« L’arrivée de plus de 38.0000 déplacés a provoqué des secousses à Goma » (Abdoulaye Barry, HCR)

La Rdc est en proie à une crise de plus en plus grave en matière d’humanitaire, de sécurité et des droits Humains. En effet, depuis plusieurs mois, le pays est envahi par les rebelles qui occupent et déstabilisent une bonne partie de la province du Nord Kivu. D’aucuns disent avec l’appuie du Rwanda voisin. Les répercussions de cette crise s’avèrent catastrophiques pour la population.

Une situation très préoccupante selon Abdoulaye Barry, un des portes paroles du HCR dans l’est de la RDC. Dans cet entretien, il met en exergue l’ampleur de la crise humanitaire dans la zone.

Lesnouvellesdafrique.info : M. Abdoulaye Barry, bonjour. Ces derniers mois, les affrontements entre l’armée régulière et des groupes armés se sont intensifiés forçant des milliers de personnes à fuir. Quelle est aujourd’hui la situation sécuritaire actuelle en Rdc ?

Abdoulaye Barry:  L’intensification des violents combats autour de Goma vers Sake et sur l’axe Kanyabayonga. On note la reprise des bombardements dans la zone de Sake avec des bombardements touchants des sites de PDI.  Le 3 mai, des explosions sont tombées sur quatre sites de personnes déplacées, tuant plus d’une douzaine de femmes et d’enfants et endommageant des abris d’urgence. Le 30 mai, 28 bombes auraient touché les zones de Mushake, Mubambiro et Sake et ont entrainé le déplacement d’environ 32 ménages, des retournés vers les sites de Mugunga.

Lesnouvellesdafrique.info : Certaines régions du pays, notamment les Kivu et Ituri dans l’Est, restent secouées par des violences et la présence de rébellions. Comment se déroulent les opérations humanitaires dans la zone ?

Abdoulaye Barry: La situation à Goma et dans ses environs est très préoccupante et reflète les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes déplacées dans toute la région. En RDC, plus de 7,2 millions de personnes sont actuellement déplacées à l’intérieur du pays. Au total, 6,38 millions de personnes sont déplacées dans les provinces du Nord-Kivu (2,67 millions), du Sud-Kivu (1,9 million) et de l’Ituri (1,81 million).

D’ici mars 2024, pas moins de 738 000 personnes (OCHA) ont été déplacées, principalement dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu en raison des nouvelles violences dans les territoires de Rutshuru et de Masisi. Les territoires de Rutshuru et de Masisi ont été les épicentres de la violence, la province de l’Ituri et la province du Sud-Kivu sont également fortement touchées par l’insécurité et les groupes armés.

Les ressources nécessaires pour répondre aux besoins des personnes déplacées étaient déjà limitées et insuffisantes. L’arrivée de plus de 380 000 personnes déplacées à Goma au début de cette année a provoqué des secousses dans toute la ville et les besoins augmentent de façon exponentielle.

Dans les sites spontanés, les conditions se sont détériorées de façon alarmante. La qualité des abris de fortune se dégrade, le manque de bois de chauffage pour la cuisine et le manque d’accès à des activités génératrices de revenus multiplient les risques de violence liée au genre. Et les systèmes d’assainissement médiocres créent des problèmes de santé majeurs pour les habitants.

Pour de nombreux ménages déplacés, ce sera la deuxième fois ou la troisième fois (ou plus) qu’ils fuient leurs maisons à cause de cette violence répétée. Ces personnes vulnérables sont traumatisées, elles sont épuisées. Pour ceux qui ont fui la violence il y a deux ans, les conditions et la qualité de vie se sont détériorées à des niveaux déplorables.

Pour ceux qui sont bloqués derrière les lignes de front et qui n’ont pas accès à l’aide humanitaire, la situation est particulièrement désespérée car leurs besoins les plus essentiels ne sont pas satisfaits.

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Lesnouvellesdafrique.info : Le M23 (Mouvement du 23 mars), actif depuis fin 2021, progresse depuis plusieurs jours vers Kanyabayonga, dans le territoire de Lubero, quatrième territoire du Nord-Kivu vers lequel la rébellion avance ses pions (après ceux de Rutshuru, Nyiragongo et Masisi), en plus de ses velléités d’avancée vers le sud, vers la province du Sud-Kivu. Quel est l’impact de la présence du mouvement M23 dans le nord Kivu?

Abdoulaye Barry : La présence des groupes armés dans la zone cause une psychose au sein d’une grande partie de la population et cette dernière redoute une prise de la ville de Goma qui pourrait entrainer des conséquences graves. Actuellement, le cout de la vie est devenu très cher et le niveau de criminalité très élevé dans la ville de Goma.

Lesnouvellesdafrique.info : Quelles répercussions en matières humanitaires, de droits humains et de sécurité ont ces affrontements entre armées et mouvements rebelles ?

Abdoulaye Barry : En 2023, le monitoring de protection a documenté 18 466 violations et abus des droits humains dans la province du Nord Kivu, composés majoritairement de violations du droit à la propriété, du droit à liberté et du droit à l’intégrité physique, une augmentation des incidents de 19% de 2022.

Les tendances du 1er trimestre de 2024 indiquent que les violations des droits de l’homme augmentent encore. L’extension des affrontements violents dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo et Masisi.

Le redéploiement/renforcement des forces de sécurité dans le cadre du conflit en cours dans les territoires de Rutshuru et Masisi a laissé des vides sécuritaires dans différentes zones de la province qui ont été remplies par des acteurs armés non-étatiques. En 2024, les incidents de protection continuent de croitre, les victimes déplacées sont dénombrées selon le CMP à 2.7 millions au Nord Kivu contre 1.9 millions de victimes au Sud Kivu.

Lesnouvellesdafrique.info : La RDC se classe au 164e rang sur 174 pays selon l’indice de capital humain 2020, conséquence de décennies de conflits, de fragilité et de développement compromis. Quelle est la situation sociale qui prévaut en Rdc ?

Abdoulaye Barry : Dans l’ensemble, les  conditions sociales sont affectées par le conflit et la violence.
Des centaines d’écoles sont actuellement utilisées comme abris, ce qui signifie que des milliers d’enfants manqueront des mois d’école cette année.

Les zones de production agricole que constituaient Masisi, Rutshuru et Lubero sont maintenant desservies par la population et les prix des denrées alimentaires augmentent sur les marché.

Lesnouvellesdafrique.info : M. Abdoulaye Barry, merci.

Abdoulaye Barry : Merci à vous.

 

Ndeye Mour Sembene

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