Massacre au Burkina Faso : Human Rights Watch accuse le gouvernement

Le 24 août 2024, un groupe armé islamiste a massacré au moins 133 personnes dans la ville de Barsalogho, au Burkina Faso. Cette attaque, confirmée par l’analyse de vidéos et de témoignages, met en lumière l’insuffisance des efforts du gouvernement burkinabé pour protéger les civils, selon un rapport publié par Human Rights Watch le mardi 28 octobre. Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior à l’ONG, revient sur les attaques des groupes terroristes, dont le gouvernement burkinabé serait en partie responsable.

Les Nouvelles d’Afrique : Vous accusez les autorités burkinabé d’avoir exposé les civils aux attaques jihadistes. Sur quelle base avez-vous recueilli ces informations ?

Ilaria Allegrozzi : Nous avons combiné des preuves humaines et matérielles. Nous avons interrogé des témoins, des survivants, des proches des victimes et des sources médicales. En parallèle, nous avons analysé des vidéos filmées par le JNIM, diffusées après l’attaque, et des images satellites qui montrent l’expansion des tranchées depuis 2022, ainsi que l’augmentation des tombes individuelles dans les cimetières de Barsalogho. Ces données sont corroborées par les témoignages de personnes ayant assisté à l’attaque.

Les Nouvelles d’Afrique : Concrètement, comment le gouvernement burkinabé a-t-il exposé les civils aux risques sur le terrain ?

Ilaria Allegrozzi : Les militaires de Barsalogho ont forcé les civils, notamment les hommes, à creuser une tranchée censée protéger la ville des attaques. Ce travail imposé a été accompagné de menaces et de violences physiques. Les témoignages dans notre rapport décrivent comment ces travaux ont été imposés aux résidents.

Autres articles

Les Nouvelles d’Afrique : Vous soulignez que depuis le coup d’État du capitaine Traoré en septembre 2022, les autorités burkinabé n’ont pas donné de suites concrètes aux enquêtes ouvertes sur les attaques djihadistes et les massacres.

Ilaria Allegrozzi : En effet. Pour l’attaque de Barsalogho, le ministère de la Justice a indiqué que le tribunal de Kaya avait ouvert une enquête. Cependant, l’impunité persiste, et de nombreux crimes impliquant les forces de sécurité restent sans suite. Par exemple, après l’attaque de Karma en avril 2023, où 150 civils ont été tués par les forces de sécurité et des VDP, aucune avancée notable n’a été faite. Plus récemment, plus de 200 civils ont été tués dans les villages de Soro et de Nanda. Là encore, une enquête avait été annoncée, mais sans suite ni information sur d’éventuelles arrestations.

Les Nouvelles d’Afrique : Vous mentionnez aussi le travail forcé. Cependant, le ministre burkinabé de la Justice rejette ces accusations.

Ilaria Allegrozzi : Effectivement, le ministre affirme que le travail forcé est interdit par la loi au Burkina Faso et réfute nos chiffres de victimes. Il assure que les forces de sécurité ont agi professionnellement, mais cela ne correspond pas aux témoignages, qui indiquent une réponse militaire insuffisante lors de l’attaque. Aucun des témoins interrogés n’a signalé la présence de renforts militaires ou de soutien aérien pendant l’attaque.

Les Nouvelles d’Afrique : Vous accusez aussi le gouvernement d’exposer les civils à des risques inutiles en s’appuyant sur les VDP.

Ilaria Allegrozzi : Oui, depuis 2022, les autorités ont recruté plus de 50 000 Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) pour participer aux opérations de contre-insurrection. Bien que cette mobilisation civile ait renforcé l’effort de guerre, elle expose aussi les civils au danger, car les VDP sont souvent ciblés par les groupes islamistes. Les VDP sont armés avec peu de formation et de supervision, ce qui suscite des préoccupations pour les droits de l’homme. Les civils de Barsalogho n’étaient pas armés et ne participaient pas directement aux hostilités, ce qui fait de cette attaque un crime de guerre.

Get real time updates directly on you device, subscribe now.