De grâce, ne sortez pas les revolvers ! Parlons-nous ! Ce pays nous entend et nous attend et la nuit va tomber !
De « grandes individualités », ayant mené leur lutte « coude à coude », « solidaires jusqu’à la mort, risquant tout, ensemble et dans l’action, pour faire triompher leur idéal », sont montés au pouvoir. A chaque Sénégalais, avec respect, son vote, son point de vue, sa plaidoirie, son rejet, son assentiment. Ils sont donc arrivés ; ils sont là aux commandes ; ils veulent un régime politique et une organisation étatique « révolutionnaire », c’est-à-dire nouveaux et résolument refondateurs, qui leur ressemblent et qui correspondent à la nature de leur lutte. Qu’on les aime ou qu’on les rejette, ils sont là et ils gouvernent et décident, comme l’ont voulu les urnes. C’est ainsi.
La grande interrogation pour ceux qui sont violemment impactés ou choqués ou accusés par ce nouveau régime légitimé par les urnes, est ce grand risque et pari de savoir comment éviter un glissement totalitaire ! Cette crainte pourrait n’être fondée que par l’imparable et résolue traque trop sonore sans doute, de tout ce qui, hier, affaiblissait et humiliait le respect de la République et l’éthique de toute droiture. Vengeance ? N’y croit que les victimes et ceux qui se plaisent à y penser ! En revanche, l’interdit, ce qui est intouchable, c’est la dimension sacrée de la liberté et le droit de se défendre ! A la vérité, dans ce pays, tout projet totalitaire est mort-né, éteint par l’héritage démocratique admirable d’un pays d’avant-garde, dont le peuple sénégalais est désormais nourri et pour toujours! Dans ce pays, on rebrousse toujours chemin dans ce dessein, même caché ! Il faut regarder cette nouvelle et jeune génération qui accède au pouvoir suprême avec l’assentiment démocratique du suffrage universel, que cela fasse mal ou que cela soit applaudi, comme les combattants dont ils se réclament et qui, pour être élus, ont convaincu leur peuple, à leur manière, condamnable ou non condamnable, et qui viennent, comme ils le proclament, porteurs d’un « support idéologique » qui se veut « primat de la nation et supériorité de la plus grande efficacité des valeurs nationales » et panafricaines. En un mot, le mobile comme le dessein, est d’inventer un nouveau pays, une nouvelle société, en rêvant d’une nouvelle Afrique ! C’est beaucoup à la fois, mais tout au fond des âges, l’utopie a toujours été le chemin vers le graal ! Scrutons la lune et attendons !
Vaste programme, bien sûr et ils le savent avant nous ! Mais nous sommes preneurs, c’est-à-dire que nous voulons encore plus et mieux que le présent ! Reste à savoir comment, pour combien de temps et avec quel pouvoir financier et économique, d’abord endogène, pour construire un Sénégal gagnant, qui se respecte et qui est respecté!
Les impôts, le pétrole comme le gaz, peuvent y aider mais ne peuvent tout faire. Les attentes abondent et prospèrent. Chaque matin apporte son lot de sanglots et son panier d’espoir. C’est la dictature de l’urgence ! Nous dormons le soir, mieux en dînant que ceux qui n’ont pas dîné, mais Diomaye et Sonko doivent longtemps se tourner et se retourner avec leur oreiller, pour espérer gagner quelques plongées dans un sommeil éveillé ! La tâche est colossale et c’est une corvée sans fin ! Le duo ne deviendra pas duel ! Pourquoi d’ailleurs le souhaiter ? S’il est établi que le soleil et la lune ne brillent pas ensemble, ces deux-là brillent ensemble et étonnent ! Le panier de ces deux pécheurs, sentira toujours le même poisson ! Diomaye incarnera l’État républicain. Il n’a pas le choix.
L’acteur est dans son synopsis. Il est dans sa haute prison pas si dorée que l’on croit, au regard de la mission régalienne.
Un Chef d’État, « n’est pas un ours qui danse. » Sonko, lui, incarnera solidement le parti. Ils sont inséparables, solidaires et mourront ensemble ! Lui, il danse, les jambes sur deux lignes ! C’est bien le parti qui conduit au pouvoir pour que l’État exécute le programme du parti sorti vainqueur du suffrage universel ! Aussi simple !
