Les tractations sont engagées depuis quelques semaines pour le rapprochement entre la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES). Nouvellement élu à la tête du Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye se présente comme le sorte de médiateur qui porte la confiance de hautes personnalités de la Cedeao.
La tâche ne sera pas facile pour le jeune président sénégalais de 44 ans qui, pourtant semble bien s’entendre avec ses homologues du Burkina Faso et du Mali.
« Comme vous le savez le Mali est membre de l’Alliance des États du Sahel (AES). Ceux qui ont suivi mes déplacements dans les différents pays de la Cedeao m’ont entendu prêcher cette bonne parole là. Je me suis évertué à échanger longuement avec le Colonel Assimi Goita. J’ai compris la position malienne qui, quoique rigide n’est pas totalement inflexible », a confié le président Faye à l’issue de sa visite au Mali ».
Bassirou Diomaye Faye réussira-t-il à relever le défi de l’intégration et de la réintégration ? Les observateurs demeurent mitigés.
« Pour le Président Bassirou Diomaye Faye, c’est une mission difficile et qui n’est pas sans risque. Pour le moment, la relation entre la CEDEAO et l’AES ressemble à un face à face tendu et une relation bien abimée. Il peut se retrouver entre le marteau et l’enclume si la relation se détériore et si un éventuel rapprochement est rejeté par les peuples des trois pays de l’AES », explique Dr. Cheikh Gueye.
Au demeurant, affirme le Secrétaire permanent du Rapport alternatif sur l’Afrique (Rasa), il n’a pas de relations personnelles assez fortes avec les trois pays réfractaires pour jouer sur la fibre sentimentale, même s’il peut revendiquer des convergences idéologiques ou stratégiques avec leurs dirigeants.
Toutefois, le président Faye est bien outillé pour faire plier les pays de l’AES, selon Tidiane Dioh, consultant international.
Pour l’ancien journaliste au magazine Jeune Afrique et à la chaîne de la télévision TV5, le président sénégalais a aussi l’avantage, du moins à priori, d’être vierge de tout contentieux avec les dirigeants des Etats fondateurs de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui, faut-il le rappeler, est un pacte de défense mutuelle conclu entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, en réaction aux menaces d’intervention militaire de la CEDEAO.
« Le président sénégalais pourrait s’appuyer sur le Mali pays auquel le Sénégal est lié par tant de traditions et des liens séculaires multiples et variés pour engager des discussions avec les dirigeants de l’AES avec lesquels il partage le même engagement panafricain et la même volonté de souveraineté politique. Ce serait pour lui une belle entrée en matière sur la scène africaine », soutient Dioh.
« Bassirou Diomaye Faye reste constant dans sa posture et il a les cartes entre les mains pour se positionner comme médiateur entre la Cedeao et l’AES », estime, pour sa part, Seidik Abba, Président du centre international d’étude et de réflexion sur le Sahel.
A l’issue de son entretien avec le Colonel Assimi Goita, le président Bassirou Diomaye Faye a fait savoir que tout n’est pas perdu, qu’il y a de son point de vue une possibilité de convaincre les États de reconsidérer leur position, sans mettre de côté leurs revendications qui semblent légitimes au regard de ce qu’il a pu dire après ce tête-à-tête.
Seidik Abba estime que les États de l’AES ne ferment pas totalement leurs portes à condition qu’ils soient écoutés. Maintenant, on verra comment les choses vont évoluer et si la diplomatie sénégalaise a pu être efficace dans le rapprochement entre la Cedeao et les pays de l’AES.
Jeudi 16 mai 2024, le président nigérian, Bola Ahmed Tinubu, président en exercice de la Cedeao, a exhorté son homologue sénégalais, en visite à Abuja, à faire « revenir au bercail » les pays ouest-africains « frères » touchés par des « renversements anticonstitutionnels de gouvernement », alors que le Niger, le Burkina Faso et le Mali ont annoncé en début d’année leur décision de quitter l’institution ouest-africaine.
A.K. Coulibaly