Mouhamed Gueye avait 26 ans. Un âge où la vie se cherche encore, entre espoirs, fragilités et chemins incertains. Originaire du Sénégal, il arrive en France en septembre 2020 avec un visa étudiant, animé, selon ses proches, par le désir de réussir loin des siens. « C’était un garçon sans problème », répète aujourd’hui sa famille, encore sous le choc.
Quatre ans plus tard, son parcours s’achève brutalement sur le cours Napoléon à Ajaccio, abattu par la police française. Ce jour-là, selon la version officielle, le jeune homme errait armé d’un couteau, menaçant passants et commerçants. Une scène de panique, une intervention policière, puis des coups de feu. La trajectoire de Mouhamed Gueye bascule définitivement.
Derrière l’image de l’étudiant discret se dessine pourtant une réalité plus complexe. Les éléments de l’enquête révèlent un homme visiblement en lutte avec ses démons intérieurs. En janvier 2025, à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, il est déjà interpellé pour des faits de menaces. Là encore, un couteau. Là encore, une tension extrême. Lors de son arrestation, il résiste au menottage. Mais très vite, la procédure judiciaire s’arrête net : son état psychique est jugé incompatible avec une garde à vue.
Le diagnostic est lourd. Le médecin requis recommande une hospitalisation d’office, qui durera près de deux mois. Un épisode déterminant, souvent évoqué aujourd’hui comme un signal d’alerte resté sans véritable suivi durable.
Au printemps 2025, Mouhamed Gueye refait surface en Corse, où il s’installe en mai. Administrativement, il est en règle : visa étudiant valide. Mais l’enquête révèle aussi une zone d’ombre supplémentaire : il est en possession d’une fausse carte d’identité belge, signe d’une existence de plus en plus instable, fragmentée, peut-être errante.
À Ajaccio, ses derniers instants cristallisent toutes les contradictions de son parcours : un jeune migrant venu étudier, rattrapé par une fragilité psychologique profonde, confronté à une réponse policière fatale. Sa mort pose aujourd’hui de lourdes questions sur la prise en charge des troubles mentaux, l’isolement des étudiants étrangers et les limites de l’intervention armée face à des personnes en détresse.
Mouhamed Gueye laisse derrière lui une famille endeuillée, des proches incrédules et une trajectoire interrompue, devenue malgré elle, un symbole des angles morts entre migration, santé mentale et sécurité publique.
Alioune Sow