Diomaye et Sonko n’ont pas le choix que de se compléter dans une symphonie close. Ils savent combien dans ce pays, la vertu s’est beaucoup plaint de la politique ! Ce qui différencie les hommes politiques, c’est la noblesse de leur amitié ! Cette noblesse est rare, mais nous l’avons vue et elle nous a émue chez Mamadou Dia qui, sorti de prison à Kédougou, est allé embrasser Senghor au palais présidentiel. Senghor considéré, à tort ou à raison, comme son bourreau ! Le jeu politique est implacable. Le cœur et l’émotion n’y ont pas leur place ! Jusqu’ici, dans notre cher pays, la politique a eu le mérite et l’honnêteté de nous mettre en face de l’affrontement, la trahison, la séparation, la jalousie, la haine crue, le mensonge, la prédation, la ruse, le masque. « La différence entre un désert et un jardin, ce n’est pas l’eau. C’est l’homme. » Diomaye et Sonko : l’arbre et la racine ? Comment couper l’arbre de sa racine pour croire faire encore vivre et grandir l’arbre ? Les racines ne sont-elles pas les mamelles nourricières de l’arbre ? Si les racines meurent, l’arbre meurt. Si l’arbre se meurt, les racines peuvent le ressusciter.
Ce qui est déjà incontestablement gagné, c’est la marche forcée vers la discipline et le respect éthique et moral de la gestion financière de nos biens ! Sur ce chapitre, ils ont presque fait le plein dans les cœurs des Sénégalais ! Ce pays ne ressemblera plus ce qu’il était moralement dans la gabegie et le copinage infeste ! Il est difficile et injuste, par ailleurs, de ne pas remercier, quel que soit le jugement ou le verdict des uns et des autres, des acquis de développement laissés par leurs prédécesseurs ! C’est bien 1+1 qui fait 100 ! Nous ne devons rien soustraire, par gratitude, même si c’est notre pognon comme disent rageusement les préposés aux bourreaux. Il nous faut plutôt additionner !
Voilà campé ce Sénégal d’aujourd’hui, en mai 2025, qui accueille son dialogue national dans la fièvre, le combat, le doute, l’espérance, la ruse, le oui et le non, les palabres sénégalaises interminables et diarrhéiques ! Que chacun fasse triompher son idéal dans l’élégance, la mesure, l’humilité, la tolérance, l’indulgence, la fermeté. C’est une volonté politique présidentielle à la rencontre d’autres volontés politiques et de forces sociales qui ont souhaité, ensemble, s’unir autour d’une plateforme responsable, porteuse d’avenir et d’histoire. Certains diront que nous en avions déjà une qui sera difficile à égaler : les fameuses et légendaires Assises nationales, des femmes qui n’ont pas encore fait d’enfants.
Sur la table du dialogue, il faut débattre, trier, convaincre, amender, approuver. L’essentiel est d’aller au concret, au consensus, à ce définitif durable qui sera enfin le lit de notre loi fondamentale. Il est temps ! Puissions-nous enfin mettre en œuvre des réformes optimales et durables, afin de pouvoir réserver nos forces et nos réflexions à un développement à notre portée et une démocratie enfin libérée de contraintes primaires et obsolètes. Trop de Sénégalais meurent à la porte des hôpitaux. Tout se paie : le coton, l’alcool, la seringue, le sourire. La pénurie de cimetière n’est pas loin ! Soulagez les Sénégalais, sauvez notre système de santé et vite !
La vérité est que, en l’état, notre pays est certes debout, mais encore fragile, inachevé, errant, corrompu par des contestations récurrentes devant des juridictions à qui le Droit et ses libertés d’interprétations donnent le tournis. On devrait pouvoir mettre fin à de telles impasses qui ouvrent sur des accusations, des doutes fondées ou infondées. Les conclusions du Dialogue national doivent nous conduire à une vie politique régulée, décente, responsable, éthique, sécuritaire, désormais solidement gouvernée par des organes juridiques et institutionnels garantissant sans détour les libertés individuelles et celles de la justice, sans ôter à l’État son autorité et son pouvoir de veille publique. Ces TDR doivent être inclus !
Il s’agit d’un équilibre des forces qui ne conduit ni à humilier la puissance publique ni à limiter les libertés individuelles, citoyennes, politiques. Bien sûr que nous cherchons l’idéal en sachant qu’il n’existe pas, mais nous pouvons nous en approcher tous ensemble si nous le voulons. Divisés, nous ne l’atteindrons pas. Seul un consensus fort et généreux nous conduira à des réformes humaines, politiques, justes, équitables, décisives et partagées. Les Présidents à venir dans les 50 ans à venir, doivent trouver cette page close. Nous ne pouvons pas recommencer un Dialogue national avec chaque Président élu avec le même plat ! Voilà ce à quoi le Dialogue national doit tenter de réussir.
