« La dame de Sotchi», persona non grata au sein de l’Union européenne

« La dame de Sotchi», persona non grata au sein de l'Union européenne

ParEric Topona Mocnga, journaliste à la rédaction Afrique-Francophone de la Deutsche Welle, à Bonn (Allemagne).

La « Dame de Sotchi » n’est plus la bienvenue au sein de l’Europe des 27. Ainsi en a décidé le Conseil de l’Europe par une décision du 26 juin 2025. Il faut rappeler qu’avant cette sanction de l’Union ​européenne, la suisso-camerounaise avait déjà été indexée par le Département d’Etat américain​ en novembre 2022, pour sa proximité avec ​Evgueni Prigojine​, le sulfureux fondateur du groupe de mercenaires Wagner, pour servir de relais à la propagande russe sur le continent africain, à travers une nébuleuse d’ONG, et moyennant espèces sonnantes et trébuchantes.

Contrevérités

Au demeurant, la décision du Conseil de l’Europe est plutôt motivée par les sorties récurrentes de Nathalie Yamb sur les réseaux sociaux, construites sur des contre-vérités, dont la finalité vise à susciter hostilité, voire haine à l’endroit de l’Europe, et au bénéfice d’une Russie par ailleurs auréolée de toutes les vertus. Dans ce sillage, on se souvient de sa sortie en mars 2023 sur les antennes de la ​ Radio Télévision Suisse francophone ​(RTS​) : « Chaque soldat français qui tombe en Afrique, c’est un ennemi qui tombe ».

Dans le narratif de la « Dame de Sotchi », la Russie est vantée comme la puissance libératrice du continent africain et sa seule alliée véritable vers sa seconde et authentique indépendance.

Il importe par ailleurs, de relever les règles de droit propres au Conseil de l’Europe qui ont motivé ladite sanction.

«Régime de sanctions européen créé le 8 octobre 2024 par la décision PESC 2024/2643 du Conseil et le règlement 2024/2642. Ce régime concerne les « mesures restrictives eu égard aux activités déstabilisatrices menées par la Russie ».

Au sein de ce régime, c’est le critère iv) de l’article 1) a) de la décision 2024/2643 qui a été utilisée pour sanctionner N. Yamb. Celui-ci dispose que :

Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes physiques, dont la liste figure en annexe, qui :

sont responsables d’actions ou de politiques du gouvernement de la Fédération de Russie qui compromettent ou menacent la démocratie, l’état de droit, la stabilité ou la sécurité de l’Union, ou d’un ou de plusieurs de ses États membres, d’une organisation internationale ou d’un pays tiers, ou qui compromettent ou menacent la souveraineté ou l’indépendance d’un ou de plusieurs de ses États membres, ou d’un pays tiers, ou qui mettent en œuvre ou soutiennent de telles actions ou politiques ou en tirent avantage, par l’un des agissements suivants :

  1. iv) organiser ou diriger l’utilisation de la manipulation coordonnée de l’information et de l’ingérence, ou participer, directement ou indirectement, à une telle utilisation, la soutenir ou la faciliter de quelque autre manière;

Conséquences des sanctions :

Gel des avoirs sur le territoire européen de cet individu.

Interdiction d’entrer ou de transiter sur le territoire européen pour l’individu ».

Comment réagissent les opinions publiques africaines face à cette mesure de rétorsion du Conseil de l’Europe à l’endroit de la « Dame de Sotchi » ?

Bien évidemment, cette sanction du Conseil de l’Europe suscite depuis lors des vagues de réactions dans les médias africains et dans les réseaux sociaux.

Parce que Nathalie Yamb a toujours présenté ses sorties comme son combat pour la libération du continent africain du joug néocolonial de l’Occident, notamment de l’Europe, ses nombreux followers considèrent plutôt cette sanction comme un acte de persécution, une volonté de réduire au silence la voix percutante de l’égérie du renouveau de la pensée panafricaniste.

En revanche, d’autres Africains sont tout aussi nombreux et de plus en plus critiques. Ils ne font plus mystère de leur défiance à l’endroit de la « Dame de Sotchi » et jugent cette décision du Conseil de l’Europe parfaitement légitime.

Ils estiment que l’on ne peut pas se ​repaître des avantages qu’offre un pays ou un espace géopolitique comme l’Europe des 27, tout en menant des activités ostensiblement hostiles contre ses intérêts et son image dans le monde. Ils pointent d’autant plus cette incohérence que la « Dame de Sotchi » ne réside pas en Russie et ne s’est jamais naturalisée russe. Or, c’est à partir de l’espace de liberté que lui offrent les avancées civilisationnelles de l’Europe qu’elle sert de proxy aux campagnes de désinformation de la Russie de Poutine, et pour des visées qui n’ont rien à voir avec le panafricanisme authentique.

Enfin, d’autres pointent son indignation à géomé​trie variable, son silence sur les régimes autoritaires en Afrique ou face aux violations graves des droits humains par des régimes avec lesquels elle a des accointances avérées et assumées.

D’autres internautes africains lui reprochent son silence préoccupant sur les atrocités, voire les crimes de guerre du Groupe Wagner dans les Etats du Sahel, pourtant largement documentés.

Il ne fait guère de doute que cette sanction du Conseil de l’Europe va continuer de susciter débats et polémiques en Afrique et ​durant longtemps. Au-delà du cas personnel de la « Dame de Sotchi », ils sont révélateurs de la manière dont l’Afrique, notamment sa jeunesse, se projette dans l’avenir.

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