Inconnu du grand public il y a encore quelques jours, le colonel Michael Randrianirina, chef du CAPSAT, a pris le contrôle du pouvoir à Madagascar le 14 octobre. Officier loyal et réservé, il promet une transition ordonnée. Entre espoir d’ordre et crainte d’un retour aux interventions militaires, le pays retient son souffle.
Colonel Michael Randrianirina : le soldat discret qui a pris les commandes de Madagascar
Sous le ciel clair de la capitale, un homme en treillis s’avance vers les caméras. D’un ton calme, presque détaché, il annonce la fin d’un régime.
« À partir d’aujourd’hui, nous prenons nos responsabilités. Le Sénat et la Haute Cour constitutionnelle sont dissous. L’Assemblée nationale poursuit ses travaux. »
En quelques phrases sobres, le colonel Michael Randrianirina, chef du Corps d’appui à la protection et à la sécurité des institutions (CAPSAT), devient le visage d’un coup de force qui bouleverse la vie politique malgache. Jusqu’alors inconnu du grand public, cet officier à la réputation d’austérité s’impose soudain comme l’homme fort d’un pays en crise.
Un militaire de devoir
Âgé d’une cinquantaine d’années, Michael Randrianirina est un pur produit de l’armée malgache. Formé à l’École militaire d’Antsirabe dans les années 1990, il a gravi les échelons sans fracas, guidé par la rigueur et la loyauté. Avant de diriger le CAPSAT, il a exercé plusieurs responsabilités dans les forces terrestres, notamment dans la sécurisation des institutions et le maintien de l’ordre à Antananarivo.
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Ses pairs le décrivent comme un homme d’ordre, loyal envers la Nation plus qu’envers les régimes.
« C’est un officier exigeant, méthodique et profondément patriote. Il ne fait pas de politique, il obéit à ses principes », confie un de ses anciens camarades.
Peu médiatisé, rarement vu en public, le colonel Randrianirina s’est toujours tenu à distance du tumulte civil. Marié, père de famille, il mène une vie discrète — loin des projecteurs, mais proche de ses hommes.
L’acte de rupture
Le 14 octobre, il justifie sa prise de pouvoir par un « blocage institutionnel » et un « climat politique devenu insoutenable ».
Selon lui, la stabilité du pays imposait une intervention. Il annonce la création d’un comité militaire de transition, réunissant l’armée, la gendarmerie, la police et « quelques conseillers civils ».
« Ce comité assurera temporairement le travail de la présidence avant la formation d’un gouvernement civil », déclare-t-il au micro de l’AFPTV.
Une annonce sobre, dénuée de triomphalisme, mais qui marque une rupture nette avec l’ordre établi. Le colonel affirme vouloir restaurer l’État, non s’en emparer.
« Ce n’est pas une conquête, c’est une mission de sauvegarde », confie-t-il à ses proches.
Un symbole d’ordre, un pari risqué
Pour certains, le colonel Randrianirina incarne le retour à la discipline dans un pays fatigué des querelles politiques. Pour d’autres, il représente un retour aux vieux réflexes militaires, ces épisodes où l’armée s’improvise gardienne de la République.
Les chancelleries étrangères se montrent prudentes. Aucune ne condamne frontalement, mais toutes appellent au respect de l’ordre constitutionnel. Le flou demeure sur la durée de la transition et le calendrier du retour au pouvoir civil.
Entre promesse de stabilité et risque d’enlisement, le colonel Randrianirina avance sur une ligne étroite, conscient que sa légitimité se jouera autant sur la forme que sur le fond.
L’énigme Randrianirina
Derrière l’uniforme, peu savent qui est vraiment cet homme réservé. Ses proches évoquent un caractère intransigeant sur les principes, allergique à la compromission, mais animé par une sincère volonté de servir la Nation. Ni tribun, ni stratège politique, il avance avec la certitude tranquille de ceux qui croient au devoir plus qu’au pouvoir.
Mais à Madagascar, l’histoire récente a montré qu’entre restauration et confiscation, la frontière est mince. Le colonel Randrianirina devra prouver que l’armée peut être le gardien de la stabilité, sans devenir le maître du jeu politique.
Un tournant pour Madagascar
En prenant la tête du pays, Michael Randrianirina a ouvert une phase d’incertitude. Son visage calme et ses discours mesurés cachent une équation complexe : rétablir l’ordre sans étouffer la démocratie.
Héros pour les uns, putschiste pour les autres, il est désormais le symbole d’un moment charnière. Et dans le silence calculé de ce colonel discret, se joue peut-être le destin politique de Madagascar.