Visite chez les putschistes : comprendre l’approche du président Bassirou Diomaye Faye

Accueil de Diomaye Faye à Ouaguadougou par le capitaine Ibrahima Traoré le 29 mai 2024

Le chef de l’État sénégalais était de nouveau à l’étranger cette semaine. Bamako et Ouagadougou ont été ses destinations respectives, deux capitales ouest-africaines toutes dans les mains des putschistes. Ses visites chez des dirigeants au pouvoir par coup d’État militaire suscitent des questions. Toutefois, la démarche était déjà annoncée lors de la campagne électorale pour la présidentielle de mars 2024. Elle s’inscrit dans le cadre de la politique d’intégration sous l’ère Bassirou Diomaye Faye.

Sous Macky Sall, notamment vers la fin de son mandat, le Sénégal n’était plus en bonne relation avec le Mali et le Burkina Faso. Tout est parti des coups d’État militaires qu’ont connu ces deux pays du Sahel et des sanctions de la CEDEAO qui ont suivi. Par principe, et cela conformément à son statut de membre de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest, l’État sénégalais avait appliqué lesdites sanctions qui étaient à la fois économiques et financières.

Mais cette phase de tensions semble désormais du passé. L’actuel président du Sénégal, bien qu’étant venu au pouvoir par voie démocratique, a opté pour le rapprochement entre son pays et ces deux du Sahel sous transition militaire.

Jeudi, il a successivement été au Mali et au Burkina Faso. Aussi dans l’un que dans l’autre, il s’est montré pour la continuité de la coopération avec les dirigeants actuels de chacun. Une position différente de celle de son prédécesseur vis-à-vis du capitaine Ibrahim Traoré et du colonel Assimi Goita. Visiblement, avec Diomaye Faye, il n’est pas question d’ignorer ces deux putschistes. C’est ce qui explique son déplacement chez eux.

D’ailleurs, à Bamako, au cours de leurs entretiens, Faye et Goïta ont passé en revue la coopération bilatérale entre les deux pays et discuté de questions d’intégration dans la sous-région ouest-africaine.

Le Burkina Faso et le Mali n’ont pas été les premières destinations sous transition militaire de Diomaye Faye. Bien avant, il y a eu la Guinée, un autre pays ouest-africain qui est actuellement dirigé par un soldat. Lors de son séjour de près de 24 heures à Conakry, il avait affiché la même volonté qu’au Burkina Faso et au Mali, celle de maintenir les liens historiques entre la Guinée et le Sénégal.

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Si ses déplacements dans les pays sous transition visent à relancer la coopération entre le Sénégal et leurs dirigeants, dans le pays, l’approche est mal perçu par l’opposition notamment. Elle dit ne pas comprendre qu’un président démocratiquement élu ait dans ses préoccupations la réconciliation du Sénégal avec des États tenus par des putschistes. Mais d’autres, par contre, n’y voient pas d’inconvénient.

Au-delà de volet diplomatique qui veut que le nouveau président perpétue la tradition de bonne coopérations avec les pays amis et les pays frères, la méthode du président Faye revêt un autre sens. En effet, le chef de l’État sénégalais veut une véritable intégration sous régionale et africaine.

« Nous renforcerons la sécurité au niveau des frontières, et l’interconnexion des infrastructures avec les pays de la sous-région et boosterons les relations économiques, commerciales et sociales entre les peuples. Nous mettrons en place un véritable programme de coopération décentralisée impliquant les États ouest-africains . La dynamique de cette coopération sera entretenue, entre autres, par l’organisation de foires commerciales au niveau des villes, d’événements socio-culturels, le jumelage entre les villes ouest-africaines », déclarait le candidat Bassirou Diomaye Faye lors de la campagne présidentielle au Sénégal.

Démocratiquement élu à la tête du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye opte pour une démarche inclusive pour concrétiser la vraie intégration avec des peuples africains soudés pour s’orienter résolument vers la souveraineté. Le projet est aussi panafricain.

Le président Faye veut aussi promouvoir l’intégration économique de la sous région en renforçant le Tarif Extérieur Commun de la CEDEAO. Il entend développer avec ses pairs, à l’échelle sous régionale, la production d’énergies renouvelables grâce aux énormes potentiels de la sous-région (ensoleillement, fleuves, vents…). Des centres de recherche ouest-africains performants sur les énergies renouvelables et la production d’énergie seront mis en place.

Il faut ajouter qu’au niveau régional, le Sénégal veut jouer un rôle dans la réforme de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), considérée comme un club de présidents à la botte des Occidentaux, et probablement favoriser la réintégration des pays rebelles (Mali, Burkina, Niger), les deux sujets étant liés. La réforme monétaire souhaitée (sortie du franc CFA) concerne toute l’Union économique et monétaire ouest-africaine – composée des trois pays précités, avec le Bénin, le Togo, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau – à moins que, faute d’accord, le Sénégal n’opte pour une monnaie propre.

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