LE LIVRE, LES ÉCRIVAINS, AU CONSEIL DES MINISTRES SOUS DIOMAYE ! QUEL DÉCODAGE ?

Le 05 février 2025, Palais présidentiel, Conseil des ministres, Salle Bruno Diatta. Le président de la République parle : « Je salue le travail remarquable des hommes de lettres ainsi que la vitalité de la production littéraire nationale dans tous les domaines.

Ce qui constitue un patrimoine inestimable pour le Sénégal. Je vous rappelle l’impératif de promouvoir le livre et la lecture dans le système éducatif et dans l’enseignement supérieur. À vous la ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, à vous le Secrétaire d’État à la Culture, en relation avecles ministres de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle et technique, de l’Enseignement supérieur, des Collectivités territoriales, de la Communication et du Numérique, d’accentuer les efforts en matière de promotion du livre et de la lecture, notamment des publications nationales et africaines.

J’appelle votre attention sur l’urgence de restructurer et de renforcer le Fonds d’aide à l’édition et de développer une politique innovante de modernisation des bibliothèques et salles de lecture dans les établissements scolaires, universitaires et d’enseignement supérieur, à la lumière des opportunités et innovations du numérique favorisant l’essor du livre numérique. J’invite la Ministre en charge de la Culture à mobiliser l’assistance et les partenariats nécessaires afin de mieux accompagner les associations d’écrivains. Ces organisations, d’utilité publique, doivent être davantage impliquées dans la mise en œuvre des politiques publiques notamment celles culturelles relevant de l’Agenda national de Transformation à l’horizon 2050.

Je vous demande Madame la Ministre, Monsieur le Secrétaire d’État en charge de la Culture de préparer, avec l’ensemble des hommes de Lettres du Sénégal,l’organisation, en fin juin 2025, d’un Forum national sur le livre et la lecture avec la participation de toutes les parties prenantes. » On applaudit des deux pieds et des dix mains !

Tout est dit et bien dit.

Et si, avec respect, on ajoutait dans la bouche de Monsieur le Président ceci : « Pour plus d’efficacité et de suivi, j’invite tous les ministres concernés par mes présentes directives, sous la supervision de Monsieur le Premier ministre, de me rencontrer le mardi 1er novembre 2025, pour une première réunion d’évaluation des objectifs atteints et des difficultés rencontrées avant la fin de l’année 2025. Je souhaiterai également que désormais, à chaque Conseil des ministres, qu’un membre du gouvernement, ouvre la séance, en faisant le résumé, pour 10 minutes, d’un livre lu. Chacun aura appris quelque chose qu’il ne savait pas avant de quitter la table du Conseil des ministres. « La valeur d’un livre croît à mesure qu’il est partagé. » Il instruit tous ceux qui s’en abreuvent. Essayons d’innover, de donner l’exemple, malgré desagendas publics et politiques épineux et chargés. Je vous remercie Mesdames et Messieurs les ministres. »

Depuis Senghor, poète, professeur, écrivain, penseur, homme d’État, académicien, le Sénégal a cette grâce de voir tous les successeurs de Sédar laisser un long, très long regard sur le rétroviseur de l’héritage de l’enfant Sérère de Joal, fils de Gnilane Ndiémé Bakhoum de Djilor.

Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Macky Sall et aujourd’hui Bassirou Diomaye Diakhar Faye, lui aussi Sérère et qui, dit-on, aurait une grande complicité avec la poésie, comme tout bon Sérère, savent que pour rester dans la Grande Histoire, laisser des marques, la culture est le passage obligé de toute vraie grandeur, de noblesse, d’élévation et de respect. A moins de laisser son nom à l’histoire du sang, de l’ignorance, du culte éphémère de l’argent.

On pourrait se demander d’ailleurs, pour commencer, pourquoi cette communication de Monsieur le président de la République en ce Conseil des ministres du 05 février 2025, sur le livre, la lecture, les écrivains, semble avoir surpris, étonné, mais fait un immense plaisir aux acteurs concernés ! La politique occupe tellement de place ! Elle n’a pas pour quête le savoir, mais le pouvoir, la puissance, l’argent : tous éphémères !

