Les droits humains ont été « piétinés » au Niger et l’espace civique mis sous pression depuis l’arrivée d’une junte militaire au pouvoir en juillet 2023, a déploré mardi (18.03. 25) Amnesty International dans un rapport documentant la répression contre les voix critiques.
« Malgré les garanties données par les nouvelles autorités nigériennes, les droits humains ont été piétinés dans la législation et dans la pratique », a regretté dans un communiqué Marceau Sivieude, directeur régional par intérim d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
« Les détentions arbitraires sont devenues courantes et les décisions judiciaires ne sont pas respectées », a-t-il ajouté.
Le rapport documente également des cas de disparitions forcées et de violations de la liberté de la presse. Parmi les personnes détenues arbitrairement, figurent le président renversé Mohamed Bazoum, son épouse, sept membres du gouvernement déchu mais aussi des journalistes ou des défenseurs des droits humains, selon Amnesty.
L’ONG appelle à « libérer immédiatement » Mohamed Bazoum et son épouse Hadiza, ainsi que « tous les anciens ministres détenus arbitrairement ».
L’organisation demande également aux militaires au pouvoir de libérer « toutes les personnes détenues ou emprisonnées uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains ».
Pouvoir militaire dur à l’égard des civils
Le Niger est dirigé par une junte militaire arrivée au pouvoir après un coup d’État qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum le 26 juillet 2023. Fin février, des assises nationales ont proposé une prolongation de cinq ans pour la transition.
Depuis le putsch, l’espace civique a été restreint et les violations des droits civils et politiques ont augmenté, déplore Amnesty International.
L’organisation pointe la suspension des activités des partis politiques depuis juillet 2023 et le rétablissement de peines de prison pour des infractions de diffamation.
En janvier 2024, la Maison de la presse, qui regroupe 32 organisations de médias, a été suspendue et remplacée par un comité ad hoc présidé par le secrétaire général du ministère de l’Intérieur. Des journalistes ont été arbitrairement arrêtés et plusieurs médias internationaux suspendus.
Parmi les exemples cités: le journaliste Ousmane Toudou, ancien conseiller en communication de Mohamed Bazoum et critique du régime actuel, en détention depuis le 13 avril 2024 pour « trahison et complot contre la sécurité de l’État ».
Moussa Tchangari, secrétaire général de l’organisation Alternatives Espaces Citoyens (AEC), risque quant à lui dix ans de prison. Connu pour ses critiques envers les autorités, cette figure de la société civile est détenu depuis décembre 2024 pour notamment « atteinte à la défense nationale » et « intelligence avec des puissances ennemies ».
« Dans ce climat répressif, l’autocensure est devenue la norme parmi les journalistes et les défenseurs des droits humains, par crainte de représailles », déplore Amnesty International.
Les militaires ont également établi un « fichier des personnes, groupes de personnes ou entités impliqués dans des actes terroristes » qu’ils ont « utilisé à mauvais escient pour y inclure des voix critiques et les priver temporairement de leur citoyenneté », poursuit l’organisation qui rappelle qu’une vingtaine de Nigériens ont été « temporairement privés par le gouvernement de leur citoyenneté » sur la base de ce fichier.
L’organisation déclare avoir partagé les conclusions de son rapport le 13 février avec les autorités nigériennes, qui n’ont donné « aucune réponse ».
La restriction de l’espace civique est également dénoncée par de nombreuses ONG au Burkina Faso et au Mali voisins, eux aussi gouvernés par des juntes militaires et confrontés comme le Niger à des attaques jihadistes récurrentes.
Afp