Amina Priscille Longoh : cinq années au service de la femme et de l’enfant tchadiens

Amina Priscille Longoh : cinq années au service de la femme et de l'enfant tchadiens

Les cinq années durant lesquelles la ministre Amina Priscille Longoh aura été en charge de la femme et de l’enfance sont à n’en pas douter de celles qui ont donné à la fonction ministérielle ses lettres de noblesse dans l’histoire des gouvernements successifs au Tchad.

Outre un bilan, il sied d’abord de rappeler ce qu’est un “ministre” dans son sens étymologique.

En effet, le terme ministre vient du latin minister qui veut dire « celui qui sert », voire « celui qui fait don de sa personne pour mettre les attributs de sa fonction au service des autres ». Quant au mot latin minister, il vient de minus, qui veut dire « inférieur ».

En somme, un ministre, c’est, au sein d’un État, d’un gouvernement ou d’une République, une personne qui est au service de la collectivité, de l’intérêt général, certes à un rang élevé, mais sous l’autorité supérieure d’un chef de gouvernement, d’un chef d’État.

Contrairement à une opinion largement répandue dans certains pays, notamment en Afrique, le ministre responsable d’un département ministériel n’est guère celui-là ou celle-là qui fait un usage abusif de sa fonction et de cet outil de pouvoir à des fins de coercition, pour opprimer les autres ; lorsqu’il ne les couvre pas tout simplement de dédain et de mépris. Le ministre n’est pas celui-là ou celle-là qui n’attend que les honneurs et les salamalecs en raison du prestige très élevé de sa fonction.

Le ministre est certes en droit de les recevoir​, mais​ uniquement lorsqu’il aura rempli, en pleine conscience et avec un dévouement ardent et républicain, les missions qui lui auront été confiées par la plus haute autorité de l’État.

Une ministre à la hauteur de sa mission

Rétrospectivement, pour tout observateur impartial qui se penche sur le parcours de la ministre Amina​ Priscille Longoh dans l’exercice de ses hautes fonctions étatiques, force est de reconnaître, incontestablement, qu’elle aura pleinement été à la hauteur des devoirs et des exigences de la fonction ministérielle.

Il faut d’abord rappeler le contexte de sa nomination en 20​20 par le ​maréchal Idriss Deby Itno aux fonctions de ministre de la Femme et de la Protection de la petite enfance.

​Dans tous les pays d’Afrique et bien au-delà, les préoccupations relatives au statut de la femme et à l’enfance sont au cœur de la problématique sociale. Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’elles occupent une place centrale dans le volet social des politiques publiques.

Par ailleurs, les portefeuilles de ce département ministériel ont une dimension largement transversale. Les politiques étatiques qui concernent la femme sont en lien étroit avec celles relatives à la famille, à l’éducation, à la sécurité, à la cohésion sociale et nationale. Il en est de même pour celles liées à l’enfance, tant il est indéniable que l’insertion ratée d’un enfant déteint sur l’ensemble du corps social. C’est-à-dire l’immensité et la délicatesse de la charge ministérielle qui fut celle de la ministre Amina​ Priscille Longoh.

Précocité inédite

Pour les assumer conformément aux attentes des deux présidents successifs et des chefs de gouvernement sous l’autorité desquels elle a exercé ses fonctions, il faut se souvenir du très jeune âge auquel elle aura été nommée ministre : 29 ans. Pareille précocité pour assumer des fonctions ministérielles aussi importantes est inédite dans l’histoire politique du Tchad.

Les défis à relever étaient immenses et les attentes, nombreuses et urgentes.

Toutefois, la jeune ministre n’aura jamais reculé devant l’Himalaya de la fonction. Elle n’aura guère été économe ni de son temps ni de son énergie phénoménale, encore moins de son imagination remarquablement féconde.

Au-delà de son jeune âge au moment de sa nomination, il faut reconnaître qu’il s’agissait, en 20​20, de la juste reconnaissance, par le chef de l’État Idriss Deby Itno, de l’engagement citoyen dont elle a toujours fait preuve au sein de la société civile, alors qu’elle avait commencé sa carrière dans une multinationale étrangère.

D’ores et déjà, madame Amina ​Priscille Longoh s’est distinguée par ses initiatives en faveur de l’enfance fragile ou défavorisée. C’est par ailleurs cet engagement social, assez rare dans la société tchadienne et fort remarqué de tous, qui lui a valu d’être nommée en 2019 aux fonctions de directrice​ générale de la Maison de la femme du Tchad.

Désormais au pied du mur et dans l’intérêt du Tchad tout entier, après une année seulement à cette fonction et forte de ses acquis, elle sera promue ministre de la Femme et de la Protection de la petite enfance​ le 14 juillet 2020.

Dans l’exercice de ses nouvelles fonctions ministérielles, elle n’aura pas seulement été une femme de dossiers, mais également une femme de terrain. Le Tchad tout entier aura été témoin de sa spontanéité et de sa légendaire bienveillance mises au service des plus vulnérables. Dans tous les coins du Tchad, y compris les plus reculés, la jeune ministre a toujours été présente et à l’écoute de la veuve et de l’orphelin. Qu’il s’agisse des victimes d’inondations, des déplacés internes, de jeunes filles ou de femmes victimes d’abus ou de violences de toutes sortes, elle a toujours été physiquement à leurs côtés, là où certains seraient plus enclins à déléguer ces missions régaliennes à leurs collaborateurs.

