Alors que le gouvernement vient de mettre en place l’interdiction de poulets congelés importés, le secteur avicole tente de se restructurer.
On s’en souvient encore : c’était en avril 2023. Exacerbé par l’envahissement massif du marché béninois de viandes de volaille étrangères, Gaston Dossouhoui, ministre de l’Agriculture et de l’Élevage, avait lâché la nouvelle. « Au 31 décembre 2024, vous pouvez dire merde aux poulets congelés importés. Ça ne viendra plus et nous allons faire nos fêtes avec nos propres poulets, nos pintades, nos canards, ce que nous avons élevé nous-mêmes », avait-il déclaré.
C’était une grave, mais importante mesure qui, à terme, pour le gouvernement, devrait permettre de créer davantage d’emplois dans le secteur, dynamiser la filière avicole et encourager la consommation de produits locaux.
Mettre fin à la concurence déloyale
En moyenne, le Bénin importe près de 100.000 tonnes de produits à base de volaille chaque année.
Cette importation massive crée une concurrence déloyale selon Yao Akpo, directeur d’élevage, et freine le développement de la production nationale.
« Quand vous avez une telle importation, où le kilogramme de poulet congelé est vendu autour de 1.200 Francs CFA, alors que le coût de production domestique vous revient à près de 2 000 Francs le kilo, il est évident que face à une telle concurrence déloyale, aucun promoteur ne saurait s’investir dans la production de poulet de chair », assure-t-il au micro de la DW.
Sur le terrain, les acteurs s’activent pour mettre en place des mécanismes pouvant permettre de répondre aux besoins nationaux.
« Nous avons, avec l’État, mis en place une stratégie nationale pour combler le gap. Parce que, comme vous le savez, nous ne sommes pas encore autonomes, mais nous pouvons atteindre cette autonomie-là avec cette stratégie mise en place », expliqueModeste Dayato, qui est à la tête de l’Association nationale des aviculteurs du Bénin. « Le choix est porté sur les poulets de chair qui ne nécessitent pas assez de temps pour atteindre le poids marchand. »
Des résultats probants dès cette année ?
Mais même si le gouvernement assure disposer déjà d’une infrastructure solide, avec des couvoirs, des unités de production d’aliments et un maillage territorial grâce aux structures déconcentrées, l’agro-économiste Lino Tokpo craint que cette mesure ne réponde pas, cette année, aux attentes escomptées.
« Pour 2025, je doute très fort parce qu’il n’y a pas eu tellement de dispositions pour renforcer la production locale en tant que telle », affirme-t-elle. « Nous n’avons pas de grands groupes de production de volaille, ni des poussins, ni de l’engraissement, ni de l’abattage. Nous pensons réellement que ça a été lancé et que l’État va prendre encore des dispositions pour que cela soit effectif. »
Le Bénin aspire à une couverture de 70 % de ses besoins nationaux en viande, en lait et en œufs à l’horizon. Aujourd’hui, les productions annuelles ne couvrent que partiellement les besoins de la population, avec près de 70 % de couverture en œufs, tandis que l’élevage de poulet de chair reste embryonnaire.
Source : DW/Rodrigue Guézodjè