Le rassemblement du vendredi (21 06 2024) à Dakar co-organisé par Amnesty International et la Coalition Sénégalaise des défenseurs des droits humains sur la situation du pays n’est pas du goût des autorités burkinabè. Ces dernières ont sorti un communiqué dans lequel elles ont dénoncé une *tentative de déstabilisation ».
Elles n’ont pas été également tendre avec l’organisation Amnesty International qu’elles ont qualifié d’avoir une réputation ternie par de nombreux scandales. Son directeur exécutif du Sénégal Seydi Gassama a apporté des éclaircissements sur cette affaire dans cet entretien.
lesnouvellesdafrique.info: Bonjour Seydi Gassama
Seydi Gassama : Bonjour
lesnouvellesdafrique.info : Hier, mardi (25 06 2024) un sit- in pacifique s’est tenu devant l’ambassade du Sénégal à Ouagadougou en guise d’avertissement pour les autorités sénégalaises après le rassemblement co-organisé par Amnesty International et (COSEDDH) la coalition sénégalaise de défenseurs des droits humains. Votre avis ?
Seydi Gassama : Il est normal pour tout gouvernement de réagir à des actions que mènent les organisations ou Ong en faveur des droits humains. De ce point de vue, il n’y a aucun problème. Par contre, le seul problème c’est quand le gouvernement burkinabè pense que l’Etat du Sénégal a quelque chose à avoir avec notre manifestation, ce qui est inacceptable et même ridicule.
Il faut savoir que nous avions décidé de faire le rassemblement avant la fête de l’Eid devant l’ambassade du Burkina Faso au Sénégal à Ouakam (à l’Est de Dakar). Sauf que nous avons fait face à un refus de l’autorité qui nous a proposé le jardin de la place de la Nation et non l’esplanade. Et même pour ça, on peut dire que nous avons été pratiquement confiné.
Je puis vous assurer qu’aucun burkinabè n’était mêlé à ce rassemblement où il n’y avait que les organisations sénégalaises des droits de l’homme qui l’ont organisé.
lesnouvellesdafrique.info: Quel était d’ailleurs l’objectif de ce rassemblement ?
Seydi Gassama : Alors ces organisations dénonçaient les atteintes à la liberté d’expression, la liberté de la presse au Burkina Faso. Je rappelle que la semaine dernière un autre media a été fermé dans le pays. Les journalistes sont aujourd’hui sous pression, la société civile également.
Critiquer le gouvernement aujourd’hui pour ces journalistes ou opposants, revient à être détenu, enlevé ou envoyé au front. Vous risquez d’être enrôlés de force par l’armée dans ce qu’il appelle les volontaires de la patrie. Là, on vous fait subir un entraînement militaire totalement dérisoire et on vous expose en ligne de front pour soi disant combattre les groupes armés que les militaires sont censés combattre.
A mon avis, aujourd’hui en tant qu’organisation, nous avons un devoir de solidarité envers la société civile du Burkina, envers les médias au Burkina, envers l’activiste Guy Hervé Kam, actuellement en detention. Ce Monsieur est considéré comme un héros par la jeunesse du pays, et même ouest africaine, il est le cofondateur du ballet citoyen très connu, car ayant été à la tête de la fronde qui a fait partir Blaise Compaoré. Le régime craint qu’il puisse mobiliser de la même manière la jeunesse du pays face a leur désir de s’éterniser au pouvoir. Comme vous le savez le capitaine vient d’avoir une prolongation de la transition pour 5 ans.
D’ailleurs, nous ne sommes pas les premiers à avoir demandé sa remise à liberté puisque les juridictions Burkinabè l’avaient ordonnées.
lesnouvellesdafrique.info: Et le communiqué qui juge ce rassemblement comme « une manipulation des opinions » sur des questions qui relèvent de la politique intérieure du pays? D’ailleurs, l’autorité n’a pas été tendre avec Amnesty International qu’elle qualifie « d’organisations financées par des officines aux desseins obscurs ».
Seydi Gassama : C’est totalement ridicule ce communiqué, car ce que nous dénonçons sur la situation des droits humains au Burkina, ce sont les juridictions Burkinabè elles-mêmes qui le disent. C’est la Cour d’Appel de Ouaga qui dit qu’il faut libérer Guy Hervé Kam. C’est également la commission nationale des droits de l’homme qui a dénoncé les arrestations arbitraires en dehors de toute procédure et régulière. Une institution officielle de l’état burkinabè. Vouloir penser que nous sommes manipulés est un langage utilisé par la junte pour exciter évidemment tous ces jeunes endoctrinés à la solde du capitaine Ibrahim Traoré.
lesnouvellesdafrique.info: Et ne pensez-vous pas que cela puisse conduire à envenimer les relations entre le Burkina Faso et le Sénégal ?
Seydi Gassama : Comme je viens de le dire l’Etat du Sénégal n’a rien à voir avec cette affaire. Absolument pas. L’Etat du Sénégal ne peut pas empêcher à des organisations légalement constituées au Sénégal comme Amnesty, la Raddho et tous les autres de mener des activités dans le pays tant que ces activités ne risquent pas de troubler l’ordre public. Il ne peut nous empêcher d’exprimer notre liberté d’expression, d’interdire notre liberté de se rassembler.
Ce qu’il essayent c’est tout simplement faire taire la critique en faisant du cinéma à Ouagadougou pour que des Etats comme le Sénégal, ou la Côte d’Ivoire interdisent toute manifestation, disons le, qui critique la junte. Ce, pour qu’une prochaine fois l’Etat du Sénégal dise qu’il y a des risques sur les relations diplomatiques.
Mais ils peuvent déchanter car cela ne nous empêchera pas de continuer à nous exprimer soit par des manifestations physiques, soit par des actions en ligne pour sensibiliser le monde sur ce qui passe au Burkina Faso.
lesnouvellesdafrique.info: Je vous remercie Seydi Gassama.
Seydi Gassama : Merci