Mpox : « Les Noirs ne doivent pas être présentés comme un singe »

Le Mpox ou maladie du singe, au-delà de la maladie, relativement bénigne, ravive les craintes d’une stigmatisation de la communauté africaine.

Une sorte de stéréotype, réactivé à l’occasion de l’apparition de foyers de variole du singe. En effet, les photos « d’hommes noirs » utilisées pour illustrer la maladie ne semblent pas être du goût de certains. À l’image de Patrick Mboyo, Docteur en droit public et par ailleurs chercheur associé à l’université Paris-Saclay.

Dans cet entretien, le Congolais d’origine décrit cette forme de « discrimination » de l’homme noir dans les articles de certains médias occidentaux.

Lesnouvellesdafrique.info (LNA) : Depuis un moment, nous remarquons des photos d’hommes « noirs » pour illustrer la maladie de la variole du singe. Est-ce la bonne représentation de la maladie ?

Patrick Mboyo : En tant que théoricien des concepts, de par le sujet de ma thèse de doctorat, je peux dire que la représentation peut être conçue comme le fait de rendre sensible un concept, une pensée ou une théorie absente par une image, une personnification présente. C’est-à-dire que le représentant vient à la place du représenté. À partir de ce moment, lorsqu’on considère que nous parlons d’une maladie nommée la variole du singe, la bonne représentation consiste-t-elle à prendre la photo d’un Noir, homme ou femme, à la place du concept ? C’est là où le bât blesse.

Malheureusement, depuis que les Centres de contrôle des maladies de l’Union africaine ont officiellement déclaré qu’une nouvelle souche du virus Mpox constitue une urgence de santé mondiale, nous remarquons que des chaînes comme BBC, BFM TV et autres utilisent des images de personnes noires présentant des éruptions cutanées pour désigner ce virus. Or, il y a quatre ans, nous avons vécu le coronavirus, et très vite la sémantique a changé. Tout le monde avait adopté le narratif voulu, voire même imposé, par la Chine, de dire qu’on ne parle pas de virus chinois mais de coronavirus. Si les Chinois ont insisté à ce point, c’est parce que l’image et la respectabilité du peuple chinois dépendent de la façon dont on l’associe pour représenter certains concepts. Donc, nous, Africains, Noirs en général, ne pouvons pas accepter qu’on continue à associer l’homme africain à des singes. Cette représentation est une faute que les dirigeants africains, l’Union africaine et même l’OMS doivent dénoncer pour dire que la représentation de cette maladie est biaisée et raciste.

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LNA : Ceci ne serait-il pas une forme de discrimination ou de stigmatisation envers la communauté africaine ?

Patrick Mboyo : Oui, cela ressemble à une discrimination, à une exclusion, voire à une stigmatisation de la communauté africaine. Les Noirs subissent beaucoup de stéréotypes. Lorsqu’un médecin africain travaille dans une institution en Occident, tout malade à qui on le présente a à priori une appréhension. Ils se demandent s’il est bien formé, alors que si c’était un médecin d’une autre origine, cette question ne se poserait pas. Or, ce médecin africain pourrait être le major de sa promotion. C’est la couleur de peau qui dérange. Je n’ai jamais vu un médecin noir primé dans son domaine. Tout cela, à cause de la stigmatisation et des préjugés. La maladie en tant que telle provient de zones tropicales. Nous savons que le bassin du Congo est couvert à plus de 60% par la forêt vierge, c’est-à-dire dans une partie où l’homme n’a pas accès. Et dans cette partie, les autochtones ont un contact avec l’environnement, notamment avec les animaux, en particulier les singes. Ces derniers constituent une sorte de conscience sanitaire sur le caractère comestible ou non de certains aliments. L’animal sert de cobaye dans le milieu naturel. Et tout naturiste sait que l’on ne consomme pas un aliment de n’importe quelle manière. Cela ne veut pas dire pour autant que l’homme noir qui vit dans ce bassin du Congo, tout comme dans celui de l’Amazonie, soit associé à l’image du singe ou d’un quelconque animal. Nous avons des virus comme Ebola et le Mpox, qui vient de réapparaître, qui posent beaucoup de problèmes de contact entre l’homme et l’animal, mais cela ne veut pas dire qu’il faut limiter l’image de l’être humain à ce contact, qui est tout à fait naturel depuis la nuit des temps.

LNA : Quelle appréciation faites-vous de cette maladie ?

Patrick Mboyo : Le traitement de cette maladie pose la question de l’évolution de la société, en particulier dans un pays comme la RDC. Le sous-développement et l’état de pauvreté qu’il y a dans ce pays constituent une menace pour l’humanité. Il faudrait que l’on puisse se rendre compte que la paupérisation de la population congolaise devient un problème sérieux. L’Ebola a été découvert au Zaïre, et le Mpox est aussi apparu dans ce même pays. Pourquoi dans ce pays voit-on toujours apparaître un virus qui peut devenir une épidémie internationale, voire une pandémie ? Il faudrait que l’on travaille pour que le développement du Congo soit tel qu’il préserve l’humanité de ces maladies. Voilà pourquoi j’appelle la communauté internationale à prendre à bras-le-corps les problèmes de ce pays. À force de laisser sombrer ce pays avec des dirigeants corrompus, qui n’ont aucune vision, et surtout avec des guerres qui enrichissent les entreprises occidentales pour leurs industries numériques, automobiles ou autres intérêts, nous risquons de voir d’autres maladies émerger de ce pays que personne ne sera capable de gérer. Le coronavirus doit interpeller l’intelligence internationale, la capacité du monde à faire attention. L’évolution du monde fait qu’on ne peut pas laisser cette partie du monde dans cet état de nature qui met l’homme en contact avec l’environnement de façon incontrôlée et qui peut générer des maladies dangereuses.

LNA : Comment trouvez-vous le niveau de prévention ?

Patrick Mboyo : Les symptômes sont similaires à ceux de la varicelle, mais de façon un peu plus poussée. Il y a des courbatures et des désagréments dans le corps de l’être humain. Le type de traitement et la prise en charge sont les mêmes. C’est pourquoi le Nigéria et la RDC ont affirmé que les moyens existent, car ayant servi à traiter l’Ebola. À ce titre, on peut utiliser le même type de matériel et de support technique pour lutter contre le Mpox.

Mais, ce qui nous interpelle, c’est la prévention. Cette dernière nécessite une charge générale et pertinente de la santé publique, car elle requiert des interventions multiformes afin que chacun puisse apporter sa pierre à l’édifice. L’industrie, l’économie, l’agriculture et l’élevage sont en jeu. Il faudrait donc un travail holistique pour pouvoir prévenir ce genre de maladie. Cela passe par des politiques publiques cohérentes et bien réfléchies, avec des autorités ayant un leadership et une compétence clairement avérés.

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