Les milliers de journalistes contraints de fuir leur pays d’origine pour échapper à la répression politique, aux conflits, et pour sauver leur vie font face à de nouvelles menaces en exil. Malgré leur fuite, ces professionnels de l’information se retrouvent souvent vulnérables aux attaques physiques, numériques et juridiques, comme le souligne Irene Khan, enquêtrice de l’ONU, dans un rapport récent présenté à l’Assemblée générale.
La répression politique et les tendances autoritaires croissantes ont réduit l’espace pour les médias indépendants et critiques dans de nombreux pays. Khan explique que les médias libres et diversifiés sont absents ou sévèrement restreints dans plus d’un tiers des pays du monde, affectant les deux tiers de la population mondiale. Cette répression pousse de nombreux journalistes et certains médias indépendants à quitter leur pays pour continuer à informer sans crainte ni favoritisme.
Cependant, l’exil ne met pas fin aux menaces. Les journalistes en exil se trouvent souvent dans des situations précaires, confrontés à des menaces contre eux-mêmes et leurs familles, sans statut juridique assuré ni soutien adéquat pour continuer leur travail. Comme l’explique Khan, « l’exil devient alors un autre moyen de faire taire les voix critiques, une autre forme de censure de la presse ».
Des centaines de journalistes ont fui des pays comme l’Afghanistan, la Biélorussie, la Chine, l’Iran, la Russie, et bien d’autres. Pourtant, même à l’étranger, ils sont ciblés par des mesures de répression transnationale. Le cas le plus emblématique reste l’assassinat de Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien à Istanbul, un acte scandaleux de répression transnationale. Des journalistes iraniens, turcs et d’autres nationalités ont également été victimes d’enlèvements extraterritoriaux et de poursuites juridiques injustifiées.
La répression ne s’arrête pas aux frontières physiques. Les journalistes en exil sont également victimes de menaces numériques, notamment la surveillance, les attaques par des armées de trolls et de bots, et les campagnes de diffamation en ligne. Les logiciels espions comme Pegasus permettent aux autorités d’accéder aux appareils des journalistes, intensifiant leur surveillance et les mettant en danger.
Les attaques physiques restent une menace constante. En 2022, des journalistes salvadoriens ont fui vers le Costa Rica et le Mexique après avoir été ciblés par des logiciels espions. Les attaques contre les journalistes en exil vont des menaces de mort aux tentatives d’extradition sur des accusations fabriquées de toutes pièces.
Irene Khan appelle à une action concertée pour protéger les journalistes en exil. Elle demande aux pays hôtes de leur fournir des visas et des permis de travail, ainsi qu’une protection contre les attaques physiques et en ligne. Les journalistes ont également besoin d’un soutien à long terme de la part des groupes de défense des droits et des entreprises technologiques pour garantir que leurs outils de travail ne deviennent pas des armes contre eux.
La situation actuelle des journalistes en exil est un appel urgent à la communauté internationale pour défendre la liberté d’expression et protéger ceux qui risquent leur vie pour informer le public. Leur combat pour la vérité et la justice doit être soutenu et renforcé, car sans une presse libre et indépendante, la démocratie et les droits de l’homme restent en péril.