République Centrafricaine : Une nouvelle loi sur la presse entre espoirs et inquiétudes

Le 26 mai 2025, l’Assemblée nationale dans sa majorité a adopté par acclamation une nouvelle loi sur la liberté de la presse et de la communication. Présentée par le ministre de la Communication, Maxime Balalou, cette législation vise à encadrer l’exercice des médias dans le pays. Cependant, cette adoption survient dans un contexte tendu pour les professionnels des médias.

Le 14 mai, Landry Ulrich Nguéma Ngokpélé, directeur de publication du journal Le Quotidien de Bangui, a été transféré à la prison centrale de Ngaragba après avoir été arrêté pour incitation à la haine et à la révolte, suite à un article publié le 22 avril 2025. Parallèlement, Blaise Yakpe, directeur du journal Afrique en Plus, est actuellement en fuite sans nouvelle. Des voix critiques s’élèvent contre cette nouvelle loi, la qualifiant de « liberticide ».

Cyrus Emmanuel Sandy, directeur de publication du journal Médias+, souligne que l’article 140 de la loi établit une responsabilité pénale collective pour les délits de presse, impliquant le directeur de publication, le rédacteur en chef et l’auteur de l’article ou de l’émission. Il considère cela comme une « erreur monumentale », arguant que la responsabilité pénale devrait être individuelle.

Le point le plus critique de cette loi, qualifié de « suicidaire » par plusieurs observateurs, réside dans les articles 158, 177, 178 et 179, qui prévoient le retrait de l’autorisation de publication pour la presse écrite ainsi que l’interdiction d’émettre pour les radios et télévisions.
Pour Cyrus Emmanuel Sandy, ces dispositions représentent ni plus ni moins une « peine de mort pour les médias », dans un pays où la peine de mort est pourtant abolie. Une contradiction inquiétante qui alimente les craintes d’un recul brutal des libertés.

Toutefois, certains aspects positifs peuvent être relevés, notamment la disposition relative à la carte de presse, qui pourrait offrir une forme de protection aux journalistes dans l’exercice de leurs fonctions.
Alors que le gouvernement présente cette loi comme une avancée pour structurer le paysage médiatique, de nombreux journalistes y voient une tentative de restreindre la liberté d’expression et de museler la presse. La situation actuelle soulève des préoccupations quant à l’avenir de la liberté de la presse en République centrafricaine.
Dans les prochains jours, les professionnels des médias auront l’occasion d’échanger directement avec le Chef de l’État, le Président TOUADERA, lors d’un déjeuner officiel. Ce moment de dialogue pourrait représenter une ultime chance de le convaincre de ne pas promulguer la loi sur la liberté de presse dans sa forme actuelle. L’enjeu est de taille, car il s’agit de préserver un espace médiatique déjà fragile.
La balle est désormais dans le camp du Président. Répondra-t-il favorablement à l’appel des journalistes ? Les jours à venir seront décisifs pour l’avenir de la presse en République Centrafricaine.

Adrien KOUNDOU-ZALIA

Journaliste d’Investigation et

Expert en Communication Politique

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