En Guinée, les électeurs sont appelés à se prononcer, ce dimanche 21 septembre, sur une nouvelle loi fondamentale. Elle est censée marquer le retour à l’ordre constitutionnel et instaurer un nouveau pacte national. Le texte contient des avancées notables, notamment en matière de droits fondamentaux et de mécanismes de contrôle. Cependant, il soulève de sérieuses interrogations quant à ses véritables objectifs. Après des jours de campagne, pour le vote du « Oui », nous levons le voile sur les véritables enjeux de ce référendum.
Rappel historique
Depuis son indépendance le 2 octobre 1958, la Guinée a connu plusieurs Constitutions. La première, inspirée du modèle français, instaurait un septennat présidentiel. Sous le régime de Sékou Touré, le pays a rapidement glissé vers un système autoritaire avec un parti unique, jusqu’à la chute du régime en 1984.
Une nouvelle Constitution, en 1990, a introduit le multipartisme et un mandat présidentiel de cinq ans, qui a été amendé en 2001 pour ajuster les procédures électorales. En septembre 2021, le coup d’État du lieutenant-colonel Mamady Doumbouya a ouvert une nouvelle phase de transition, régie par une charte temporaire. Après plusieurs reports et promesses de réformes inclusives, un projet de Constitution a finalement été rédigé et soumis à référendum.
Vers une présidence sans limites ?
Le projet de Constitution prévoit un mandat présidentiel de sept ans, renouvelable une fois. Les candidats indépendants pourront désormais se présenter aux élections présidentielles. Le principal problème n’est pas tant la durée du mandat que le manque de transparence dans les consultations, car la durée initiale promise était de cinq ans.
Bien que la Cour spéciale soit censée renforcer le contrôle sur le pouvoir, les déclarations du président de transition sont contradictoires. Le général Doumbouya a affirmé à plusieurs reprises que ni lui ni ses collaborateurs ne se présenteraient à de futures élections, un engagement inscrit dans la charte de la transition. Pourtant, depuis l’an dernier, des membres de la junte et du gouvernement soutiennent ouvertement sa candidature à la prochaine présidentielle, à travers des affiches, des meetings et des événements publics.
L’opposition appelle au boycott
Dès la publication du texte en juillet, l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (ANAD), la principale coalition d’opposition, a demandé la suppression de l’article 74. Celui-ci stipule que les anciens présidents jouissent d’une immunité civile et pénale pour les actes accomplis dans l’exercice régulier de leur fonction.
Pour l’ANAD, cet article vide de ses prérogatives la nouvelle Cour spéciale et garantit de fait l’impunité du chef de l’État. L’opposition craint notamment que l’ancien président Alpha Condé, actuellement en exil en Turquie et visé par des accusations de crimes, puisse échapper aux poursuites.
L’opposition et une partie de la société civile perçoivent le référendum comme une manœuvre pour permettre au militaire de se maintenir au pouvoir de manière légale. Le président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, principale force d’opposition, a appelé ses militants à boycotter le scrutin, qualifiant l’événement de « mascarade » et de tentative de légitimer le coup d’État. Même son de cloche pour le président déchu Alpha Condé.
Une campagne électorale sans débats
Le processus menant à ce référendum s’est déroulé dans une opacité troublante. Les critiques ont été étouffées, les manifestations interdites et les voix dissidentes réprimées. L’opposition, qui dénonce l’utilisation des moyens publics pour promouvoir le « oui », est qualifiée « d’irresponsable ou d’ennemie à la stabilité du pays ».
Les débats sur le projet constitutionnel ont été fortement encadrés par la Haute Autorité de la Communication (HAC), le régulateur des médias. Dans ses consignes pour la couverture de la campagne, la HAC a interdit aux médias privés de faire de la propagande. Cette règle a été dénoncée par le syndicat des médias, d’autant plus que les principales stations de radio et de télévision privées sont fermées depuis plus d’un an sur décision du ministère de la Communication.
La campagne électorale pour le référendum constitutionnel s’achève ce jeudi 18 septembre au soir. Ce dimanche 21 septembre, la Guinée pourrait voir la fin d’une transition qui, malgré ses promesses, n’a pas réussi à stabiliser le pays.