« Les taxes sur le tabac doivent servir à la création de structures dédiées à la lutte contre le tabac et les MNT  » (Djibril Welle, Listab)

De 65 à 70%, la taxation du tabac a connu dernièrement au Sénégal une augmentation de son prix spécifique dans la loi de finances initiale pour 2025. Le secrétaire exécutif de la Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab) dit approuver cette décision des autorités.

Toutefois, Djibril Welle préconise que les revenus issus de l’augmentation soient mis dans des fonds qui serviront à la lutte contre le tabagisme et les maladies non transmissibles. Il répond aux questions de la rédaction de votre site lesnouvellesdafrique.info.

LNA : L’État du Sénégal a augmenté de 5% le taux sur le tabac dans la loi de finances initiale (LFI) de 2025. Comment le percevez-vous ?

Djibril Welle : Elle vient à son heure et nous tenons à saluer les autorités pour avoir fait cette augmentation. Elle s’est répercutée sur les prix sur le marché, qui est spéculatif d’ailleurs, cette augmentation de taxe. Je pense que c’est cela l’objectif visé quand il s’agit d’augmentation. Ôter l’envie au consommateur d’acheter, mais faire en sorte que ses enfants ne puissent se le procurer. Le paquet de cigarettes est passé de 1000 à 1200 F pour certains, de 1000 à 1500 F pour d’autres. Le bâton de cigarette, quant à lui, varie de 50 à 75 f. L’invite que nous faisons est que le gouvernement ne s’en tienne pas là. Je pense qu’il faut s’aligner sur les directives de l’Uemoa et de la CEDEAO qui préconisent d’aller au-delà de 100 % pour la taxation. Celle de l’Ueoma adoptée il y a deux ans permet d’aller jusqu’à 100%, celle de la Cédéao jusqu’à 130%. Avec autant de marge de manœuvre, je crois alors possible pour notre pays d’augmenter chaque année les taxes qui peuvent impacter positivement sur la prévalence. Ceci est une première appréciation ; la seconde est que cette augmentation va générer des recettes fiscales. Beaucoup plus de revenus vont être tirés sur cette taxation. Pour le tabac, au lieu des 30 à 32 000 milliards généralement générées par an, elle va avoisiner les 35 voire 40 milliards par an. Malheureusement, aucun revenu n’est reversé dans la lutte contre le tabac ou celle des maladies non transmissibles dont le tabac constitue un facteur aggravant, car occupant 30% pour ces maladies non transmissibles. Il s’agit d’un plaidoyer qu’on a entamé depuis l’année dernière et qui se poursuit . L’idée est que les 1% puissent constituer un fonds dédié à la promotion des maladies non transmissibles et à la lutte contre le tabagisme. Il faut savoir que, jusqu’ici , il n’existe pas de centres de sevrage de tabagisme ou de structures adaptées pour accompagner les fumeurs, et ces fonds peuvent aider à leur réation. Je peux vous dire que cela constitue un défi pour nous.

LNA : Et selon vous, à quelles fins ces taxes sont-elles utilisées ?

DW: Vous savez, on parle de l’unicité de caisse dans un État. C’est-à-dire que tout est reversé dans la même caisse. C’est dans le budget de l’État. Au Sénégal, le pourcentage alloué au secteur de la santé est très faible comparé à la contribution des taxes des industriels ou fabriques de tabac . Je peux vous donner des exemples de pays qui ont réussi à mettre en place des mécanismes de lutte contre ces types de maladie. C’est le cas de la Côte d’Ivoire pour qui 0,5% de ces taxes, estimées à 300 millions par an, contribuent à la lutte contre le tabac, le sida, ou encore le sport. Un autre exemple est le Tchad où 100 F ont été ajoutés sur chaque paquet de cigarettes. Ces taxes servent au ministère de la Santé à l’achat d’anti antirétroviraux ou dans la lutte contre le paludisme. C’est ce genre de mécanismes qu’il faut adopter pour continuer davantage la lutte et non collecter et reverser ces taxes dans les caisses de l’État en lieu et place d’autres dépenses. Pendant ce temps, les malades, faute de moyens, sont dans des difficultés, alors que les taxes du tabac peuvent servir à cela.

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LNA : L’État a-t-il mis en place des mécanismes de suivi par rapport à l’application de cette augmentation?. Je rappelle que l’application de la loi de 2014 relative à la fabrication, au conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac peine dans son application.

DW: S’agissant de la taxation, elle est automatique parce qu’elle est présente dans la loi de finances rectificative. Elle est applicable directement à l’industrie. Dès que votée à l’Assemblée nationale, nous avons tous constaté une augmentation des prix sur le marché. Maintenant, concernant la prévalence, les prochaines études vont nous édifier, vu que l’OMS précise que plus les taxes augmentent, plus la prévalence baisse. On en saura un peu plus par rapport à cet impact prochainement. On nous remonte l’information, déjà que certains n’arrivent plus à acheter le paquet de cigarettes; c’est le cas aussi de la vente au détail du fait de la cherté.

LNA :Avez-vous eu des échos en tant qu’organisation de lutte contre le tabac ?

DW : Oui, nous avons des retours, notamment grâce aux reportages dans les médias. Nous avons aussi effectué des descentes sur le terrain pour constater de visu effectivement l’application de cette augmentation.

LNA : Pensez-vous que le Sénégal finira par atteindre la directive de la CEDEAO, à savoir le plafond de taxation de 125 %?

DW : tout est question de volonté politique, à mon avis. Il est essentiel, dans le cadre de la lutte contre le tabagisme, d’avoir des autorités qui pourront faire face à la puissance des lobbys de l’industrie du tabac qui, j’avoue, protègent jalousement leurs intérêts. Ce qui est compréhensible parce qu’ils (ces lobbys) contribuent à hauteur de plus de 35 milliards de taxes sur le budget de l’État. On ne peut les prendre à la légère. Cependant, l’idée première est de protéger les populations par rapport aux causes du tabac et aux pertes en vie humaine qu’il engendre. Pour ce faire, il faut prendre des mesures, d’où l’importance de s’aligner sur les directives prises par l’Uemoa et la CEDEAO qui invitent les États souverains à aller au-delà du seuil fixé par l’Oms pour chacun en ce qui le concerne.

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