En 2021, la rupture entre Bamako et Paris a marqué un tournant stratégique : la junte malienne a choisi Moscou comme partenaire privilégié dans la lutte contre les groupes jihadistes. Wagner, devenu Africa Corps en juin 2024 sous contrôle direct du ministère russe de la Défense, incarne cette coopération.
Mais quatre ans après ce rapprochement, le constat est amer : les victoires militaires dans le nord n’ont pas suffi à stabiliser le pays, et le Mali s’enlise dans une crise multidimensionnelle.
Le blocus du carburant : une arme économique
Depuis septembre, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) impose des blocus sur les routes stratégiques reliant le Mali au Sénégal et à la Côte d’Ivoire. Ces axes sont vitaux pour l’approvisionnement en carburant et en biens essentiels.
Conséquence : pénurie généralisée, flambée des prix, paralysie des transports et ralentissement de l’économie. Le carburant, nerf de la guerre, devient un instrument de pression jihadiste. Cette stratégie vise à asphyxier Bamako, fragiliser la junte et délégitimer ses alliés russes.
Africa Corps : un partenaire en demi-teinte
Contrairement à Wagner, connu pour ses opérations offensives, l’Africa Corps privilégie une posture défensive : soutien aérien, drones, escortes de convois.
Cette prudence s’explique par deux facteurs : limiter les pertes dans un contexte où les attaques jihadistes se multiplient et préserver l’image russe, alors que les accusations d’exactions contre les civils – massacres, tortures, viols – ternissent déjà la réputation de Moscou.
Pourtant, cette stratégie a un coût : moins d’impact sur le terrain, incapacité à briser le blocus, et perception d’inefficacité.
Un Sahel devenu épicentre du terrorisme
Selon l’Index mondial du terrorisme, la région sahélienne concentre désormais la majorité des attaques jihadistes dans le monde. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger forment un triangle d’instabilité où les groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique exploitent les failles sécuritaires et les tensions communautaires.
Le blocus du carburant illustre une évolution tactique : passer de la conquête territoriale à la guerre économique, en ciblant les flux logistiques.
Les intérêts russes en toile de fond
Au-delà de la lutte antiterroriste, Moscou poursuit des objectifs économiques et géopolitiques comme le contrôle des ressources minières, notamment l’or, avec la construction d’une raffinerie par la société russe Yadran et la projection d’influence en Afrique, dans un contexte d’isolement vis-à-vis de l’Occident.
Cette stratégie comporte des risques : l’enlisement militaire, la dépendance à des régimes fragiles, et l’exposition à des conflits asymétriques.
Un partenariat à l’épreuve du réel
Le cas malien révèle les limites des alliances sécuritaires fondées sur des logiques de puissance plutôt que sur des solutions politiques inclusives.
Tant que le Mali ne parviendra pas à reconstruire un consensus national, à réintégrer les communautés marginalisées et à assurer la gouvernance des territoires, la présence russe – comme celle des forces internationales avant elle – restera une réponse partielle à une crise systémique.
B.B







