On connaît sa « République très très démocratique du Gondwana », pays fictif par lequel Mamane se moque finement des dérives dictatoriales de pays africains: en parallèle et depuis plus de 10 ans, l’humoriste travaille obstinément à faire d’Abidjan un lieu incontournable de l’humour.
« La Côte d’Ivoire, c’est le pays de l’humour », assure Mamane à l’AFP, assis sur un fauteuil face à la scène où il enregistre le Parlement du Rire, son émission diffusée sur Canal +.
« Il suffit de descendre de l’avion, d’arriver à l’aéroport d’Abidjan » de voir « le policier, le douanier, l’agent de l’aéroport, le chauffeur de taxi, le marché, partout: il y a ce sens de l’humour ivoirien qui est devenu légendaire et qui a un peu contaminé toute l’Afrique de l’Ouest et aujourd’hui toute l’Afrique centrale », dit-il.
Pendant une courte pause arrachée à ses longues journées de tournage, il se confie: « je faisais ma carrière en France, j’aurais pu rester là-bas, continuer ma carrière de one-man-show, » mais « je voulais rentrer participer à l’émergence de Afrique, dans le milieu que j’ai choisi, l’humour ».
Après s’être fait connaître au Jamel Comedy Club puis en tant que chroniqueur chez Laurent Ruquier et sur Radio France internationale, c’est dans une Côte d’Ivoire à peine remise d’une sanglante crise post-électorale aux quelque 3.000 morts, survenue en 2010-2011, que Mamane a fait son retour sur le continent il y a une dizaine d’années.
« Le monde culturel était vraiment en mille morceaux », se rappelle-t-il, « on a commencé avec les moyens du bord ».
Mais, « on a mis vraiment les niveaux d’exigence très hauts. Le niveau, déjà, des comédiens, (dont) on exigeait des textes, des répétitions, la ponctualité, et on les a mis dans un cadre qui est professionnel », avec « des belles lumières, du bon son ».
« Entre 2015 et aujourd’hui, 2025, j’ai vu le milieu de l’humour vraiment se professionnaliser », affirme-t-il.
Pendant cette période, il fonde la société Gondwana City Productions, pour créer des émissions qui serviront notamment de tremplin à de jeunes humoristes.
En parallèle, il participe à l’émergence de la scène de stand-up ivoirienne et crée le Gondwana Club, dans un hôtel branché, où « les humoristes d’Abidjan, ou ceux qui sont de passage », peuvent « jouer toutes les semaines ».
Aujourd’hui, il n’est plus rare à Abidjan de voir des spectacles d’humour dans des bars dédiés, ou dans les grandes salles culturelles.
Mamane est également connu pour son festival « Abidjan, capitale du rire », rendez-vous annuel où défilent depuis 10 ans des humoristes de différentes nationalités, pas seulement africaines. En 2018, il a partagé la scène avec le Français Jérémy Ferrari.
Mais il le reconnaît: s’il existe en Côte d’Ivoire « d’autres maisons de production, d’autres initiatives individuelles » et « plein de gens qui organisent des festivals à gauche à droite (…) pour le moment on n’est pas encore au stade de l’Europe où il y a des festivals internationaux très solides, qui durent ».
En revanche, une nouvelle génération d’humoristes ivoiriens exprime le souhait de se former, pour atteindre une renommée hors du pays.
Ces dernières années, plusieurs écoles ont ouvert à Abidjan. La dernière en date, celle de l’humoriste ivoirien Ramatoulaye DJ, a été inaugurée en avril.
« Une école d’humour ne va pas apprendre quelqu’un à être drôle, mais va lui apprendre à se canaliser, à bien standardiser, à bien formater ce qu’il va délivrer au public », commente Mamane.
Il voudrait d’ailleurs en ouvrir une au Niger, son pays de naissance, alignée au système LMD (licence, master, doctorat), avec un diplôme reconnu.
« On ne va pas tout faire à Abidjan! », lance-t-il.