L’interception par la DRCCC de huit camions-citernes de gasoil détournés vers des sites d’orpaillage ne représente que la partie émergée d’un système opaque. Ce trafic s’appuie sur des réseaux transfrontaliers bien structurés, impliquant transporteurs, intermédiaires locaux et opérateurs étrangers. Leur objectif : alimenter en carburant des exploitations aurifères informelles, échappant souvent à tout contrôle fiscal et réglementaire.
Un trafic structuré, des moyens considérables
Les enquêteurs ont découvert des bennes transformées en citernes pouvant contenir jusqu’à 35 000 litres de gasoil. Ces véhicules circulent discrètement vers des zones reculées, où l’orpaillage artisanal et semi-industriel est en plein essor. « Ce n’est pas un simple détournement, c’est une filière », confie un cadre de la DRCCC sous couvert d’anonymat. Les stations-service locales servent parfois de points de transit involontaires, leurs propriétaires ignorant que leurs livraisons sont ensuite redirigées vers des sites illégaux.
Complicités et zones d’ombre
Selon des sources qui se sont confiées à notre média Les Nouvelles d’Afrique des complicités existent au sein des réseaux de transport, mais aussi dans le dispositif de contrôle administratif. Certains transporteurs opèrent sans autorisation claire, profitant de la porosité des frontières et de la faible surveillance dans les zones minières. Des ressortissants étrangers auraient également un rôle dans la gestion des sites d’orpaillage, soulevant la question de flux financiers non tracés et de possibles circuits de blanchiment.
Un marché parallèle qui pèse lourd
Le carburant détourné alimente un marché parallèle estimé à plusieurs millions de francs CFA par semaine, selon des experts locaux. Ce système crée une inflation artificielle : à Kéniéba, le prix du litre de gasoil dépasse parfois celui pratiqué dans les grandes villes, aggravant la pression sur les ménages et les petites entreprises.
Des risques sécuritaires et fiscaux
Au-delà de la spéculation, ce trafic fragilise la sécurité énergétique et prive l’État de recettes fiscales importantes. Il pourrait également contribuer au financement d’activités criminelles, voire de groupes armés opérant dans la région. « Quand on parle d’orpaillage informel, il faut aussi parler de l’argent qui circule sans contrôle », souligne un analyste en sécurité régionale.
Le démantèlement de huit camions n’est qu’une première étape. Pour remonter toute la filière, il faudra enquêter sur les complicités locales, les réseaux transfrontaliers et les flux financiers opaques qui alimentent ce marché parallèle. Une affaire qui révèle, une fois encore, les zones grises de l’économie minière au Mali.
B.B







