y ai pris goût au fur et à mesure. Ensuite, par amour et affection pour mon père, naturellement, j’ai appris à me familiariser avec le sport, notamment le football. C’est par la suite qu’un journaliste du nom de Seydina Aliou Djigo m’a contacté du fait des expériences que je partageais sur les réseaux et m’a mis en contact avec un autre confrère qui s’activait dans le basketball. Je peux dire que c’est qu’après cela, que les invitations se sont succédé sur les plateaux de télévisions et de radios et le déclic est venu de là.
LNA : le sport se féminise de plus en plus de nos jours avec des jeunes filles qui jouent au foot, des journalistes sportives, des consultantes… Est-ce à dire que les femmes sont arrivées à se départir des stéréotypes qui ont longtemps empêché le leadership féminin dans le milieu sportif ?
MN : Je pense que ces stéréotypes sur le métier existent jusqu’à présent. Nous restons toujours confrontés à ces idées reçues du genre « cette profession n’est pas faite pour les femmes ». Les hommes qui nous regardent de haut ou nous adressent des commentaires misogynes : « Tu t’y connais en football, toi » ou « C’est incroyable que tu regardes du basketball ». Je le conçois comme une aberration dans la mesure où, au Sénégal, les femmes ont marqué leurs empreintes dans ce milieu. Je peux citer Mame Maty Mbengue dans le basketball, la femme la plus titrée d’Afrique, une brave dame comme Kène Ndoye athlète et spécialiste du triple saut, paix à son âme, Amy Mbacké Thiam, championne du monde. C’est dire combien elles ont contribué à relever ces défis en tant que femmes.
Malheureusement, nous rencontrons ces barrières tous les jours, sans oublier derrière celles qui sont physiques où le corps de la femme se masculinise avec la pratique. Combien de parents ont refusé que leurs filles s’adonnent à cette pratique après avoir vu certaines être traitées de « garçon manqué » ? Mais je suis d’avis qu’il s’agit de leurs choix et qu’il faut les respecter. Cela peut être inouï de savoir qu’en 2025 encore ce type de commentaires négatifs soient tenues sur la féminité, mais nous essayons quand même de nous imposer. Nous sommes des femmes, oui, mais nous revendiquons notre place au sein de ce milieu, que ça soit sur le terrain ou en dehors.
LNA : pouvez-vous nous raconter comment votre insertion dans ce milieu s’est faite ?
MN : je peux dire qu’elle s’est faite de manière progressive et naturelle. Tantôt je vous le disais : après ce quizz, je suis restée un moment sans recevoir de sollicitations. C’est à partir d’une blague que tout est parti. Je me souviens encore que c’est dans un groupe sur Facebook dénommé « Facefoot » qu’un ami qui ne l’était pas à cette époque a partagé une publication dans laquelle il cherchait une fille qui était intéressée par une invitation à la télévision. Je me rappelle que j’avais répondu par un emoji pour dire que j’étais intéressée et cela avait marché . Ensuite quarante-cinq (45) jours après, j’ai reçu une invitation à la radio pour l’afro basket masculin qui a fait un boom parce que j’ai reçu à l’issue pleins de retours positifs et de fil en aiguille, j’ai pu asseoir mon règne et m’imposer en tant que consultante sportive. Aujourd’hui, je dispose de la confiance de certains médias et entrepreneurs dans leurs projets sportifs.
LNA : j’en déduis alors que vous n’avez pas fait de formation pour devenir consultante sportive ?
MN: pas du tout. À la base je suis juriste fiscaliste diplômée en droit des affaires et je détiens une expérience de trois ans dans le domaine de l’immobilier. Je suis autodidacte, je peux dire. Je me fais aider par des amis journalistes qui comptabilisent beaucoup d’années d’expériences dans le milieu. C’est grâce à eux que je m’améliore et me renforce. Cependant je n’exclus pas d’aller me former si l’occasion se présente plus avoir plus de légitimité pour cette profession.
LNA : Avez-vous une fois été confrontée à des préjugés sociaux ? Je veux dire avez vous une fois senti des hommes vous faire subir que vous étiez dans un terrain inconnu ?
MN : des préjugés sociaux oui, je le subis au quotidien, la jalousie de certains hommes dans ce milieu, encore plus depuis que j’ai commencé à m’imposer dans ce milieu qui leur est dévolu Il faut quand même reconnaître que bien des femmes sont entrain d’étaler tous leurs talents et leurs compétences dans le sport. Mais il y aura derrière toujours ces hommes qui vont te montrer que cette place n’est pas la tienne tout au début. Certains, avec le temps, vont finir par t’accepter, là où d’autres vont continuer à garder ces préjugés juste parce que, dans leurs têtes, une femme ne peut disposer d’aptitudes dans ce milieu. Au contraire, elles ne sont bonnes que pour la cuisine ou le salon de coiffure et non sur un plateau de télévision. Mais moi, je pense que nous disposons d’assez d’aptitudes, de compétences, de connaissances, de la valeur ajoutée pour nous tailler une place.
LNA: un mot à l’endroit de toutes ces femmes en ce jour de 08 mars où leurs droits sont célébrés. Que leur diriez vous?
MN: Je leur dirai de se donner tous les moyens pour exister dans ce milieu, de croire en elles mais aussi de s’imposer pour avoir une certaine légitimité. Il n’est jamais facile évidemment de se frayer un chemin dans un milieu qui est dévolu à l’autre genre. Cependant, il faut savoir s’imposer en montrant des idées claires et ne jamais développer un complexe vis-à-vis de l’autre sexe. Il est vrai qu’en tant que femme avoir une voix qui s’élève dans un milieu dits d’hommes n’est pas aisé mais aujourd’hui qu’elle prend des proportions positives, je suis d’avis qu’ il faut s’imposer si non plus pour se faire respecter et aller de l’avant.