Du 8 au 12 décembre 2025, Lomé, la capitale du Togo, réunira des figures médiatiques du néo-panafricanisme sous le thème : « Renouveau du panafricanisme, réforme des institutions mondiales, réparations et restitution du patrimoine africain ». Éric Topona.
Ce grand rassemblement panafricain s’inscrit dans le cadre du 9e Congrès Panafricain, qui se donne comme objectif global de « réunir les Africains du continent et de la diaspora pour réfléchir à la place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale et le développement du continent ». De nombreuses activités meubleront ces quatre journées. Elles porteront sur des thématiques secondaires telles que la constitution d’un réseau de l’expertise scientifique panafricaine, les migrations africaines, les transferts de fonds des diasporas, la réforme des institutions internationales multilatérales, l’accélération de l’implémentation de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), la promotion des langues africaines dans le cyberespace, etc.
Une initiative salutaire
D’emblée, les assises panafricaines de Lomé sont à saluer. Il est opportun qu’en ce moment de l’histoire des relations internationales où les Etats se regroupent en blocs pour défendre des intérêts communs et parfois stratégiques, l’Afrique ne soit pas en reste. Plus encore que tout autre continent, l’Afrique demeure le continent qui continue de pâtir d’une extrême balkanisation, tant au niveau des communautés économiques régionales (CER) que du continent tout entier. Tant et si bien que c’est quasiment toujours en rangs dispersés que les Africains se présentent aux grandes rencontres internationales où sont débattues les préoccupations planétaires majeures de l’heure et qui parfois la concernent au premier chef.
Au regard de ce déficit de solidarité et de mutualisation des forces à l’échelle du continent, on ne peut que louer les objectifs de ce 9e Congrès panafricain, dans le droit fil de l’ouvrage culte et programmatique du grand théoricien panafricaniste Kwame Nkrumah : L’Afrique doit s’unir. (Le dirigeant ghanéen s’est éteint le 27 avril 1972, six ans après sa chute).
Questionnements et interrogations légitimes
Cependant, les assises panafricanistes de Lomé ne sont pas exemptes de questionnements légitimes, voire d’interrogations perplexes. Ce n’est pas pour coller à un lexique à la mode que nous avons fait usage du néologisme « néo-panafricanisme » dans notre propos liminaire.
En effet, depuis la résurgence de la pensée panafricaniste dans les discours à l’aube du XXIe siècle, voire dans les plaidoyers de certains intellectuels, activistes cybernétiques, leaders d’opinion africains, force est de constater que le panafricanisme dont ils se font les chantres est parfois à mille lieues de ce noble concept tel que le formulaient Kwame Nkrumah, George Padmore, Julius Nyerere, Cheikh Anta Diop pour ne citer que ceux là.
Posture anti-occidentale, anti-française…
D’une part, il est de notoriété publique qu’il s’agit pour nombre d’entre ces néo-panafricanistes d’une posture ouvertement anti-occidentale, notamment anti-européenne, voire anti-française, dictée par certaines puissances émergentes ou établies, au premier rang desquelles la Russie de Vladimir Poutine. Cette satellisation intellectuelle aux ordres de Moscou, de ce qui tient lieu de panafricanisme aujourd’hui, est grassement financée par la Russie ou ses nouveaux alliés africains, comme l’attestent de manière indubitable et depuis plusieurs années, des enquêtes extrêmement fouillées.
…et vassalisation sous le parapluie de Moscou
D’autre part, ce panafricanisme dévoyé prône une déconnexion de l’Afrique d’avec l’Occident pour une vassalisation sous le parapluie prétendument protecteur de Moscou. Le panafricanisme des pères fondateurs est pourtant fondamentalement anti-impérialiste. Il s’agissait pour ces panafricanistes authentiques, de bâtir une Afrique qui deviendrait le centre d’impulsion de son développement, et non de continuer à « dormir sur la natte des autres », comme le déplorait le célèbre historien burkinabè Joseph Ki-Zerbo.
Négation de l’idéologie originelle
Cette extraversion de leur militantisme panafricaniste est une négation absolue de l’idéologie originelle. Il ne faut jamais perdre de vue que le panafricanisme des pères fondateurs de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) n’est pas un rejet viscéral de l’Occident. C’est dans la ville de Manchester au Royaume-Uni, en 1945 ; et à Paris, en 1956, que se sont tenus les deux premiers grands rassemblements panafricanistes du XXe siècle : il s’agit du Congrès de Manchester et du Congrès des écrivains et artistes noirs à Paris.
Fait notable et qui semble échapper à certains néo-panafricanistes anti-occidentaux, la rencontre de Paris bénéficia de l’appui moral et matériel de grandes figures intellectuelles et artistiques européennes telles que Jean-Paul Sartre, Pablo Picasso, Michel Leiris etc. Les mêmes ont apporté des contributions décisives pour la création de la maison d’édition mythique Présence Africaine.
Un air de déjà vu
Au regard de l’objectif global du 9e Congrès panafricain de Lomé et des thèmes sur lesquels plancheront les participants, on note comme un air de déjà vu. Pour une énième fois, on parlera des « réparations », donc un sempiternel retour vers le passé. Une fois de plus, l’Afrique est évoquée comme s’il s’agissait d’un bloc monolithique, alors qu’il s’agit d’une entité plurielle, traversée par des dynamiques et des temporalités parfois différentes.
Enfin, ces thèmes sont fortement inspirés de l’Agenda 2063 de l’Union africaine dont le bilan d’étape devrait plutôt être préalablement dressé à cette occasion.
À Lomé, rien de nouveau sous le soleil.






