Au Sénégal, l’institutionnalisation des affaires religieuses ne fait pas l’unanimité

Lors du Conseil des ministres du 17 avril, le Chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, a annoncé la création à la présidence de la République d’une Direction des Affaires religieuses et de l’Insertion des diplômés de l’Enseignement Arabe. L’initiative ne fait pas l’unanimité chez les acteurs.

La création de cette direction répond pourtant à une vieille revendication.

« La Démarche semble indiquer une préférence non seulement pour une confession particulière, mais également pour une discipline d’enseignement spécifique, ce qui peut être perçu comme une rupture du principe d’égalité qui doit prévaloir dans un Etat laïc », a fait remarquer l’inspecteur de l’enseignement à la retraite, Abdoulaye Sall.

L’activiste soutient que la question de la neutralité de l’Etat face aux différentes confessions religieuses se pose avec acuité.

« Il est crucial de savoir de quelle confession sera issu le directeur de cette nouvelle direction, et comment cette nomination pourra affecter l’équilibre et la cohésion entre les différentes communautés religieuses du Sénégal », s’interroge-t-il.

Cheikh Tahirou Fall membre du bureau exécutif national du Mouvement des Dommu Daara Patriotes(MODDAP) se réjouit de la décision.

Selon lui, le Président Faye vient de satisfaire une vielle doléance des religieux du Sénégal. « Avec la ligue des Imams, les « ndogo dara » (apprenants dans les écoles coraniques) et les prêcheurs, pendant longtemps, nous avons mené le combat pour l’institutionnalisation des rapports entre les religieux et l’Etat. Cela nous tenait à cœur ». Cette décision vient à son heure, se réjouit-il.

« Nous avions remarqué que nos relations n’étaient pas des plus soudées. Nos rapports ne doivent pas dépendre de notre appartenance politique. Donc si aujourd’hui on voit la réalisation de notre doléance, on ne peut qu’adhérer » précise t-il.

Pour l’Imam Fall, leur principal souhait était de « moderniser les daaras, former les maîtres coraniques, assainir le secteur et les intégrer dans le fonction publique ». Et pour rendre cela possible, il est impératif qu’Il y’ait « un organe étatique pour le piloter ». Il se dit ainsi, « fin prêt » à accompagner le nouveau gouvernement.

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Joint au téléphone, Imam Oumar Diéne de l’association nationale des imams et Oulémas du Sénégal ne souhaite pas se prononcer sur le sujet. Selon lui, le « nouveau président ne les a pas consultés avant de prendre une telle initiative ».

Du côté de Imam Makhtar Kanté, cette décision « n’est pas pertinente ». Selon l’auteur de « Islam, science et société : écrits d’un Imam africain », « dans notre nomenclature, c’est la 1ère fois que l’on voit une direction logée à la présidence » dit-il

De l’avis de l’écrivain, si l’on veut prendre en charge les questions religieuses, il faut une « séparation des pouvoirs comme dans certains pays où il y’a des conseils supérieurs islamique des affaires religieuses ».

« Et l’associé à une insertion des diplômés en langue arabe sera compliqué. Ce n’est pas du ressort du président de prendre ces décisions. Mais plutôt au ministère en charge de la formation. Donc dénomination en soi pose problème » poursuit-il.

À la question de savoir si nommer un directeur parmi les différentes confessions religieuses qui existent au Sénégal n’affecterait pas l’équilibre et la cohésion sociale qui existent au Sénégal, l’imam affirme qu’ il « est impossible de trouver une personne neutre sur le plan religieux au Sénégal.

A en croire l’Imam, ce qui est important c’est de trouver un profil pour cette entité qui met à l’aise tout le monde et est capable de travailler pour maintenir la cohésion sociale. Il faut qu’il y’ait « une présidence par rotation pour le poste de directeur chargé des affaires religieuses » suggère t-il

Au Sénégal, le spirituel et le temporel se côtoient au quotidien sans conflit à travers la cohabitation entre autorités coutumières, religieuses et politiques. Avec cette décision du Président Bassirou Diomaye Faye, d’aucuns craignent la cohabitation islamo-chrétienne soit sapée.

Nos tentatives de faire réagir le clergé n’ont pas abouti. L’on n’a pas souhaité se prononcer sur la question.

Ndeye Mour Sembene

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