Diomaye Faye entre rupture et tâtonnement

Investi le 2 avril 2024 à la tête du Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye vient de passer ses 100 jours au pouvoir.

Après des années d’agitation politique, le plus jeune président de l’histoire du Sénégal a promis changement systémique, plus de souveraineté et l’apaisement. Mais la tâche ne s’avère pas facile.

Entre la volonté de réalisation de promesses tenues et la réalité de l’État, il y a bien un grand fossé. Au demeurant, le président Faye a posé quelques jalons qui semblent le mettre sur une bonne voie, malgré un certain nombre de tâtonnements liés à un manque d’expérience dans la gestion du pouvoir exécutif.

Aujourd’hui, de nombreux Sénégalais, y compris des élites reconnues, sont rassurés par l’approche de gouvernance basée sur le principe du « Jubb – Jubbal – Jubanti » (une transparence promise à tout point de vue), qui repose sur une volonté de bâtir une administration performante au service des Sénégalais et de leurs intérêts communs.

Dès les premières réunions du conseil des ministres après sa prise de pouvoir, l’exécutif a ordonné la publication des rapports de la Cour des comptes, de l’Inspection générale d’État (IGE) et de l’OFNAC des cinq (5) dernières années (2019, 2020, 2021, 2022 et 2023), entre autres.

Une bonne pratique de gestion – sans aucun doute. Car, l’ancien président Macky Sall lui a légué un pays de démocratie en souffrance, une économie peu rassurante et un peuple politiquement divisé, de lourds dossiers criminels et de scandales financiers tous azimuts.

« Ce régime vient d’arriver dans un contexte politique, économique très difficile », fait constater Dr. MBAYE CISSÉ qui estime que « cent (100) jours ou six mois, il faut comprendre qu’il a accédé au pouvoir en rampant à plusieurs escaliers et en contournant beaucoup d’obstacles ».

Le chercheur spécialiste en Études de Droit Comparé déclare qu’il faut impérativement une période d’attente afin que le nouveau pouvoir fasse une observation générale des organes et des instruments sur lesquels marche un État.

Non sans rassurer sur le fait que « les premiers jalons posés sont aussi fructueux et semblent se positionner sur une bonne voie ».

Toutefois, les organisations de la société civile note un certain nombre de manquements qui révèlent du tâtonnement lié peut-être au manque d’expérience dans la gestion de l’État.

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Mais, le Dr. Mbaye Cissé tempère « il faut quand même prendre le mal en patience, ce sont des débutants et il n’est pas du tout facile de s’adapter en ce moment à une bonne gestion des politiques publiques. Donc pour les 100 jours, vraiment, je ne suis pas un observateur qui se focalise sur la chronologie, mais plutôt sur les résultats à atteindre. », dit-il.

Considérant que toute politique est tenue à une obligation de résultat, selon M. Cissé, « le seul manquement que l’on peut constater pour le moment, c’est l’absence d’un ministère chargé de l’immigration qui, actuellement, est un défi à relever, en plus de celui chargé des contentieux fonciers. »

Lors de la campagne présidentielle, le candidat Bassirou Diomaye Faye avait promis une rupture systémique. Des pas sont en train d’être posés, même s’il s’agit d’un travail de longue haleine. Certaines promesses se sont heurtées à la réalité du pouvoir.

À cet égard, le Dr El Hadji Amadou Fall, de l’université Assane Seck de Ziguinchor (sud du Sénégal) juge que : « Il n’y a réellement pas de rupture radicale. » Mais quel genre de rupture d’ailleurs ? », s’interroge-t-il. Avant de poursuivre : « C’est dans la logique de nos gouvernants.» Quand vous êtes confrontés à la réalité du pouvoir, il y a beaucoup de choses sur lesquelles vous ne pouvez fermer les yeux. Vous êtes obligé d’accepter les choses. C’est comme ça que ça se passe ».

Une diplomatie souverainiste

Sur le plan de la diplomatie régionale, le président Diomaye Faye peut jouer un grand coût. Il prône une ligne souverainiste des Etats d’Afrique et est assez bien apprécié par les chefs d’Etat militaires de l’AES.

Le président Diomaye s’est rendu au Mali et au Burkina. Donc, contrairement à certains chefs d’Etat de la CEDEAO, le président Faye parle avec ces putschistes au pouvoir. De nombreux analystes estiment qu’il pourrait conduire une séduisante médiation que lui offre la CEDEAO. Une opportunité pour le jeune dirigeant d’insuffler des réformes au sein de l’institution fortement critiquée par ses actions en faveur des populations.

Dans une sous région agitée, Diomaye Faye, représente un modèle de démocratie électorale, contrairement aux chefs militaires des pays de l’AES qui se sont opposés à des scrutins truqués dans leurs pays respectifs.

Enfin, M. Faye fait partie des chefs d’Etat qui remettent en question les anciens liens qui, selon les dirigeants de la junte malienne, burkinabè et nigérienne, ont étouffé le développement de l’Afrique de l’Ouest.

A.K.COULIBALY

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