Pour le livre et la lecture, commençons par l’école. De père et de mère analphabètes, l’école m’ a appris à aimer le livre et la lecture.

Toujours se rappeler que la notion de citoyen « ne date pas de 1789 mais de 1883, lorsque chacun a pu apprendre à lire. »

Les récitations de poésie tirées des œuvres de Victor Hugo, Lamartine, Verlaine, Baudelaire et plus tard Senghor, Birago Diop, David Diop, nous ont construits et révélés des univers émotionnels magiques.

Voilà pourquoi, il est enfin temps que nos programmes scolaires qui, depuis un siècle, gardent jalousement les mêmes auteurs, innovent en intégrant des auteurs Sénégalais, Africains, Afro-descendants et Caraïbéens de haute facture.

Allons vite, depuis le temps que l’on en parle et reparle, programme et reprogramme, budgétise et rebudgétise, à la création d’une Bibliothèque nationale digne du renom du pays de Senghor.

On devrait lui trouver un parrain en allant puiser avec patience et imagination ce nom ou cette appellation qui en ferait l’originalité, la résonnance, l’écho de par le monde. Son architecture doit refléter le rêve et la soif d’apprendre et de savoir !

Plus de 60 ans après notre indépendance, nous ne disposons pas de bibliothèque nationale.

Savoir que la Khizanat al-Qarawiyyin de Fez, le Maroc chéri, est considéré comme la première et la plus ancienne bibliothèque du monde, fondée en859. Aux États-Unis d’Amérique où sévit la plus grande misère de l’analphabétisme, se trouve la plus grande bibliothèque au monde, la bibliothèque du Congrès, à Washington, créée en 1800, avec 1349 kilomètres d’étagères, 167 millions d’articles, plus de 39 millions de livres et de documents imprimés.

Les poètes et les écrivains, en vérité, attendent peu de l’État. L’acte de création est personnel et l’État ne crée pas des écrivains et ne le peut. Que les œuvres littéraires produites ne soient pas en mesure d’être bien promues, pourrait, par contre, relever d’une politique culturelle mal ajustée, peu avertie, laxiste, pauvre en ressources budgétaires. Il est désormais établi que les Sénégalais ne lisent pas et n’achètent pas non plus de livres.

Même gratuitement offert, ils ne lisent pas. Certains vont jusqu’à vous glacer le sang, en vous confiant avec le rire en plus : « Le livre ne sert à rien, comme les chats ! » Les librairies sont très peu fréquentées. Comme les musées. Les ventes d’ouvrages lors des cérémonies de dédicaces en sont un indice édifiant.

Après le cocktail, le plus grand nombre se débine, sans être vu. Dix mille francs l’équivalent de 16 euros, se révèlent une somme énorme pour le prix d’un livre, alors qu’on est venu en car rapide et que l’on se demande d’ailleurs comment rentrer à la maison.

L’édition coûte cher. Très cher. Il s’y ajoute que très peu d’imprimeurs de la place ont la culture du livre imprimé, en plus d’être techniquement mal nantis.

L’État doit outiller la légendaire imprimerie nationale du Sénégal afin de lui permettre de soutenir une production en quantité et en qualité du livre Sénégalais et africain.

Quant aux éditeurs Sénégalais qui foisonnent et qui sont déloyalement étiquetés comme des nuées de mange-mil venus prendre leur part du fameux et mythique Fonds d’Aide à l’Édition, ils méritent notre respect et notre attention pour leur amour du livre. Rien pour cela.

Reste seulement pour le plus grand nombre, d’être exigeants pour la qualité des textes édités. Un minimum de travail doit être imposé aux auteurs. Nous sommes le plus souvent face à des « livres écrits pour leurs auteurs que pour être lus. »

Il n’est plus à démontrer que le Fonds d’Aide à l’Édition doit être réformé. C’est bien lui qui a vite besoin d’une véritable révolution systémique !

