Au Tchad, les médias ont décrété ce lundi (23,12.24), une journée sans presse dans l’ensemble du pays. Ce, à une semaine des élections législatives, communales et provinciales du 29 décembre 2024.
Ce mouvement d’humeur intervient suite à la décision de la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel (HAMA) d’interdire la diffusion et la production de contenus audiovisuels aux médias en ligne. En dépit d’une ordonnance prise en fin de semaine dernière par la Cour suprême qui leur a donné raison. Les professionnels des médias tchadiens n’en démordent toujours et sont vent debout contre la Hama. Ces derniers, fustigent l’attitude de l’instance de régulation à leurs égards.
« Cette décision a failli mettre à genou la presse en ligne. Cette journée marque donc le coup de colère des journalistes . Nous souhaitons montrer la place qu’occupe la presse en ligne sur l’échiquier médiatique tchadien », affirme Evariste Ngarlem Tolde, journaliste analyste politique tchadien.
Juda Allahondoum, président directeur du groupe media visionnaire et président du patronat de la presse tchadienne par ailleurs membre de la plateforme des organisations des médias au Tchad abonde dans le même sens. Selon lui, la décision de la HAMA n’a pas sa place dans ce contexte.
« Les journalistes ne sont pas considérés par le pouvoir en place surtout avec les nouvelles autorités de la haute autorité des médias et de l’audiovisuel (HAMA) », regrette t-il revenant sur les raisons de leur grève.
« Nous réclamons deux choses: l’annulation de la décision 055 de la haute autorité des médias et de l’audiovisuel. Cette décision s’oppose à la loi 031 portant régime de la presse au Tchad. Elle est également à l’origine de la grève qui a secoué la toile tchadienne c’est -à -dire la grève des médias en ligne.
La deuxième concerne le fond spécial pour la couverture de la campagne électorale et des élections du 29 décembre prochain. Dans notre pays, un fond a été spécialement alloué aux médias pour leur faciliter la mobilité sur le terrain . Mais grande fut notre surprise au début de la campagne quand on nous a appelé au sein de la HAMA pour simplement nous donner des badges et des gilets sans un fond pour couvrir la campagne. Par le passé, on nous donnait tout le nécessaire et le fond y compris. Donc nous réclamons ces fonds pour nous faciliter le travail sur le terrain. Le baromètre de la démocratie reste la presse . Il y’a ni de subventions pour le développement des médias encore moins de subventions spéciales ».
M Tolde se félicite du respect du mot d’ordre « la plupart des radios privées du Tchad et puis les journaux écrits oont suivi le mouvement. Donc c’est un succès. En plus de cela, c’est un avertissement de taille qu’on donne aux décideurs publics qu’il faudrait pas de temps en temps, s’en prendre à la presse de cette manière pour des raisons qui n’ont pas leur place dans le débat. Donc c’est une journée qui a été respectée et la plupart des journalistes ont montré leur solidarité à leurs amis de la presse en ligne », se réjouit-il.
Prudence
La requête en référé auprès de la Cour suprême déposée ce mercredi par l’association des médias en ligne tchadien (AMET), jugée en leur faveur, les journalistes restent toutefois sur leurs gardes. A en croire le président du patronat de la presse tchadienne, « la décision de la cour suprême est salutaire car elle suspend les effets de la décision 055 mais je dirais qu’elle n’est pas totale. Ce que nous réclamons encore une fois c’est l’annulation. Cette décision est juste suspendue par la cour suprême, la HAMA peut donc rebondir et obtenir la levée de cette suspension pour demander l’exécution de la décision. Celle-ci est certes une première victoire mais elle n’est pas totale. Nous allons tenir jusqu’au bout pour obtenir son annulation « , ajoute Juda Allahondoum.
Évariste Ngarlem Toldé poursuit, « c’est tout à fait normal que la cour suprême donne raison aux journalistes qui travaillent dans les médias en ligne. Il est normal que cette décision soit prise afin de permettre aux tchadiens de profiter de la campagne qui bat son plein sur l’ensemble du territoire national et même au-delà des frontières. C’est une décision qui vient à point nommé parce qu’elle va permettre aux journalistes de retrouver leur place sur l’échiquier et de faire en sorte que les médias ne soient pas simplement audiovisuels et écrits. Les médias en ligne font désormais partie intégrante de la presse ». Le mouvement d’humeur qui intervient dans un contexte d’élections législatives
La décision a été prise bien avant le lancement de la campagne électorale. Les médias en ligne ont juste saisi l’occasion précise M Tolde qui selon lui, « celle- ci est une décision qui tombe mal du fait que beaucoup de tchadiens s’informent à travers les médias en ligne . Dans ce climat d’élection , ils ont voulu tenir à l’écart les médias en ligne ce qui du reste est anormal.
Ils avaient déjà bien couvert les élections précédentes. Il n’y a donc pas de raison de suspendre les médias en ligne . En plus du fait que ces élections s’inscrivent dans un contexte de fin de transition qui va être marquée par les législatives prévues ce 29 décembre ».
Pour Juda Allahondoum, le manque de considération à l’égard des journalistes met une barrière entre les journalistes et le pouvoir central .
« La haute autorité censure les médias. La décision 055 est une forme de censure qui ne dit pas son nom. Ils veulent nous contrôler alors que nous sommes dans un pays de démocratie. Dit-il non sans dénoncer l’impartialité des autorités.
« L’accès aux sources d’information est réservé à une classe de journalistes donnée. Ceux du public y ont accès pendant que le privé n’en bénéficie pas.
Cela fait que l’exercice du métier dans le pays est en train de vaciller et il est temps que les autorités puissent intervenir pour restaurer le métier journalistique dans ce pays. Il faut annuler cette décision et laisser les journalistes faire leur travail ».
« Ce mouvement d’humeur intervient dans un contexte où le Tchad se prépare à organiser la toute première élection couplée : les communales, législatives et provinciales de l’ère démocratique. C’est un fait historique.
Les médias doivent garder un œil pour une meilleure couverture. Malheureusement, force est de reconnaître que les médias ne sont pas impliqués, il y’a beaucoup de laisser aller. Dans ce contexte où le Tchad vit des moments d’insécurité à travers ses frontières à l’Est tout comme à l’Ouest , il est impératif que les médias jouent leur rôle de baromètre de la démocratie », conclut-il.
Nos tentatives de joindre les responsables de la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel (Hama) sont restées vaines.