Depuis quelques mois, les soutiens au régime du président Faustin Archange Touadéra multiplient des activités pour promouvoir un troisième mandat, tant à Bangui qu’à l’intérieur du pays. Des marches, des meetings et des concerts sont régulièrement organisés pour appeler à une candidature du président pour un troisième mandat.
Cependant, dans le camp de l’opposition, c’est un silence quasi-total qui prévaut, laissant la question en suspens. Ce silence est-il une preuve que les leaders de l’opposition, pour la plupart disqualifiés par les critères d’éligibilité de la Constitution du 30 août (qui exclut les personnes ayant la double nationalité ou les Centrafricains d’origine), se sentent vaincus et désintéressés ? Les semaines et mois à venir, sans doute, détermineront la direction à prendre.
Mais au-delà de ce débat politique, une autre crise bien plus urgente et sociale fait rage : celle des services de base. En effet, la pénurie d’eau potable, notamment due aux difficultés de la Société d’Eau de Centrafrique (SODECA), et le délestage énergétique chronique à Bangui sont des problèmes qui touchent quotidiennement les Centrafricains.
L’électricité : Une denrée rare et précieuse
L’accès à l’électricité en République Centrafricaine reste très limité, avec seulement 10 à 15% de la population ayant un accès fiable à l’énergie. Les habitants des zones rurales, en particulier, n’ont jamais connu de l’électricité publique fournie par L’Energie de Centrafrique (ENERCA) depuis l’indépendance, sinon les installations des particuliers pouvant faire face aux problèmes de charge des appareils et alimenter quelques débits de boisson. Bangui, reste le centre où l’approvisionnement est relativement plus régulier. Cependant, cette situation reste précaire.
« Dans le noir, nous cherchons la vie, c’est-à-dire l’eau. Finalement est-ce que nous ne cherchons pas la mort au regard de tous les risques» s’interroge un pasteur.
L’eau potable : Un luxe pour beaucoup
L’accès à l’eau potable en République Centrafricaine est tout aussi problématique. Près de 60% de la population n’a toujours pas accès à une eau potable salubre, surtout dans les zones rurales. À Bangui et dans les grandes villes, des efforts ont été faits pour améliorer l’approvisionnement en eau, mais ces efforts sont souvent entravés par un manque d’infrastructures, de ressources financières et surtout les entretiens de ces installations.
Les solutions d’approvisionnement en eau sont souvent précaires, avec des habitants qui dépendent de puits ou de sources d’eau non traitée, exposant la population à des risques sanitaires graves. De plus, les problèmes d’assainissement complètent ce tableau préoccupant, avec des infrastructures d’hygiène souvent inexistantes ou inefficaces.
Un jeune élève raconte : « Cela fait trois jours que je n’ai pas pu aller à l’école. Chaque jour, je dois me lever à 3 heures du matin pour chercher de l’eau. Je parviens à peine à remplir mes bidons vers 14 heures, après quoi je m’occupe des tâches ménagères. Je suis le seul garçon de la famille. »
Une autre femme, épuisée par la situation, explique : « Je ne sais plus ce qu’est une grâce matinale auprès de mon mari, car chaque jour je dois sortir à 4 heures du matin pour chercher de l’eau. »
Dans toute la ville, on voit des files d’attente près des forages, avec des bidons jaunes, témoignant de la quête incessante de cette ressource vitale.
Parallèlement, l’insécurité croissante et le taux élevé de banditisme rendent ces déplacements matinaux particulièrement risqués, exposant les femmes et les jeunes filles à de possibles violences.
Des enjeux multiples à surmonter
À quelques mois des échéances électorales, une question fondamentale doit préoccuper aussi bien les électeurs que les candidats : Qui parmi les prochains candidats à la présidentielle comme les élus locaux sera en mesure de proposer des solutions concrètes pour atténuer la souffrance quotidienne de cette population, déjà éprouvée par de nombreuses crises ?
Dans un pays comme la République Centrafricaine, où les défis de développement sont cruellement immenses et multiples, la priorité devrait indiscutablement être donnée à la résolution des problématiques liées à l’eau, à l’électricité et aux services de base.
La question politique du troisième mandat, bien qu’importante, ne devrait pas occulter les besoins fondamentaux de la population. La priorité des autorités devrait être d’assurer un accès stable et équitable à ces ressources essentielles avant de se concentrer sur des débats politiques susceptibles de polariser davantage la société.
La population saura peut-être juger les choses à sa juste valeur le moment venu.
Adrien KOUNDOU-ZALIA
Journaliste d’Investigation et
Expert en Communication Politique