Mais il ne serait pas juste de passer son chemin sans rendre hommage à son actuel Directeur général qui a un art consommé de toujours trouver une solution heureuse, quand il s’agit de servir le livre et la lecture. C’est un homme de bien et de consensus qui ne cède rien à l’improvisation ! Pour la Foire Internationale du Livre de Dakar, pour ce qui est de la part du département de la Culture, ce dernier doit repenser son partenariat avec le CICES !

L’échec est allé trop loin. Il faut mettre fin à la faillite de cette Foire ! Un « Salon du Livre » repensé, structuré, normé, bien programmé, innovant, totalement du ressort du département de la Culture, devrait être inauguré.

Autre priorité dont l’État seul est le garant : la promotion des éditeurs Sénégalais ! Pour exemple, les éditeurs ivoiriens, dans les années 70, 80, 90, venaient s’inspirer, se former au Sénégal. Ou presque.

L’État ivoirien a pris en main le destin de ses éditeurs nationaux en leur octroyant un quota sur le livre scolaire, jadis laissé aux mains des éditeurs européens plus financièrement nantis et futés pour rafler tous les marchés et appels d’offres.

Le Sénégal a été alors vite dépassé et ses éditeurs laissés à eux-mêmes ! La révolution systémique devrait vite résoudre ce problème et donner un quota préférentiel aux éditeurs nationaux pour ce qui est du livre et des manuels scolaires !

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Un appel au secours urgent : Monsieur le Président, sauvez les Nouvelles Éditions Africaines qui sont le premier patrimoine littéraire du Sénégal et que Senghor avait créées pour faire naître une nouvelle génération de poètes et d’écrivains dont nous faisons aujourd’hui partie avec Mariama Ba et tant d’autres, oubliés même !

Il est par ailleurs nécessaire de créer un Fonds de Soutien à la Traduction.

En effet, la production littéraire dans nos langues nationales doit faire l’objet d’une grande attention. Sa visibilité doit être défendue et promue. Il s’agit à la fois de traduire les œuvres en langues nationales dans les grandes langues internationales dont le français, l’anglais, le mandarin, l’arabe.

Les œuvres d’expression française seraient traduites dans une langue nationale comme le wolof et en anglais, en mandarin, en arabe.Ce Fonds serait logé auprès du ministère de l’Intégration africaine et des Affaires Étrangères, comme c’est le cas en France.

Nous avions œuvré sous le Président Abdou Diouf pour que soit créé le Grand Prix de la République pour les lettres et les arts. La proposition fut validée sous la signature du ministre d’État Jean Collin, mais sous le vocable « Grand Prix du président de la République pour les arts et les lettres. »

Ce Grand Prix avait survécu à Abdou Diouf avant d’être plombé par on ne sait quoi ! Il doit être réactivé avec un jury solide. Il serait souhaitable, à la suite des directives du Président de la République pour le livre et la lecture, que soit créé un Grand Prix de la Primature pour la promotion des jeunes écrivains.

Par ailleurs, acter la création des Prix régionaux du ministère en charge de la Culture. Il s’agit de faire vivre littérairement et artistiquement nos différentes régions, le plus souvent laissées en rade au profit de la capitale Dakar.

Les Directeurs des maisons de la Culture superviseront l’organisation en relation avec les Gouverneurs de région et des jurys choisis sur place. Faisons revivre le projet du Mobilier national que l’époustouflant Premier ministre Mamadou Lamine Loum avait tant porté à bout de bras. Alioune Badiane, de son nom, qui en supervisait la réalisation, est encore parmi nous, à la retraite, mais toujours scintillant !

La mode et le stylisme doivent également être revisités ! Les livres doivent porter ce secteur innovant et prodigieux !

Le secteur privé doit être invité et mobilisé pour accompagner et faire aboutir les directives du Président Diomaye et ne pas laisser seul l’État tout faire !

Bravo au Président Diomaye pour ses directives qui ne seront pas laissées aux souris dans les tiroirs, au regard de la redoutable Madame la ministre de la Culture, sereine et vigilante, qu’aucune souris ne souhaite rencontrer. Mission sera accomplie !

