Ce dimanche (19.05.2024), la RDC a retenu son souffle le temps d’une nuit. Pour cause, une tentative de coup de force militaire « déjoué » de justesse, selon les autorités. Kinshasa aurait, en effet, très vite pris contrôlé de la situation, dit la même source.
Mais de nombreuses interrogations subissent sur la facilité avec laquelle cette opération a été menée en ne visant au premier plan que Vital Kamerhe, proche du président Felix Tshisekedi, et probable futur président de l’Assemblée nationale.
Dans cet entretien, Espérance François Bulayumi , professeur à l’Université de Vienne, par ailleurs conseiller scientifique, estime que « c’est un simulacre coup de force militaire. » tout en insistant sur la situation politico-sociale qui prévaut à la RDC.
Lesnouvellesdafrique.info : M. Espérance François Bulayumi, bonjour.
M. Espérance François Bulayumi : Bonjour.
Lesnouvellesdafrique.info : Une tentative de coup d’Etat a été déjoué, ce dimanche, à Kinshasa. Qu’elle a été votre réaction suite à l’information ?
M. Espérance François Bulayumi : J’ai été très ému et très déçu en même temps. Mais après, j’ai compris que l’auteur de cet acte a été « trahi » et piégé.
Il y’a certes une Assemblée au Congo, mais je dirais que c’est un parlement de divertissement. Le vrai parlement se trouvait au palais de la Nation où Lumbumba a fait son discours mythique en 1960. Lorsqu’il disait que « nous allons faire du Congo le centre du rayonnement de l’Afrique toute entière ». Malheureusement, je n’ai plus d’espoir pour ce gouvernement.
Lesnouvellesdafrique.info : Une tentative de coup d’État qualifiée de « déstabilisation des institutions » par le gouvernement. L’action est -elle moins sérieuse que cela ? Selon vous qu’est ce qui a motivé les auteurs de cet acte?
M. Espérance François Bulayumi : C’est une farce. Vous savez, le jour du coup d’Etat, une cérémonie religieuse a eu lieu en face du palais du peuple avec 120000 personnes y compris le Président la République lui-même, et Vital Kamerhe. C’était le jour de la Pentecôte. Le pays et ses institutions sont d’ores et déjà déstabilisés.
L’Est est occupé par les hommes armés. Organiser un concert le même jour que le coup de force militaire qui allait déstabiliser les institutions, je crois que c’est de la farce. Les politiciens n’ont pas de mémoire. Le pays est déjà déstabilisé depuis le 24 janvier 2019 , lors de la proclamation des résultats de la présidentielle.
La souffrance de la population a motivé l’auteur de ce coup d’État. Christian Malanga est un personnage très ambigu. Il a tenté un coup de force avec Kabila, et il a refait avec Félix Tshisekedi.
Il a dû écouter les plaintes des Congolais et lister leurs problèmes. Nous sommes entourés de rivières mais nous manquons d’eau potable, il manque l’électricité… Il y’a beaucoup de corrompus au Congo.
Lesnouvellesdafrique.info : trois individus de nationalité américaine ont été arrêtés suite à cette tentative de coup de force militaire. Peut -il s’agir des étrangers dont parlait le porte-parole de l’armée le général Sylvain Ekenge. Quel pourrait être le sens d’une implication américaine dans ce putsch raté ?
M. Espérance François Bulayumi : Ils sont tous parents. Les renseignements du monde savent que Tshisekedi ne pouvait voter. Même lors des élections du 20 décembre, la constitution ne permettait pas de l’organiser le jour du travail. Pendant toute une semaine ça a été le cas. Je pense qu’il voulait tuer Vital Kamerhe mais cela s’est soldé à un échec.
Ce dernier avec les deals de Nairobi, ils se sont convenus qu’il deviendrait le président de la République, et Tshisekedi, de son côté voulait changer la constitution.
Lesnouvellesdafrique.info : Beaucoup d’interrogations après ce putsch raté notamment sur le modus operandi. Pourquoi ont -ils attaqué le domicile d’un ministre ? Puis, investi le Palais de la Nation, un bâtiment vide la nuit, plutôt que la télévision nationale par exemple ? Y’a-t-il eu des complots en plus d’une défaillance des services de renseignement ? Que pouvez-vous nous en dire ?
M. Espérance François Bulayumi : Kamerhe et Tshisekedi sont partout. Il est facile de les attaquer. Ils ne sont pas sécurisé. On peut passer de Brazzaville au palais de la Nation. Je pense que l’on a désorienté Christian Malanga. Il a été trahi. Les services de renseignement militaires ne sont pas professionnels.
Lesnouvellesdafrique.info : cet énième coup d’État (raté) peut-il mener vers un renforcement des pouvoirs autour du président Félix Tshisekedi ?
M. Espérance François Bulayumi : je crois qu’il va juste renforcer la peur, l’angoisse. On a tué de bons politiciens pour faire peur aux gens. C’est pourquoi Mobutu a fait 32 ans au pouvoir. C’est ce que Tshisekedi est en train de faire. C’était un simulacre de coup d’État ou un arrangement pour faire éliminer Kamhere. Ceux qu’on a tués étaient des témoins gênants.
Lesnouvellesdafrique.info : Pr Espérance François Bulayumi, merci.
Pr Espérance François Bulayumi : Merci à vous.
Espérance-Francois Ngayibata BULAYUMI est Social-Anthropologue de formation ; Docteur es Philosophie de l’Université de Vienne où il a soutenu une thèse de doctorat sur la « Palliative care », a enseigné la thanatologie interdisciplinaire et interculturelle à ladite Université. Il a aussi enseigné, étant social-utilitariste, sur « la responsabilité des sciences et Arts appliqués » à l’Université des Arts appliqués de Vienne (Angewandte Kunst). Auteur des plusieurs livres en Allemand, Français et Lingala. Il fut pendant plusieurs années Secrétaire académique de l’Institut Afro-Asiatique de Vienne en Autriche. Il est actuellement Conseiller scientifique et éditeur à Vienne.
Ndeye Mour Sembene