Des camps de réfugiés au Kenya aux podiums de la Fashion Week

Repérées au Kenya au cœur d’un camp de réfugiés par des agences de mannequins, ces femmes, à qui on fait miroiter un avenir brillant, sont finalement renvoyées dans leur pays d’origine après avoir foulé les podiums des Fashion Week. 

Cette enquête du Times secoue l’industrie de la mode. En effet, d’après le média américain des agences de mannequins recruteraient des jeunes femmes sud-soudanaises à Kakuma, un camp de réfugiés situé dans le comté de Turkana au Kenya. Les scouts, les chasseurs de têtes, se rendraient alors directement dans ce camp, occupé aujourd’hui par près de 280 000 personnes vivant dans une extrême pauvreté, avec l’espoir de trouver la prochaine Adut Akesh. Ils disent leur donner une chance de s’en sortir en les emmenant en Europe pour défiler à la Fashion Week. Sauf que ces agences de mannequins n’hésitent pas à renvoyer ces sud-soudanaises si elles ne conviennent plus. C’est le cas d’Achol Malual Jau, 23 ans, qui, en février 2023, après avoir été détectée par une agence et « cinq mois merveilleux en Europe à défiler », a finalement été renvoyée au point de départ, au Kenya, sans un sou.

« J’ai travaillé dur, mais je suis revenue sans argent », raconte le mannequin dans l’article du Times. En plus de ne pas avoir été rémunérée, le top est rentré chez elle endettée en raison des frais dépensés sur place qu’on lui demande maintenant de prendre en charge. Elle devrait près de 3000 euros à l’agence. Après avoir foulé le catwalk de la Fashion Week de Londres et n’ayant « pas su convaincre les clients » de Select Model, le modèle a été prié de quitter l’Europe. Le rêve était fini.

Et les cas comme Achol sont nombreux. Elles sont une dizaine de mannequins sud-soudannais à témoigner dans l’enquête déconcertante du Sunday Times publiée ce 8 octobre. Une autre réfugiée du camp de Kakuma raconte anonymement qu’après avoir signé un contrat sans trop le comprendre, a été envoyée à Paris pour que 17 jours plus tard, elle soit renvoyée au Kenya, avec sur le dos, une dette de 2000 euros à payer à son agence.

Les agences de mannequins surfent sur les illusions des réfugiés et pire, elles profitent du fait que certains d’entre eux ne parlent que très peu voire pas du tout anglais pour omettre des informations aux principaux concernés.

Le rêve américain

En les dénichant dans des camps de réfugiés, ces mannequins ont ensuite « une belle histoire » à raconter dans l’espace médiatique. Sur le papier, cela ressemble au rêve américain. Une fille sans le sou qui grandit dans des camps et finit par défiler pour les plus grandes maisons à Londres, New York et Paris et sortir sa famille de la misère. Le parcours Adut Akech en est l’exemple parfait. Après avoir été sacrée mannequin de l’année 2019, elle jouit aujourd’hui d’une grosse couverture médiatique depuis son arrivée dans le milieu. Son enfance dans le camp de Kakuma est systématiquement mise en avant par les médias qui décident de dresser son portrait.

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