Bâtissons un plan d’aménagement du livre et de la lecture du territoire ! Partageons les investissements de l’économie créative !

Le livre, la lecture, la culture en un mot, c’est l’entêtement de vivre et non de mourir.

Pour tout le reste évoqué par les heureuses et très fortes directives de Monsieur le président de la République, nous pouvons faire confiance à tous les ministres concernés, particulièrement à Madame la ministre en charge de la  Culture réputée pour son tranchant et sa percutante autorité, pour aboutir vite à des résultats et des performances que la magie des guitares et des koras, accompagneront le jour venu.

Il est nécessaire et impératif qu’une nouvelle politique culturelle revisite les acquis et les manques. Le livre ne danse pas au Sénégal. Il n y a pas le bon rythme ! Tenons compte du fait que la nouvelle carte économique mondiale qui se dessine, passera forcément par de profonds changements culturels, dont l’économie créative qui générera des plus-values insoupçonnés.

Le Sénégal doit s’y préparer et le Conseil des ministres du 05 février 2025 nous fait un gros clin d’œil !

La capacité de produire de la croissance passera nécessairement par la culture, partie prenante de toutes les mutations présentes et à venir ! « Le marché des biens et services culturels vaut plus de deux mille milliards de dollars, dont plus du quart provient des industries créatives. »

Pour dire que si tout était normal, depuis Senghor, le quartier chic de Fan-résidence ne serait habité que par des Souleymane Faye, Aminata Fall, Cheikh Ndiguel Lô, Ndongo Daradji, Thione Seck, Samba Diabaré Samb, Ndiaga Mbaye, Doudou Ndiaye Coumba Rose, Makéna Diop, Djibril Diop Mambéti, Fodé Camara, El Sy, Ismaël Lô, Oumar Seck, l’incontournable enfant bien-aimé de Ndèye Sokhna Mboup, l’étincelant chanteur et guitariste, le fils de Baïdy Mall, ancien combattant et muezzin. Et tant d’autres artistes, comédiens, chanteurs, auteurs-compositeurs, interprètes, musiciens, poètes et écrivains.

L’offre et la demande de services et produits culturels n’ont jamais été autant déterminants dans la quête de rayonnement et de richesses des pays et des peuples !

Voilà pourquoi, le Théâtre national Daniel Sorano, le Monument de la Renaissance africaine, le Musée des civilisations noires, les manufactures des arts décoratifs de Thiès, le Grand Théâtre, la Place du Souvenir, le Musée Senghor si violement démuni, doivent être repensés comme structures d’accueil et de productions, pour créer, innover, produire, montrer, accueillir, vendre.

Des programmes annuels doivent être conçus, validés et mis en œuvre. Un « Conseil de veille » composé d’éminents
membres du secteur privé, public, d’acteurs et d’hommes de culture trempés, réfléchiraient à ce concept de
rentabilisation des structures ainsi citées.

Le soutien de l’État s’amenuiserait au fur et à mesure de la prise en charge personnelle de ces dits établissements.

On le sait depuis très longtemps et bien avant le Président Diomaye : ce qui est dit au Conseil des ministres n’est pas immortel !

L’inexécution des directives présidentielles en sort souvent victorieuse, faute de suivi et d’évaluation.

Le Président Diomaye sur ses instructions sur le livre et la lecture, demande à peine l’effort du coût budgétaire de moins de trois kilomètres d’autoroute !

On soupçonne que ce n’est pas seulement un président de la République qui a voulu aider à la promotion du livre et de la lecture. Derrière, il y a une autre intime part du même acteur, comme si « la vérité d’un homme est ce qu’il cache. » Ce Président, quelque part, à une forte complicité avec le livre. Tant pis si nous nous trompons !

Lire ne s’apprend pas. Ou très peu. C’est de l’amour ! C’est donner de soi-même et même contre soi-même, pour fuir le vide du cœur et la sécheresse pierreuse et tragique de l’esprit !

Merci Monsieur le Président !

 

Amadou Lamine Sall
Poète

Titulaire des Palmes Académiques du Sénégal

Officier de l’Ordre des Arts et Lettres de la République Française

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