Selon plusieurs sources, la décision du Tchad de rompre sa coopération militaire avec la France serait due à la demande de Paris, auprès du président Mahamat Idriss Déby, de cesser son soutien aux FSR de Hemedti.
Il ne fait en effet aucun doute que le Tchad soutient les Forces de soutien rapide (FSR) dirigées par Mohamed Hamdan Dagalo, dit « Hemedti ». Celui-ci et ses troupes sont fournis en armes par les Emirats arabes unis qui utilisent l’aéroport d’Amdjarass, dans l’est du Tchad, selon Thierry Vircoulon, consultant indépendant, associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri) qui cite un groupe d’experts de l’Onu. « Tout le monde a des preuves du soutien du Tchad aux FSR parce qu’elles ont été rendues publiques par le groupe d’experts de l’Onu sur le Soudan qui a documenté ces preuves. Donc, tout le monde le sait », dit-il.
En revanche, M. Vircoulon n’est pas en mesure d’affirmer si c’est la dénonciation par Paris de ce soutien des FSR par N’Djamena qui a entrainé la fin des accords de coopération de défense militaire entre le Tchad et la France. Mais pour l’analyste politique tchadien Remadji Hoinathy de l’Institut d’études et de sécurité, Paris entend jouer un rôle majeur dans le conflit inter-soudanais. « Il y a quelques mois de cela, la France a accueilli, sur son sol, Mini Harkawi, l’un des leaders du Darfour, qui est dans le camp d’Abdel-Fattah al-Burhan contre les FSR soutenus par le Tchad. Et je pense que le président tchadien ne veut pas arrêter ce soutien-là. Et cela peut être une des pommes de discorde entre les deux partenaires. »
Ce lundi, des responsables du gouvernement soudanais ont à nouveau accusé leurs adversaires des FSR d’avoir lancé des drones fabriqués aux Emirats arabes unis depuis le Tchad voisin. Un pays soutenu financièrement par les pétrodollars offerts en échange du transit d’armes vers le Soudan.
Ce qui pourrait expliquer l’attitude du Tchad vis-à-vis de la France, explique Thierry Vircoulon. « En effet, les Emirats arabes unis tiennent financièrement le régime tchadien et en échange de ce soutien financier, N’Djamena a facilité le transfert d’armes en provenance des Emirats arabes unis pour les FSR de Hemedti. »
L’analyste politique tchadien Baidessou Soukolgue estime que les dernières attaques terroristes de Boko Haram dans le pays ont pu avoir des conséquences négatives sur la coopération militaire entre N’Djamena et Paris.
« Certainement que les autorités tchadiennes se sont interrogées sur l’utilité des forces françaises avec les attaques près du lac Tchad, où le dispositif français de surveillance du territoire n’avait pas pu partager, avec les autorités tchadiennes, des informations qui auraient pu prévenir ou en limiter l’impact. »
Dimanche soir, le président tchadien a assuré que son pays, le dernier à abriter des forces françaises au Sahel, où Moscou gagne du terrain, avait mis fin aux accords militaires avec Paris, sans toutefois envisager une « logique de remplacement d’une puissance par une autre ».
Mais il n’a pas évoqué le soutien que son pays reçoit des Emirats arabes unis, en lien avec la guerre au Soudan.
Auteur : Bob Barry