Tentative de coup d‘État au Bénin : « Si Olivier Boko est emprisonné, Patrice Talon aura la paix » 

C’est le procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), qui a fait l’annonce, ce mercredi (25.09.24).

Devant la presse, Elonm Mario Metonou a déclaré que les autorités ont déjoué une tentative de coup d’État. Selon lui, les présumés commanditaires sont Oswald Homéky, ancien ministre des Sports et Olivier Boko, ami de longue date du président Patrice Talon, ainsi que le commandant de la garde républicaine.

Mais pour le journaliste béninois Alassane Sanni Bio, ces arrestations peuvent être purement politiques. Il explique aussi que c’est une nouvelle qui a surpris dans le pays. Le Bénin, dit-il, ne présente aucun germe d’une initiative visant à écourter le mandat du Président Talon.

« Il est vrai que nous sommes à moins de deux ans des élections générales de 2026 et les acteurs politiques ne s’accordent pas toujours sur les conditions de l’organisation de ces élections. Notamment la question du code électoral qui est sujette à des polémiques. Parce qu’ils estiment que c’est taillé sur mesure pour exclure des candidatures. Mais le Bénin avait connu des situations politiques beaucoup plus conflictuelles que ce que nous observons actuellement. Par exemple, en 2019, c’était le pic. Il y a eu même assez de morts. Mais un coup d’État n’a pas été agité. En Afrique de l’Ouest, les raisons qui ont poussé au coup d’État, ces dernières années, sont généralement liées à l’insécurité. Au Bénin, le niveau de cette problématique n’atteint pas un degré qui obligerait à cette option. Donc c’est purement politique », insiste-t-il.

Les partisans d’Oswald Homéky parlent, eux, d’atteinte grave aux droits fondamentaux et d’acharnement politique. Des propos que le journaliste béninois Alassane Sanni Bio préfère nuancer.

« À une heure du matin, on retrouve le commandant de la Garde républicaine chez lui avec une somme de 1 milliard 500 FCFA dans l’un de ses véhicules. Ce qui est suffisamment grave. Parce que tout le monde sait qu’il n’est plus en odeur de sainteté avec le président de la République depuis qu’il a démissionné de son poste de Ministre des Sports. Donc, trouvez un monsieur qui est le patron de la sécurité du chef de l’État à une heure aussi tardive, alors qu’il n’y a plus d’entente politiquement entre les deux personnalités. Je pense qu’il y a anguille sous roche. Donc, l’État a le devoir de l’interpeller et de faire la lumière sur cette situation. À mon avis, il ne s’agit pas d’atteinte aux droits fondamentaux. S’ils parlent d’atteinte, ils font certainement allusion à l’heure d’intervention de la brigade criminelle au domicile de l’ancien ministre. Mais je pense que pour un acte de cette gravité, si le renseignement est bon, on ne peut que faire cette intervention. »

Et M. Bio de poursuivre : « Ce n’est pas de l’acharnement politique non plus, parce qu’il a démissionné depuis plus d’un an. Il n’a jamais été inquiété, en tout cas publiquement. Il donnait ses opinions sur la gouvernance politique actuelle à travers des postes sur les réseaux sociaux, mais il n’a jamais été interpellé. Je sais quand même que la position politique actuelle de l’ancien Ministre dérange le pouvoir. Vu qu’il est le soutien d’un potentiel challenger du dauphin du Président de la République. Un monsieur qui est aussi ami très proche du Président, mais dont la candidature est suscitée par des mouvements politiques depuis quelque temps. Il s’agit d’Olivier Boko, un opérateur économique et premier soutien du Président Patrice Talon depuis 2016. Il était même en exil avec lui suite aux ennuis qu’il avait eu avec l’ancien chef de l’État Boni Yayi dans une affaire de tentatives d’assassinat. Actuellement, Actuellement, M. Boco même a été interpellé dans la même affaire que le Ministre Oswald Homeky.»

Pour Abdoulaye Sanni Bio, l’arrestation de l’ancien ministre des Sports et de l’homme d’affaires n’a pas suscité de vives réactions ou de soutien.

« Parce qu’il y en a qui estiment qu’il s’agit d’un jeu politique orchestré par le régime de Talon . C’est le même camp ils veulent juste distraire le peuple. Il y en a qui pensent aussi qu’il faut les laisser gérer leur affaire entre eux, vu qu’ils sont des anciens collaborateurs. Ce sont des observations superficielles. Il est vrai que la nouvelle est tombée dans un contexte de sécurité très précaire dans la partie septentrionale du pays, parce qu’il y a eu des attaques soldées par des morts de policiers, mais cette tentative de coup d’État n’a influencé aucunement ni la situation sécuritaire ni politique, fait savoir le journaliste béninois.»

À la question de savoir les raisons qui pourraient pousser Oswald Homéky à orchestrer ce coup de force, Sanni Bio évoque des considérations purement politiques.

« Je disais tantôt qu’il est un soutien d’un ami proche du chef de l’État dont la candidature est suscitée ces derniers temps. Je veux parler d’Olivier Boko qui est aussi arrêté dans cette affaire. Alors qu’il est vantillé que Patrice Talon ne voudrait pas que son ami Boko soit candidat. C’est pour cette raison que le Ministre aurait démissionné pour travailler à sa candidature. Et comme la loi électorale risque de bloquer son candidat parce qu’il y a tellement de barrières, cela pourrait expliquer cette volonté de renverser le pouvoir pour permettre une élection inclusive. Parce que plusieurs voix dénoncent ce nouveau Code électoral. Même les religieux s’étaient invités dans la danse pour demander la révision de ce code dont l’application pourrait susciter des situations de crise.»

S’agissant de ce qui peut advenir suite à cette affaire, Abdoulaye Sanni Bio dit s’attendre à une condamnation des accusés. Toutefois, il affirme qu’il n’y aura aucune protestation de la part de la population.

« À première vue, on peut croire que le Pouvoir a maintenant la paix. Parce que l’opérateur économique que l’ancien Ministre soutient était le plus redouté. Il trouble même visiblement le sommeil aux partis de la majorité présidentielle et du chef de l’État. S’il est mis en cage, on peut estimer que la menace est dissuadée. Mais il peut avoir des surprises. Parce que Olivier Boko a la main mise sur beaucoup de leaders politiques et de personnalités au sein de la mouvance. Si le choix que le chef de l’État va opérer comme Dauphin en temps opportun ne reçoit pas l’assentiment d’eux tous, il y a risque de scission au sein de la mouvance présidentielle. Je sais que beaucoup ne sont pas contents de l’interpellation d’Olivier Boko et du ministre, donc des coups peuvent être en préparation. Mais pas de si tôt. Vu que le Président Patrice Talon est souvent en avance sur tout le monde, ils vont rester sur leurs gardes. Ce qui est plausible est que la vraie opposition au régime de Talon pourrait provenir de son propre camp avant les élections de 2026.»

Rappelons que depuis 2020, quatre pays de la région Ouest africaine ont été le théâtre de coups d’État.

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