Il n’est plus à douter de la puissance du clic, dans ce nouvel espace public : Internet. La vague est déferlante et transcende les frontières. De l’Asie à l’Afrique en passant par l’occident, le mouvement appelé « Gen Z » menace les gouvernements. Démocratie et monarchie ont le rhume à cause de cette nouvelle fièvre qui a atteint la jeunesse de plus en plus connectée. Dans plusieurs pays du monde, les manifestants mènent une vague de contestation. Ils sont en quête d’égalité et de justice sociale. Au Népal, le mouvement a fait chuter le gouvernement. A Madagascar, le chef de l’Etat est sur siège éjectable. Le royaume chérifien n’est pas épargné. Le début d’une nouvelle révolution 2.0 ?
Ce mouvement, baptisé « Gen Z » en référence à la génération des personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, s’est donné un symbole marquant : le drapeau de « One Piece ». Le message de ce manga universel évoque la bataille d’une bande de pirates contre une oppression politique jugée illégitime.
Au Népal, les émeutes ayant causé la chute du gouvernement de Katmandou le 9 septembre sont les dernières manifestations en date d’une série de convulsions politiques. Dans tous ces pays, la fronde est née de la colère d’une large partie de la population sans-emploi, active sur les réseaux sociaux, qui s’oppose à une vieille élite perçue comme corrompue et coupée des réalités de son quotidien. En utilisant les réseaux sociaux pour s’organiser, les jeunes contestataires dénoncent partout la vie outrageusement opulente d’une minorité issue des classes dirigeantes, comparée aux modestes perspectives d’avenir de la majorité.
Madagascar, sur la voie du Népal
À Madagascar, des centaines de protestataires se sont rassemblés, ce mardi à Antananarivo, pour réclamer le départ du président Andry Rajoelina. Ils ont essuyé des tirs de gaz lacrymogène à un barrage dans la capitale. L’annonce, la veille, du limogeage du gouvernement n’a pas suffi à éteindre la colère dans cette île particulièrement pauvre de l’océan Indien, où la contestation Gen Z a fait au moins 22 morts depuis jeudi dernier, selon un bilan de l’ONU.
Lancé initialement contre les incessantes coupures d’eau et d’électricité, le ras-le-bol déborde à présent. Très organisée sur internet, la Gen Z a appelé les manifestants à s’équiper d’eau, de masques, de parapluies et de batteries pour pouvoir continuer à filmer les manifestations. Le président Andry Rajoelina, lui-même arrivé au pouvoir après un mouvement de contestation populaire, voit son siège de plus en plus fragile face à la détermination de son peuple.
Maroc et les démons du printemps arabe
Poings levés, slogans criés à pleins poumons et vidéos virales sur les réseaux sociaux : les images des rassemblements qui agitent le Maroc depuis samedi témoignent d’une mobilisation sans précédent de la jeunesse. De Rabat à Marrakech, la génération Z s’est rassemblée pour exprimer sa colère.
Ces protestations interviennent dans un contexte tendu après le décès récent, dans un hôpital public d’Agadir, de huit femmes enceintes admises pour des césariennes. Le directeur de l’hôpital et des responsables locaux ont été limogés et une enquête interne a été diligentée. Ces mesures n’ont toutefois pas suffi à apaiser la colère des manifestants. Leurs critiques visent directement le Premier ministre Aziz Akhannouch, qui aurait priorisé le financement de la CAN et du Mondial 2030. Au total, 9,5 milliards de dirhams (environ 890 millions d’euros) sont alloués à la rénovation de six stades, et 5 milliards de dirhams (environ 469 millions d’euros) à la construction du Grand Stade de Casablanca, selon des sources officielles marocaines citées par la presse francophone. Déjà 3 morts enregistrés dès le début des contestations.
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Le Pérou et la France : la propagation
Du côté du Pérou, au moins 19 personnes ont été blessées lors d’une manifestation contre le gouvernement de la présidente Dina Boluarte et le Congrès. Une nouvelle marche était tout de même prévue dimanche dans le centre-ville de Lima, organisée notamment par le collectif de jeunes « Génération Z » pour protester contre la corruption, les extorsions et la violence. Les protestations se sont intensifiées depuis que le gouvernement Boluarte a promulgué, le 5 septembre, une loi obligeant les jeunes à cotiser à des fonds de pension privés, malgré la précarité de l’emploi et le fait que plus de 70 % des Péruviens travaillent dans le secteur dit informel.
En France, notamment à Marseille, ce fameux drapeau commence à faire son apparition dans les rangs des manifestants. Il a notamment été brandi lors de la journée de mobilisation « Bloquons tout » du 10 septembre et de la manifestation du 18 septembre qui avait été organisée par les syndicats pour tenter de peser sur les choix budgétaires du nouveau Premier ministre.