En RDC, après des mois de tensions entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif sur la surpopulation carcérale et les mauvaises conditions de travail des juges, les autorités ont ouvert, ce mercredi (07.11.24) à Kinshasa, les États généraux de la justice.
Ces assises qui doivent s’étendre jusqu’au 13 novembre 2024 ont pour but de faciliter la mise en place d’un parquet financier pour poursuivre les auteurs de détournement de deniers publics. Elles ont aussi pour but de bâtir un service de renseignement pénitentiaire pour prévenir les cas d’évasion, selon le Président Félix Tshisekedi. C’est une sorte de diversion, estime pour sa part le professeur Espérance-François Bulayumi. « Je n’ai pas confiance en ces assises », insiste-t-il.
Il y a combien de localités et de territoires dans le pays qui sont occupés par des groupes armés. Aujourd’hui, ils invitent presque 3500 personnes pour prendre part à cette réunion monstrueuse. C’est de bonne guerre, certes, mais il y a un air de déjà vu. Le président Kabila l’avait initié en 2015, mais on constate toujours que la justice est malade, rien à changer.
« Tout est malade dans ce pays », affirme M. Bulayumi avant d’ajouter : « Nous ne sommes pas dans un état de droit. » J’ai l’impression que les Congolais vivent dans une sorte de théocratie. »
Pour lui, ce qui se passe dans la justice congolaise n’existe nulle part : « Pour moi, le président de la Cour constitutionnelle, c’est comme un pasteur évangélique qui presse chaque dimanche dans son église ». Je ne suis pas juriste. À sa place, je mettrais un peu de côté ma profession de pasteur ou bien de prêtre. Si on voit, ceux qui sont membres dans son église, ce sont des politiciens, donc ce sera difficile de comprendre ce qui s’est passé. Montamba est venu très jeune et en tant qu’opposant. Mais on l’a désigné ministre de la Justice. « Il a commencé à bien travailler. »
« La prison de Makala a été construite vers 1957 pour 1500 personnes mais aujourd’hui, plus de 15000 personnes y sont détenues. Elle accueille de petits voleurs qui sont incarcérés à la place des corrompus et de ceux qui volent et/ou détournent l’argent du contribuable », regrette François Bulayumi.
Pour lui, ces assises ne sont pas importantes. Les priorités sont ailleurs. Il faut se concentrer d’abord sur la libération des territoires occupés et des milliers de déplacés.
Le Président Tshisekedi veut réformer la Constitution. Pourtant, il a prêté serment à deux reprises sur cette Constitution. Une grande partie de l’Est du pays est occupée. Je dirais carrément que le Congo est balkanisé. Il faut d’abord récupérer ces territoires qui sont parfois dix fois plus grands que le Rwanda ou l’Ouganda. Ce sont des États généraux de la Justice, certes, mais inutiles. Il y a des magistrats qui sont très suréquipés et d’autres – qui sont dans des provinces – n’ont même pas de papiers, de machines à écrire, etc. »
Alors qu’au cours de son allocution d’ouverture des États généraux, le président Félix Tshisekedi avait clairement exprimé ses attentes vis-à-vis de l’appareil judiciaire de son pays, le Pr. Espérance-François Bulayumi plaide, lui, pour la réfondation de la justice et l’éducation de masse, fustigeant les promesses non tenues du chef d’État congolais.
« Il nous avait promis que dans une année, on aurait une université plus moderne que l’université de Sorbonne. » Mais rien n’a changé ».
« Il y a un désordre total ». Une grande partie des voitures qui circulent au Congo empruntent le sens contraire. Personne ne respecte le Code de la route. Chez nous, la justice n’existe pas ; il n’y a pas de démocratie, il y a plutôt la dictature », dénonce M. Bulayumi. « Je ne dirais même pas que le pays est malade, mais plutôt qu’il est à l’agonie », conclut-t-il.
