Hamidou Pouye, un malvoyant devenu journaliste par amour et passion

Micros, ordinateurs, dictaphones : de véritables compagnons pour ce monsieur qui souffre d’un handicap visuel depuis son enfance. Hamidou Pouye a su démontrer que le handicap n’est pas un obstacle dans la réalisation de ses ambitions, malgré un chemin parsemé d’embûches.

Ce quarantenaire, du haut de son mètre quatre-vingts, a su se frayer un passage dans ce sentier sinueux qu’est la profession de journaliste. Avec un handicap hérité, Hamidou est un ancien élève de l’Institut national de l’éducation et de la formation des jeunes aveugles (INEFJA) de Thiès (Ouest). Amoureux des médias depuis sa tendre enfance, et après plusieurs tentatives infructueuses pour poursuivre ses études supérieures à l’étranger, il a fini par écrire son histoire. De l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, où il a intégré la faculté de droit, aux écoles de formation, son intégration fut difficile. L’absence de dispositifs adaptés à la méthode braille (système d’écriture tactile à points saillants utilisée par les malvoyants) dans les instituts de formation n’a pas facilité les choses.

Il finira tout de même par être major de promotion à l’École Supérieure de la Presse de l’Information et des Techniques de Santé de Thiès, où il a posé ses baluchons en 2012.

Ce handicap n’a pas été pour autant un obstacle pour Hamidou, qui a cru en lui et s’est battu pour être à la hauteur de ses ambitions et convictions.

Un malvoyant dans les rédactions 

Se faire une place dans ce milieu très difficile et exigeant n’était pas chose aisée pour Hamidou. Sa première insertion professionnelle s’est faite à la radio communautaire de Rufisque, « Jokko FM », avant de rejoindre « Oxyjeune », une radio située à Pikine. Là-bas, la confiance placée en lui et son acceptation en tant que personne souffrant de déficience visuelle lui ont valu l’animation d’une émission hebdomadaire intitulée « Espace Handicap », qui abordait les impacts de la situation handicapante dans la vie sociale.

Le terrain, l’incontournable du journaliste 

Le travail de terrain, un passage obligé pour un journaliste, n’a pas été sans défis pour Hamidou. Natif de Thiès (à 70 km à l’est de Dakar) et en plus d’être malvoyant, il s’est souvent débrouillé seul lors de ses reportages. Il se renseignait sur les lieux et n’hésitait pas à demander de l’aide aux passants pour trouver son chemin.

« Beaucoup de ceux que je rencontrais me prenaient pour un malvoyant ordinaire », se souvient-il en souriant. « C’est seulement lorsque je manipulais des dictaphones, micros et autres équipements qu’ils réalisaient que j’étais journaliste. Et là, la stupéfaction était totale devant ma maîtrise des outils. »

Le rêve d’intégration dans les grandes rédactions

Hamidou avoue avoir tenté à plusieurs reprises d’intégrer de grandes rédactions, mais sans succès. « Dans mon CV, je mentionnais clairement que j’étais malvoyant », confie-t-il, une information qui, selon lui, a peut-être diminué ses chances d’intégration.

Cependant, il n’en garde aucun regret. En 2018, il a créé « Sen Vision Médias », une radio en ligne composée exclusivement de personnes souffrant de handicap visuel, comme lui.

Parmi ses autres réalisations figurent une radio web dédiée à la musique et une autre qui diffuse des contenus sur l’islam au Sénégal.

Un enseignant déterminé 

En parallèle, Hamidou Pouye enseigne à l’INEFJA, l’institut qui l’a formé. Il y dispense des cours, montrant ainsi la voie à suivre aux jeunes déficients visuels, prouvant que la persévérance permet de surmonter les défis.

Ce père de famille n’a jamais fait de son handicap un prétexte pour sombrer dans la mendicité. Il milite pour que les outils de travail soient plus accessibles aux déficients visuels. Cette situation explique pourquoi de nombreux compatriotes vivant à l’étranger et souffrant d’un handicap visuel hésitent à retourner au pays.

Un cri du cœur pour l’accessibilité 

Ce passionné de journalisme lance un appel aux autorités pour qu’elles appliquent la loi d’orientation sociale, censée améliorer les conditions de vie des personnes vivant avec un handicap.

Même si son rêve reste de créer une radio émettant sur la bande FM, Hamidou souhaite avant tout « promouvoir la vie des personnes en situation de handicap ». Un bon moyen de communication et un outil pour déconstruire les stéréotypes et montrer qu’une autre voie est possible.

Get real time updates directly on you device, subscribe now.