Son Excellence le Président Diomaye est en pléiade heureuse et consentie avec son inébranlable, raide et flegmatique Premier ministre qui ne cède rien, autorité froide dans la décision, grillagée et sereine -il serait taquin dit-on, chahuteur, bon vivant en intimité et fidèle en amitié-, lui le « Che » de la longue marche fiévreuse, « l’étoile fixe » au grand dessein. Souhaitons que le Président et son PM nous offrir, armés d’un généreux et conciliant esprit, à l’issu de ce Dialogue national, leur arbitrage, dans une vision audacieuse de l’avenir. Il s’agit de libérer enfin notre pays et pour de bon, de ses maladies infantiles et démoniaques qui ont gelé ce que devaient être les avancées démocratiques, politiques, culturelles, économiques et sociales du Sénégal. Toujours se souvenir, quoique difficile, que c’est en œuvrant souvent contre sa majorité, que l’on marque favorablement l’histoire. Il nous faut maintenant, nourris des expériences du passé, refermer la page des blessures ensemble et coudre ensemble les chemins de l’entente. Chaque parti doit y laisser un bras, pour que triomphent tous ensemble, au nom du Sénégal !
Ce qui ferait de la politique un humanisme intégral, c’est la rencontre entre des femmes et des hommes qui, au delà de leurs divergences d’opinion, restent dans le respect des uns et des autres comme acteurs complémentaires, bien qu’opposés, au service d’un même peuple. La politique est devenue fille de l’affrontement et du rejet de l’autre. Ce rapport doit changer. L’apaisement et le vivre ensemble doivent prévaloir. La culture, c’est à dire l’élévation de l’esprit, peut y aider, même quand on sait combien cette culture est devenue à la fois famine et disette ! La culture est le premier élément de notre sécurité et de notre défense nationale !
La politique est devenue un art que tant de monde pratique si mal, que même les plus doués et les plus policés n’arrivent plus à bien le pratiquer. Il faut mettre le pouvoir, ses mirages et sa force trompeuse, sous la douche et les laver à grande eau. Ce pays n’est pas une lettre privée scellée. Nous devons tous pouvoir la lire ensemble. Rien ne doit nous détourner de la qualité de la gouvernance de notre pays ! Ce pays a besoin de chacun de ses enfants. Personne ne doit manquer, mais ceux qui gouvernent doivent gouverner avec leur programme et leur propre mode d’action, ceux-là mêmes qui ont conduit le peuple à les élire ! S’ils réussissent, et il faut prier pour qu’ils réussissent, nous y gagnons tous. S’ils échouent, ce n’est pas le peuple qui aura échoué, mais eux-mêmes. Il nous faut désormais un pays sorti des majorités meurtrières, sorti des prêches de tous ces prophètes de la politique, sans Coran, sans Bible, sans l’aval d’une seule sourate révélée, d’un seul psaume. Ce pays mérite mieux et peut mieux. Si le pétrole et le gaz ont été exploités sous l’horloge de Dieu, quelque chose de plus grand peut encore nous arriver.
Notre peuple a été plusieurs fois écorché et éprouvé par la politique érigée en clef de la fortune, par la vanité et l’orgueil tapis en chacun de nous, par le copinage, l’analphabétisme et l’obscurantisme. Nous secrétons nous mêmes notre propre venin. Nous devons travailler plus, pardonner à ceux qui ont demandé pardon après avoir rendu aux citoyens la monnaie de leurs impôts. Ne reculons pas ! Recréons et réinventons ensemble notre pays ! Si nous voilons être les meilleurs, nous serons les meilleurs !
Nous demandons un tabouret pour les créateurs et artistes, autour de la natte du dialogue national ! Ils se doivent d’y mêler leur modeste voix. Puissent-ils, ces vivants, semeurs de rêves et flûtistes de l’âme, ne pas manquer à la table de ce dialogue national déjà si bavard. Puisse le visage politique du Sénégal n’être ni sombre ni désespérant. Puissent le rejet, la haine, la violence, l’indiscipline ne pas en être le maître de cérémonie. Puissent l’écoute, le respect de l’autre, l’échange et la raison prévaloir.
Monsieur le président de la République, Monsieur le Premier ministre, « la nuit vient de tomber », mais rassurez vous « elle ne s’est pas fait trop mal ». Puisse le Dialogue national s’accomplir et que le nouveau jour qui se lève soit à votre honneur et l’honneur d’un peuple qui mérite d’être heureux ! La foi doit être notre lieu commun ! Si mes propos dans cet humble appel ont fourché, la faute ne revient qu’à moi et que l’on me la pardonne. S’ils ont été perçus et sentis comme justes, ils relèvent de Dieu et de Sa générosité.
Amadou Lamine Sall
Poète
Lauréat des Grands Prix de l’Académie française