Au-delà des chiffres, il y a des histoires qui s’écrivent dans les têtes. Celle qui lie le Cameroun au Gabon en phase finale de Coupe d’Afrique des nations appartient à cette catégorie : un paradoxe permanent. Sur la scène continentale, les Lions Indomptables dominent l’histoire, cinq étoiles sur le maillot et une culture de la gagne chevillée à l’âme. Mais face aux Panthères, en phase finale, le géant se heurte à une paroi invisible.
Deux duels en poules (2010, 2017), zéro but inscrit par le Cameroun. Et, plus largement, aucune victoire des Lions contre leur voisin gabonais lors d’une phase finale de CAN, quand bien même ils mènent la série globale (toutes compétitions confondues) avec douze succès sur vingt-six confrontations.
Agadir, théâtre d’un contraste saisissant
Saviez-vous que le stade Adrar s’apprête à accueillir un match qui dépasse la simple entrée en matière d’un tournoi ? Dans un Groupe F qualifié de « poule de la mort », chaque détail comptera : la gestion de la pression, l’efficacité dans les zones de vérité, la lucidité dans les moments chauds. Pour le Cameroun, c’est une opportunité double : lancer le tournoi et briser une malédiction vieille de quinze ans. Pour le Gabon, c’est le moment de donner corps à une réputation devenue folklore : être la bête noire des Lions Indomptables quand les caméras de la CAN s’allument.
Un historique qui défie la logique sportive
Les chiffres bruts racontent une supériorité camerounaise à l’échelle longue : plus de victoires, plus de présence au très haut niveau, et une identité forgée dans les matchs couperets. Pourtant, en phase finale de CAN, le récit se renverse. Là où l’aura du Cameroun écrase souvent l’adversaire, le Gabon oppose une résistance méthodique, presque clinique. Le résultat : aucune victoire camerounaise dans ce contexte précis, et une incapacité persistante à marquer face aux Panthères sur leurs deux confrontations de poules (2010, 2017). Une anomalie statistique qui, à force de se répéter, devient un paramètre.
2010 et 2017 : des cicatrices et…
Angola, 2010. Le Cameroun arrive favori, fort de son effectif et d’un Samuel Eto’o au sommet. Le Gabon, lui, joue avec conviction et audace. Un but de Daniel Cousin scelle une victoire (1–0) qui étonne le continent. La performance de Didier Ovono dans les buts, majestueux, devient un repère du récit gabonais. Ironie cruelle : quelques mois plus tôt, les Lions avaient dominé les Panthères à deux reprises pendant les éliminatoires combinés CAN/Mondial 2010. La bascule mentale naît là.
Gabon, 2017. Pays hôte, public ardent, pression maximale. Le Cameroun est en reconstruction mais solide dans l’état d’esprit. Le choc se joue sur un fil, s’achève sur un 0–0 aussi rageant pour le pays hôte qu’utile pour les Lions : le Gabon est éliminé à la maison, le Cameroun s’ouvre un chemin qui le mènera au cinquième sacre.
L’histoire devient paradoxale : les Panthères ne battent pas les Lions, mais les privent de leur expression offensive et leur compliquent systématiquement la vie. Une rivalité sans triomphe flamboyant, mais avec des marqueurs psychologiques profonds.
Fin de la malédiction ou confirmation du « chat noir » ?
Pour le Cameroun, l’enjeu dépasse le simple résultat. Briser la séquence gabonaise en phase finale, c’est alléger le bagage mental pour le reste du tournoi et envoyer un signal d’autorité à la concurrence. Pour le Gabon, prolonger cette dynamique, c’est s’installer durablement dans une posture d’équipe imprévisible, capable d’aimanter la pression adverse et de frapper juste. Dans une poule dense, un point peut valoir très cher, mais une victoire pourrait redessiner l’architecture du groupe dès la première journée.







