Sous la chaleur, la pression des tribunes et l’écho de millions de téléspectateurs, ils n’ont qu’une seconde pour décider. À la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), certains arbitres sont devenus des personnages à part entière du récit africain. Voici leurs histoires, mêlant matchs historiques, phrases qui restent et regards de vestiaires.
Bakary Papa Gassama (Gambie) – « Les joueurs sont des stars… nous aussi nous sommes de grands arbitres »
Le 8 février 2015, à Bata, la finale Côte d’Ivoire–Ghana (0–0, 9–8 t.a.b.) glisse vers une séance au cordeau. Bakary Gassama tient le fil avec un calme clinique : cartons mesurés, gestion des attroupements, rythme maîtrisé. Les détails comptent, et l’Ivoirien Boubacar Barry finit par devenir le héros de la nuit aux tirs au but ; mais l’empreinte de l’arbitre gambien, c’est cette impression d’équité glaciale dans un match où la moindre étincelle pouvait dégénérer.
Gassama a souvent expliqué sa philosophie avec une franchise désarmante :
« C’est un sentiment fantastique. Il n’y a rien de tel que la Coupe du monde… Les footballeurs célèbres peuvent être de grands joueurs, mais nous sommes aussi de grands arbitres. »
Cette assurance s’appuie sur un CV rare pour un arbitre africain : Jeux olympiques (2012) et sélections pour plusieurs Coupes du monde, après avoir été désigné pour la finale de la CAN 2015.
Coffi Codjia (Bénin) – La tempête de Benguela (2010) et le prix du courage
Demi-finale Algérie–Égypte (2010). Pénalty pour l’Égypte : le gardien algérien Faouzi Chaouchi fonce sur Coffi Codjia et le heurte de la tête. L’atmosphère est électrique ; l’Algérie finira à neuf, l’Égypte s’imposera 4–0, et la CAF suspendra Codjia pour ne pas avoir sanctionné sur-le-champ le geste du portier — épisode qui a marqué à la fois la dureté du métier et la fragilité de l’arbitre face au tumulte.
Les comptes rendus de l’époque sont sans fards : « suspension indéfinie » après un rapport de match jugé incomplet, tandis que Chaouchi écopera de trois matchs de suspension.
Codjia retrouvera ensuite le centre, preuve que l’instance sait aussi réintégrer ses officiels après la sanction.
Janny Sikazwe (Zambie) – Le jour où l’horloge s’est déréglée (CAN 2021)
Le 12 janvier 2022, à Limbé (Cameroun), la rencontre Mali–Tunisie déraille. Janny Sikazwe siffle la fin à la 85e minute, reprend… puis re-siffle à 89’49’’, sans temps additionnel, malgré deux longues interventions de la VAR et une exclusion dans le money time. La CAF annoncera une enquête, et la Tunisie refusera de revenir jouer les dernières minutes après une tentative de reprise post conférence de presse.
Après coup, l’arbitre zambien confiera avoir été victime d’un coup de chaud :
« J’ai été chanceux de ne pas tomber dans le coma et de mourir… Mon corps ne répondait plus, je n’entendais plus personne. »
Côté tunisien, l’entraîneur Mondher Kebaier parlera d’une prestation « inexplicable » :
« Il y avait des interruptions, des vérifications VAR… et on siffle avant 90 minutes.
Anecdote devenue cas d’école, ce match a mis en lumière un angle mort : la gestion de la santé des officiels dans des conditions climatiques extrêmes.
Bamlak Tessema (Éthiopie) – Le maestro du VAR et la satisfaction « impossible à décrire »
À Yaoundé, lors de la demi-finale CAN 2021 Sénégal–Burkina Faso, Bamlak Tessema utilise le VAR avec une pédagogie saluée : deux décisions de pénalty potentiels sont réévaluées puis annulées, grâce à un protocole impeccablement suivi — un exemple souvent cité pour montrer ce que la vidéo peut apporter quand elle est bien conduite.
Dans un portrait réalisé avant la Coupe du monde 2018, il confiait déjà ce qui l’anime :
« L’arbitrage exige de la passion… On ne devient pas riche, mais on voyage, on apprend, et si l’on réussit, on peut être aussi reconnu que certains joueurs. La satisfaction de contrôler un match en paix est impossible à décrire. »
Son sang froid et sa communication – rares dans des matches sous haute tension – expliquent la confiance récurrente de la CAF lors des grandes affiches.
Autres visages qui ont compté à la CAN (anecdotes & marqueurs)
• Djamel Haimoudi (Algérie) – Finale CAN 2013 à Johannesburg : Nigeria–Burkina Faso 1–0, match maîtrisé malgré la pression d’un FNB Stadium plein à craquer. Haimoudi a posé un cadre clair, notamment sur l’intensité des duels au milieu.
• Sidi Alioum (Cameroun) – Match d’ouverture CAN 2019 (Égypte–Zimbabwe 1–0). Un baptême de feu devant plus de 70 000 personnes, géré sans débordements : peu de cartons, beaucoup de prévention – une marque de fabrique
• Mustapha Ghorbal (Algérie) – Officiel très demandé des compétitions CAF et FIFA, il a dirigé des chocs de la CAN 2019 (dont Ouganda–Sénégal, puis Sénégal–Bénin) et l’ouverture de la CAN 2021 (Cameroun–Burkina Faso) ; réputé pour sa gestion du tempo et une application très rigoureuse de l’avantage.
• Gamal Al Ghandour (Égypte) – Figure majeure des années 1990 2000, arbitre de la finale CAN 2002 (Cameroun–Sénégal). Plus tard, au sujet de la polémique du Mondial 2002 (Corée du Sud–Espagne), il revendiquera une « arbitrage excellent » en précisant que « la prestation de [ses] assistants fut désastreuse » – rappel utile sur le fait qu’un arbitre central ne décide pas tout seul.







