Wagner en mauvaise posture dans la rébellion au Mali

Tinzaouatène, une localité malienne située à la frontière algérienne, est depuis jeudi (25.07.2024) le théâtre d’affrontements intenses entre l’armée malienne et les rebelles du Cadre Stratégique et Permanent (CSP).

Les deux camps revendiquent la victoire à travers divers communiqués. Cependant, les images circulant sur les réseaux sociaux, montrant des soldats russes capturés, montrent un sérieux revers pour l’armée malienne, fortement soutenue par les mercenaires russes du groupe Wagner.

Déroulement des affrontements

Depuis jeudi, Tinzaouatène est le centre d’une bataille acharnée. Alors que l’armée malienne, initialement refusait de reconnaitre sa débâcle dans les derniers affrontements, a dans un communiqué publié lundi (29.07.2024) confirmé de lourdes pertes parmi les Forces armées maliennes (FAMA). Selon des sources officielles russes, deux de leurs soldats ont été tués lors des combats. Les images de soldats russes capturés et torturés par le CSP circulent largement, attestant de la puissance des rebelles face aux FAMA.

Analyses et réactions
Le chercheur et consultant indépendant sur les questions de conflit dans le Sahel,  le Dr Ahmed Diémé, affirme que les preuves fournies par le CSP, incluant des vidéos et des communiqués, sont tangibles et crédibles. L’Azawad, région du nord du Mali en quête d’indépendance, et alliée au Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), renforce sa position grâce à ces preuves matérielles.

Mouth Bane, journaliste et spécialiste du sahel, souligne l’importance de ne pas tomber dans une compétition macabre de communication de guerre. Il rappelle que la prise de Kidal est stratégique, permettant un repli tactique et une nouvelle préparation des forces rebelles. La région de Kidal, longtemps contrôlée par les Touaregs, est cruciale pour la progression vers le nord.

L’avenir de Wagner au Mali
Les mercenaires de Wagner ont été à l’avant-garde de l’offensive malienne vers Kidal depuis leur déploiement en décembre 2021. Cependant, la mort d’Evgueni Prigojine, fondateur de Wagner, en août dernier a conduit à une réorganisation du groupe sous le nom d’Africa Corps. Cette nouvelle entité continue de développer sa stratégie africaine, gagnant en popularité surtout dans les pays où les forces françaises ont été expulsées.

Les récents affrontements à Tinzaouatène ont cependant porté un coup dur à Wagner, avec des pertes humaines significatives. La mort de Nikita Fedianine, administrateur de la chaîne Telegram Grey Zone, et de Sergueï Chevtchenko, commandant du 13e groupe d’assaut, marque une défaite notable pour Wagner au Mali.

Selon Mouth Bane, un tel drame ne s’était jamais produit lorsque les forces françaises et américaines étaient présentes dans la région, indiquant un affaiblissement depuis leur départ et une reprise des hostilités par les groupes terroristes et rebelles.

Perspectives pour l’alliance malienne avec Wagner
Le chercheur Ahmet Diémé, estime prématuré de parler d’un retrait de Wagner malgré les revers à Tinzaouatène. Toutefois, cet échec pourrait pousser Bamako à envisager un dialogue, relancer les négociations et solliciter le retour d’Alger dans le processus de paix. La réorganisation d’Africa Corps et la réaction de la Russie seront déterminantes pour la suite.

Le contexte est complexe avec des citoyens russes otages de groupes djihadistes au Niger et la résurgence des rébellions touarègue et touboue. Ces groupes, parfois alliés par circonstance, visent un ennemi commun : les forces armées de l’AES et leur allié russe. Mouth Bane note que ces événements confirment la présence de Wagner au Mali, malgré les dénégations de la junte malienne. Ces images choqueront certainement l’opinion russe et affecteront la guerre de l’information entre la Russie et l’Occident.

L’autonomie du CSP
La stratégie malienne actuelle repose sur une approche militaire stricte, tournant le dos au processus d’Alger et rejetant les accords d’Alger. L’unique présence d’Africa Corps au Mali, sans autre force internationale ni partenaire stratégique, renforce cette logique militaire. Toutefois, une alliance entre le CSP et les djihadistes reste problématique en raison de leurs divergences idéologiques. Le CSP aspire à l’autonomie, contrairement aux djihadistes du Jnim, rendant difficile toute perspective d’autonomie sans un compromis idéologique.

Les récents développements à Tinzaouatène montrent la fragilité de l’alliance entre Wagner et l’armée malienne face à une rébellion bien organisée et déterminée. La situation au Mali reste volatile, et l’avenir de la région dépendra de la capacité des différentes parties à trouver un terrain d’entente et à travailler vers une paix durable. La junte malienne et ses alliés pourraient repenser leur stratégie pour éviter une escalade de la violence et des pertes humaines supplémentaires.

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