Dans le même esprit de service et d’abnégation pour la promotion de l’intérêt général et d’une société tchadienne plus inclusive, la ministre ​Amina ​Priscille Longoh a toujours tenu compte de la complexité sociologique et anthropologique de son pays. Elle n’a jamais perdu de vue que la société tchadienne est multiconfessionnelle et multiculturelle ; les questions concernant la femme et l’enfance doivent être traitées selon des strates sociales différentes qui nécessitent pour chacune d’elles une réponse spécifique. Il va donc de soi qu’une telle approche est loin d’être de tout repos.

Au regard de ses états de service, on peut comprendre sa promotion, ​le 2 septembre 2023, au rang de ministre d’État par le président Mahamat Idriss Deby Itno. ​Amina ​Priscille Longoh​ a également porté avec responsabilité et pertinence les voix des femmes tchadiennes​ pendant le processus de la Transition et du Dialogue national inclusif et souverain (DNIS)​.

Un bilan satisfaisant…

​En dépit des insuffisances qu’elle a elle-même reconnues au cours de la cérémonie de passation de service, le 23 juillet 2025, son passage au département ministériel chargé de la femme, de l’enfance et de la solidarité nationale aura également été marqué par une production et une innovation législatives inédites au Tchad.

Au plan législatif, au rang des réformes emblématiques, on peut citer :

– l’intégration des droits de la femme et de l’enfant dans les articles 14, 15, 19, 20 et 34 de la nouvelle Constitution de la Ve République du Tchad ;

– l’ordonnance no 003/PR/2025 qui porte sur la prévention et la répression des violences faites aux femmes et aux filles, comblant un vide juridique majeur dans la législation nationale ;

– le nouveau Code électoral de 2024 qui prend en compte un quota de 30 % de femmes dans les listes électorales, désormais garanti par les articles 171, 172 et 175 du Code électoral ;

– les décrets d’application de la parité en 2023 (décret no 0433/PR/MFFPE/2021), qui met en œuvre la loi no 22/PR/2018 sur la parité, instaurant un quota progressif de 30 % de femmes dans les fonctions nominatives et électives ;

– le plaidoyer pour les droits en santé sexuelle et reproductive de 2020, notamment le décret no 2121/PR/MSPSN/2020, qui applique la loi no 06/PR/2002 sur la promotion de la santé reproductive et interdit formellement les MGF, les mariages précoces, les violences domestiques et sexuelles ;

– s’agissant de l’emploi des femmes dans la fonction publique, l’arrêté conjoint, no 016/PR/PM/MFPCS/MFPE/SG/2025 qui crée une équipe technique chargée de réviser le Code du travail, le Statut général de la Fonction publique et la Convention collective pour y intégrer des dispositions favorables à l’emploi des femmes.

Au plan institutionnel, les innovations suivantes ont été accomplies durant ses fonctions :

– la création Observatoire de la promotion de l’égalité et de l’équité du genre ;

– l’élaboration du référentiel sur la situation des femmes au Tchad (2021-2024) ;

– l’institution de la Semaine nationale de la femme au Tchad, espace annuel de réflexion, de plaidoyer et de valorisation de la femme tchadienne ;

– la création de la Chambre nationale de l’entrepreneuriat féminin ;

– la création et la structuration des organes nationaux chargés de la mise en œuvre de la Politique nationale genre (PNG) ;

– la création d’une cellule pour la participation féminine au Dialogue national inclusif et souverain et l’arrêté no 032/PT/PM/MGSN/2023 sur l’actualisation de la Coordination nationale de prévention et de réponse aux violences basées sur le genre.

S’agissant du volet institutionnel, elle aura impulsé des innovations d’une importance singulière : l’autonomisation des femmes et le leadership féminin. Sous sa houlette, grâce à un plaidoyer fort et efficace, la présence des femmes dans les sphères décisionnelles au Tchad a significativement progressé entre 2020 et 2025 :

 – de 18 % à 20 % ;

 – puis 29 % ;

 – et désormais jusqu’à 34 %, ou même 45 % selon les secteurs.

Ces avancées concernent à la fois les nominations dans l’administration publique, l’armée, les organes électifs et le secteur privé.

​… même si beaucoup reste à faire

Les réformes législatives et institutionnelles ci-dessus évoquées n’épuisent pas le bilan des fonctions ministérielles de madame Amina Priscille Longoh. Elle laisse à la tête de ce département ministériel un héritage précieux qui, certes, doit être enrichi, tant il est indéniable que beaucoup reste à faire.

Outre les fonctions ministérielles qu’elle a exercées, le dynamisme et les compétences avérées de la ministre dans l’exercice de ses fonctions sont également un message fort de confiance en soi à l’endroit de la jeunesse tchadienne, une exhortation à la promotion constante du sens de l’effort, de sa capacité et de la nécessité de toujours se hisser à la hauteur des attentes que la République et la Nation placent en elle.

On peut légitimement attendre de madame Amina ​Priscille Longoh que, forte de ces états de service, elle saura faire preuve des mêmes qualités aux hautes fonctions auxquelles vient de la désigner le chef de l’État, pour un plus grand rayonnement du Tchad à l’international​ : conseillère spéciale, représentante personnelle du chef de l’État auprès du conseil permanent de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF)​.

​Par Éric Topona Mocnga, journaliste à la rédaction francophone de la Deutsche Welle, à Bonn (Allemagne)

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