Le Sénégal s’apprête à rouvrir une page sensible de son histoire récente. Le procureur de la République a annoncé l’ouverture d’enquêtes sur les violences politiques survenues entre 2021 et 2024, qui ont fait plusieurs dizaines de morts et causé d’importants dégâts matériels.
Dans les rues de Dakar, Pikine et Ziguinchor, les réactions oscillent entre espoir et scepticisme. À l’Université Cheikh Anta Diop, Mamadou, étudiant en droit, confie : « C’est une bonne chose que la justice se penche enfin sur ce dossier. Mais je crains que ce soit encore une promesse sans suite. On veut la vérité, pas des discours.
Dans la banlieue dakaroise, les préoccupations sont aussi économiques. Aminata, commerçante aux Parcelles Assainies, témoigne : « Pendant les émeutes, mon magasin a été pillé. On parle beaucoup des morts, mais il y a aussi des victimes économiques. Qui pense à nous ?
Les familles endeuillées, elles, réclament toujours des réponses. « On nous a dit qu’il avait été pris dans des tirs. Mais qui a donné l’ordre ? Personne ne nous a jamais appelés. Nous voulons savoir la vérité », explique un proche d’une victime tuée en mars 2021.
Pour certains juristes et acteurs de la société civile, ces enquêtes seront un test pour l’État de droit. « C’est une occasion pour la justice sénégalaise de prouver son indépendance. Mais il faudra établir toutes les responsabilités, qu’il s’agisse des forces de l’ordre, des leaders politiques ou des manifestants », souligne Simon Sambou, juriste à Dakar.
L’amnistie partiellement révisée
La loi d’amnistie adoptée sous l’ancien président Macky Sall effaçait l’ensemble des infractions criminelles ou correctionnelles commises entre février 2021 et février 2024 dans un contexte politique. Jugée trop large par l’actuelle majorité, elle a été partiellement révisée le 2 avril 2025 par l’Assemblée nationale dominée par le Pastef.
Les crimes de torture, d’assassinat et de meurtre en ont été exclus, ouvrant ainsi la voie à de possibles poursuites judiciaires pour les décès recensés lors des manifestations. L’opposition a dénoncé une décision « politisée », tandis que la majorité parle d’un « devoir de vérité et de justice ».
Lire aussi : Événements tragiques 2021-2024 au Sénégal : les victimes au bout de leurs peines ?