Au Sénégal, les scandales liés aux falsifications d’actes de naissance se multiplient, révélant les failles d’un système d’état civil en grande difficulté. À Marsassoum, dans la région de Sédhiou, 831 faux extraits destinés à des demandes de carte d’identité ont été découverts. À Thiaroye-sur-Mer, un réseau similaire a été démantelé, entraînant l’arrestation de cinq personnes, dont deux agents d’état civil, ainsi que la saisie de 26 registres.
Les conséquences de ces irrégularités sont parfois lourdes. Un homme d’une trentaine d’années, souhaitant garder l’anonymat, raconte avoir été victime d’une erreur administrative qui l’a empêché de passer le baccalauréat. Lorsqu’il s’est présenté à la mairie de Thiès pour obtenir deux extraits de naissance, l’agent lui a annoncé que le numéro figurant sur son acte ne correspondait pas au sien : « Dans le registre, ce numéro est attribué à une autre personne », témoigne-t-il.
Pour Yerim Dièye, ancien officier d’état civil, ces dérives s’expliquent par un manque de formation, de professionnalisation et de considération pour les agents. « Les politiciens recrutent des personnes sans aucune formation préalable. Tu les amènes aux archives, ils ne peuvent même pas faire des recherches », déplore-t-il. Selon lui, ce manque de compétences favorise des erreurs répétées : « Tu peux prendre le numéro 125 alors que c’est le 127. Le demandeur devra ensuite passer par un jugement pour régulariser l’acte. »
Il reconnaît avoir lui-même commis une erreur similaire sur l’acte de naissance de sa nièce, corrigée après vérification. Mais ces incidents s’inscrivent dans un contexte plus large : actes détériorés, archives mal conservées, bureaux non climatisés, registres abîmés, autant d’éléments qui fragilisent la fiabilité du système.
Après 29 ans de service, Yerim Dièye regrette la disparition des contrôles rigoureux auparavant assurés chaque année par le président du tribunal et son équipe, qui vérifiaient l’exactitude des actes de naissance, mariage et décès. Il souligne également l’absence de formation juridique des officiers actuels : « On peut parcourir les 19 communes de Dakar sans trouver un seul officier disposant du Code de la famille. Ils travaillent sans document de référence. »
Il pointe enfin la faible rémunération des agents — entre 40 000 et 50 000 FCFA — qui les rend vulnérables à la corruption. Pour lui, plusieurs pistes de réforme existent : mieux impliquer les maternités, créer des centres de formation, rattacher les agents au ministère de l’Intérieur et revoir leur salaire.
Yerim Dièye appelle ainsi à des assises nationales de l’état civil pour moderniser un système en crise et restaurer la confiance des citoyens.
Alioune Sow







