Depuis deux mois, le groupe djihadiste Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM) impose un blocus du carburant qui a quasiment paralysé Bamako, mettant sous pression le gouvernement militaire et suscitant des inquiétudes quant à une possible prise de contrôle du pays par les jihadistes. Mais le JNIM, actif à moins de 50 km de de la capitale du Mali, n’aurait ni l’intention ni les capacités militaires de s’emparer de la ville de 4 millions d’habitants, selon des analystes. En revanche, sa stratégie de privation progressive de carburant, qui a entraîné la fermeture d’écoles et privé les entreprises d’électricité, représente le plus grand défi pour les autorités militaires depuis leur arrivée au pouvoir en 2021.
Selon plusieurs experts en sécurité et diplomates, l’objectif du JNIM serait de provoquer un nouveau coup d’État, le troisième depuis 2020, afin de fragiliser davantage l’État et de renforcer sa propre influence. « Avec l’activité du JNIM qui exerce une pression sans précédent sur le gouvernement, le risque d’effondrement du régime, que ce soit par un coup d’État ou une autre crise politique, est très élevé dans les semaines à venir », indique une note du cabinet Control Risks.
Le JNIM a justifié le blocus dans un communiqué de septembre, affirmant viser « ces bandits au pouvoir » qu’il accuse de persécuter les Maliens, notamment en dehors de la capitale.
Une offensive qui s’intensifie
Issu d’une rébellion touarègue en 2012, le JNIM s’est étendu du nord vers le centre du Mali, et au-delà, jusqu’au Burkina Faso et au Niger. Le colonel Assimi Goïta, actuel dirigeant malien, avait promis de vaincre les jihadistes, mais sa stratégie de rupture avec la France et les États-Unis au profit de la Russie n’a pas porté ses fruits.
Le JNIM a intensifié ses attaques contre les postes militaires, revendiquant la mort de centaines de soldats, le vol d’armes, et le contrôle de territoires autour des centres urbains. Il a également obtenu 50 millions de dollars de rançon pour deux otages émiratis. Le groupe a étendu ses opérations dans le sud du Mali et l’ouest du pays, lui permettant de bloquer les convois de carburant en provenance de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. « Le blocus du carburant est plus qu’un acte de guerre économique — c’est une tactique terroriste », déclare Justyna Gudzowska, directrice exécutive du groupe The Sentry.
 « Cela instille la peur parmi les élites dirigeantes et la population, créant l’impression que Bamako est assiégée. »
Une menace régionale
Un effondrement du Mali pourrait déstabiliser le Burkina Faso et le Niger, également dirigés par des juntes militaires. Les trois pays ont formé une alliance politique et sécuritaire. « Si le Mali s’effondre, tout s’effondre », affirme un diplomate à Bamako. « Si l’équilibre actuel du pouvoir s’effondre, l’alliance du Sahel s’effondre. »
Tensions internes et restrictions sociales
À Bamako, les habitants restent prudents dans leurs propos, craignant des représailles pour toute critique du régime. Certains, comme Abdoulaye, chauffeur occasionnel, doivent faire la queue toute la nuit pour obtenir du carburant. Des tensions au sein de l’armée pourraient également fragiliser le pouvoir. En août, deux généraux et des dizaines de soldats ont été arrêtés pour un complot présumé contre l’État. « Le régime n’est pas assez solide pour tenir indéfiniment », estime un analyste.
Dans les zones contrôlées par le JNIM, des restrictions de déplacement ont été imposées, ainsi que le port obligatoire du hijab pour les femmes dans les transports publics. « Si le JNIM prenait le contrôle de Bamako, on pourrait s’attendre à des exécutions extrajudiciaires, des restrictions sévères sur l’éducation et la liberté de mouvement », prévient Gudzowska.
Les ambassades étrangères, dont celles des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Italie, ont appelé leurs ressortissants à quitter le pays. Pour l’instant, aucun exode massif n’a été observé, mais la situation reste incertaine. « Aucun scénario ne peut être exclu », conclut un diplomate. « On ne peut pas écarter la possibilité que le JNIM tente d’entrer dans la capitale. »
B.B
 
 
 
 





