Transition militaire : l’exception guinéenne

L’exception guinéenne

Le général Mamadi Doumbouya, chef de ma transition militaire en Guinée
Trois ans après le coup d’État, à la différence de ses voisins putschistes désormais réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), la Guinée a choisi de rester dans le giron de la Cédéao. Une attitude d’ouverture qui tend à rassurer les partenaires internationaux, mais qui ne balaie ni les réserves ni les incertitudes, alors que la transition s’éternise.
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Pour d’autres pays que celui-là, les arrestations arbitraires, l’interdiction des manifestations, les atteintes à la liberté des médias et la disparition de leaders de la société civile auraient valu mise au ban de la communauté internationale. Il y a donc une sorte d’exception guinéenne, qui permet au régime de transition issu du coup d’État de septembre 2021 de passer très largement sous les radars des sanctions, des pressions et des anathèmes, tant de la part des bailleurs de fonds multilatéraux que de celle de la Cédéao et d’une organisation comme l’OIF qui, après l’avoir suspendu, envisage sérieusement sa réhabilitation.

 

Ceci expliquant cela, Mamadi Doumbouya, 44 ans et trois étoiles de général de corps d’armée, pratique l’équilibrisme diplomatique avec habileté. Très vite, jouant sur le fait que les partenaires de la Guinée n’y voient que leurs propres intérêts, la junte a noué une étroite coopération avec des pays qui, comme la Chine, la Turquie et la Russie, étaient au mieux avec le président déchu, Alpha Condé. Le Rwandais Paul Kagame lui a ouvert son carnet d’adresses, et la France, tétanisée à l’idée que la Guinée puisse rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES), se montre pour le moins conciliante à l’égard d’un régime dont le chef proclame à la tribune de l’ONU sa défiance vis-à-vis du modèle démocratique occidental.

Mamadi Doumbouya candidat ?

 

Conséquence de ce qui précède : des quatre pays en transition d’Afrique de l’Ouest, la Guinée est celui qui s’en sort le mieux sur le plan macro-économique. Supérieur à celui de ses voisins sénégalais et malien, son taux de croissance a presque rattrapé le niveau d’avantputsch, profitant à la fois d’une dynamique largement enclenchée sous Alpha Condé et d’une production minière – fer et bauxite – en phase ascendante. Reste que cette croissance demeure très inégalement partagée, la Guinée continuant de stagner dans le groupe de queue du classement africain en matière d’indice de développement humain, derrière la RD Congo, le Liberia et la Guinée-Bissau. Les élections censées mettre un terme à la transition ne devant être organisées – au mieux – qu’à la fin de 2025, Mamadi Doumbouya a un an devant lui pour préparer ce dont plus grand monde ne doute à Conakry : sa propre candidature.

 

Après avoir circonvenu la plupart des soutiens d’Alpha Condé et de Cellou Dalein Diallo à l’étranger et muselé en interne l’opposition et la société civile, le général peut compter sur l’adhésion persistante d’une partie des Guinéens à sa personne, la peur ou la lassitude des autres et le désintérêt croissant de la plupart d’entre eux (en particulier les jeunes) pour la politique. Sur sa méthode de gouvernance aussi, marquée par l’obsession de sa propre sécurité et par une certaine opacité. Trois ans après le coup d’État, la composition exacte du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), la junte au pouvoir, demeure ainsi le mystère le mieux gardé de Conakry.

 

Source : Jeune Afrique

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