Imbroglio autour du calendrier électoral en République Centrafricaine : entre report et maintien, quelles perspectives d’ici fin 2025 ?

À quelques mois des élections groupées prévues en décembre 2025, la République Centrafricaine (RCA) est confrontée à une incertitude croissante concernant le respect du calendrier électoral.

Au cœur de cette situation se trouve l’article 18 du Code électoral, qui stipule que « la liste électorale fait l’objet de révision un (1) an avant toute élection, sauf si celle-ci intervient moins de six (6) mois après la précédente ».

Les recommandations du Cadre de Concertation pour les Élections (CCE)

Le Cadre de concertation pour les élections (CCE) a publié le 7 mai 2025, son rapport de la 4ᵉ journée sur l’état d’avancement du processus électoral 2024-2025. L’objectif de ce rapport, comme précisé dans le document, est de faire le point sur l’évolution du processus électoral en cours, en mettant un accent particulier sur l’état des opérations de révision du fichier électoral, en concertation avec les entités membres du cadre.

À l’issue des travaux, plusieurs recommandations ont été formulées, entre autres :

  • La mise en veilleuse des dispositions de l’article 18 du Code électoral ;
  • La saisine de l’Assemblée nationale pour une proposition d’amendement de cet article ;
  • Le report des élections d’un (1) an après la fin de la révision du fichier électoral.

Un projet de loi dérogatoire en discussion à l’Assemblée Nationale

L’Assemblée nationale a été saisie par le gouvernement d’un projet de loi portant dérogation à certaines dispositions de la loi n°24.007 du 2 juillet 2024, relative au code électoral, concernant exclusivement son article 18.

Le bureau de l’Assemblée nationale a déclaré le projet de loi recevable le 13 mai, ouvrant ainsi la voie aux travaux en commission. Ces travaux ont été marqués par l’audition de plusieurs personnalités et institutions impliquées dans l’organisation des élections. Le rapport issu de ces travaux a été transmis au bureau de l’Assemblée le 15 mai dernier. Ce lundi 19 mai, le débat général sur ce projet de loi sera ouvert en séance plénière, suivi du vote des députés.

Contradiction apparente dans les recommandations du CCE

Le Cadre de Concertation pour les Élections a recommandé à la fois une dérogation à l’article 18 du Code électoral, qui impose une révision de la liste électorale un an avant toute élection, et un report des élections d’un an après la fin de cette révision. Cette double recommandation peut sembler contradictoire.

La dérogation viserait à permettre la tenue des élections dans les délais constitutionnels malgré les retards dans la révision du fichier électoral. Cependant, le report proposé viserait à respecter pleinement les dispositions de l’article 18 en accordant le temps nécessaire à une révision complète et transparente du fichier électoral. Que se cache-t-il derrière les recommandations du CCE ?

Appels au dialogue et absence de l’opposition

Autres articles

Un leader de l’opposition a déclaré : « Ce n’est pas un péché de reporter les élections, d’où nécessité du dialogue pour arriver à un consensus autour de l’organisation de ces élections ». Cette déclaration souligne l’importance du dialogue politique pour parvenir à un consensus sur le calendrier électoral.

Cependant, l’absence remarquée de l’opposition dans les débats soulève des questions. Ce silence pourrait être interprété comme une stratégie politique ou une forme de protestation contre le processus en cours.

Cadre constitutionnel pour le report des élections

L’article 182 de la Constitution du 30 août 2023 prévoit la possibilité de reporter les élections en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles. Cette disposition offre un cadre légal pour un éventuel report, à condition qu’il soit justifié et approuvé par les institutions compétentes.

Pour certains observateurs, reporter les élections dans le contexte sociopolitique actuel reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore, exposant ainsi le pays à une multitude de crises aux conséquences imprévisibles.

Enjeux financiers

Sur le plan financier, le rapport du CCE évoque plusieurs recommandations adressées aux partenaires internationaux, les invitant à soutenir le processus électoral en cours.  Une question demeure : cet appel sera-t-il entendu ?

Dans l’hypothèse où le gouvernement déciderait de maintenir le calendrier constitutionnel, une question cruciale se pose : où trouvera-t-il les ressources nécessaires pour combler le gap budgétaire lié à l’organisation des élections ?

À cette interrogation, un ancien député apporte une réponse : « Le pouvoir disposerait, selon certaines sources, des fonds issus du don de blé et du carburant russe, ce qui lui permettrait d’organiser les élections sans recourir à l’aide extérieure. »

La situation actuelle reflète une véritable escalade d’incertitudes autour de la tenue des élections, à laquelle s’ajoutent les revendications persistantes de l’opposition démocratique, qui peine à obtenir un dialogue franc et inclusif avec le pouvoir.

Les prochains jours seront décisifs : entre amendements législatifs, positions politiques et contraintes financières, l’équilibre reste fragile.

 

Adrien KOUNDOU-ZALIA

Journaliste d’Investigation et

Expert en Communication Politique

Get real time updates directly on you device, subscribe now.