La réponse humanitaire à Gaza était jusqu’alors jugée insuffisante, entravée et critiquée pour ses errements. Elle apparaît désormais hors-contrôle. Tous les protagonistes sur place semblent dépassés. Ni l’armée israélienne, ni le Hamas, ni l’Egypte, ni les ONG ni les agences onusiennes n’assurent un déploiement professionnel et efficace de l’aide à la population.
Israël tout d’abord, dont l’armée est impliquée directement dans la tragédie du jeudi 29 février, qui a touché les Gazaouis lors d’un mouvement de foule autour d’un convoi alimentaire. Selon l’article 55 de la Convention (IV) de Genève, « dans toute la mesure de ses moyens, la Puissance occupante a le devoir d’assurer l’approvisionnement de la population en vivres et en produits médicaux ». Or chacun peut constater le déficit flagrant de soins, d’aide alimentaire, d’accès à l’eau et de biens de première nécessité qui poussent les civils à bout.
La pleine responsabilité en revient au gouvernement de Nétanyahou, en tant que donneur d’ordres. Il n’a commandé aucune orientation claire à l’armée sur le devenir de Gaza après l’élimination du Hamas, but de guerre affirmé. Le Premier Ministre pour des raisons qui tiennent à son statut judiciaire et à sa coalition verrouillée par les ultras, cherche à gagner du temps. Il ne veut pas choisir entre une administration militaire ou une gestion américano—arabe proposée par le président Biden. Il récuse un retour aux affaires du Hamas et tout autant de l’Autorité Palestinienne. Pendant ce temps son extrême droite projette sans complexe la déportation des Gazaouis pour en coloniser leur territoire.
Comment s’étonner dès lors du chaos actuel ?
Que dire de l’Egypte, co-auteure du blocus, qui exclut tout refuge provisoire sur son territoire et tout échappatoire des civils exsangues pris au piège de la guerre, alors qu’elle dispose de l’espace et des moyens pour prendre en charge ceux qui souhaiteraient se mettre à l’abri.
Quant à l’ONU, elle a connu dès le 7 octobre de sérieuses défaillances. Sa communication exprimée par le Secrétaire général a été jugée partiale après le crime contre l’humanité commis le 7 octobre à l’encontre des populations israéliennes. La carence de l’ONU Femmes à prendre en compte rapidement les crimes sexuels et la cruauté des attaques dirigées sur les Israéliennes, le manque de neutralité flagrant pour le dire d’une façon euphémique d’employés de l’UNRAW, rendent improbables un rôle d’assistance ou encore moins celui de pont entre les deux parties en présence.
La qualification infamante de génocide à l’encontre d’Israël n’est pas nouvelle. Elle est agitée d’une manière récurrente par ceux qui démonisent l’Etat hébreux depuis le début de son existence. Après les massacres et la capture d’otages, la sévérité de la réaction israélienne, a relancé massivement cette incrimination incendiaire sur les réseaux sociaux et dans les discours politiques et associatifs. L’accusation de l’Afrique du Sud devant la Cour Internationale de Justice (CIJ), émanation de l’ONU, lui a donné une nouvelle vigueur. Notons que ce pays, n’a jamais arrêté sur son territoire, les chefs soudanais, accusés de génocide au Darfour par la Cour Pénale Internationale. L’intentionnalité d’Israël, donnée essentielle pour la qualification de génocide, à vouloir faire disparaitre les Palestiniens n’a pas été retenue par la CIJ et de fait elle n’a pas intimé l’arrêt des combats.
Le Hamas enfin, cette organisation terroriste islamiste a déclenché la guerre en toute connaissance de ses funestes conséquences en s’en prenant avec une barbarie documentée aux secteurs les plus pacifistes d’Israël. Les innombrables tunnels creusés ont englouti une grande partie de l’aide internationale qui devait revenir aux habitants. Ces souterrains situés sous les maisons et les bâtiments civils n’ont jamais servi à protéger les populations mais de planques aux terroristes et leurs otages. « L’aide à la population n’est pas notre affaire mais celle de l’Onu » a déclaré dernièrement un des dirigeants du mouvement interrogé en direct du Qatar. Laisser sciemment son peuple mourir en l’utilisant comme bouclier humain, en faire un martyr, utiliser cette souffrance à des fins médiatiques, politiques et tactiques pour tenter de sauver ce qui peut l’être de sa propre classe dirigeante est clairement l’option choisie. Sa reddition et la libération des otages entraineraient un cesser le feu immédiat. Rien ne surprend plus des ressorts mortifères de l’islamisme, qui cultive la souffrance et la mort en tant que seul salut des hommes.
La population gazaoui est au paroxysme de la souffrance et de l’abandon. La proposition d’ouvrir une voie maritime pour l’acheminement des secours est une proposition bienvenue. Elle prendra du temps. En attendant les points de passage devraient rapidement permettre une augmentation substantielle du passage de camions.
L’urgence est de permettre le déploiement d’une assistance humanitaire puissante, neutre et professionnelle. Cette assistance doit se débarrasser sans délai de toute instrumentalisation par les belligérants. Elle doit s’éloigner d’un militantisme politique qui a rendu possible l’emprise du Hamas en son sein. Une coopération doit s’établir en œuvrant vers l’existence de deux Etats souverains, en ne soutenant plus le message de l’éradication d’Israël, en coupant tout lien fonctionnel et politique avec l’islamisme et son bras armé. Un secours international prenant en compte enfin l’exigence de solidarité, d’impartialité et de respect des populations, sans discrimination fondée sur l’appartenance ethnique ou religieuse, est impératif.
En deux mots une aide humanitaire.
Michel Brugière, Roland Guenoun, Jacky Mamou et Pierre Ramel, sont respectivement anciens directeur, trésorier, président et responsable des urgences internationales de Médecins du monde.