Mamadi Doumbouya met à rude épreuve le marigot politique guinéen

La brise marine qui souffle actuellement sur le palais Mohamed VI de Conakry, situé à Boulbinet, sur la presqu’île de Kaloum au bord de l’océan Atlantique, n’est plus humée par les désormais ex-ministres du gouvernement Bernard Goumou.

Par un coup de sang, le chef de la junte Mamadi Doumbouya les a tous renvoyés chez eux, en les privant de tous les privilèges liés à leurs fonctions. Ils sont aussi interdits de sortie du territoire guinéen leurs passeports ayant été confisqués par les militaires au pouvoir.

Pour la première fois depuis son indépendance en 1958, un gouvernement est dissout en Guinée. Le pays vit donc sans gouvernement depuis lundi (20.02.24).

Mais la décision du chef de la junte Mamadi Doumbouya, arrivé au pouvoir le 5 septembre 2021, par effraction armée, ne semble pas surprendre à Conakry et dans la diaspora guinéenne. Car le président de la transition a mis un terme à un conflit interne grandissant entre le Premier ministre Bernard Goumou et le ministre de la Justice Alphonse Wright. Une crise largement relayée sur les réseaux sociaux en Guinée et à l’étranger.

En renvoyant, donc, tous les ministres à la maison, le chef de la junte a voulu peut-être montrer le chemin droit à un long fleuve politique tordu dont les principaux ténors ont été contraints à exil. Il s’agit entre autres de Cellou Dalein Diallo (UFDG) et Sidya Touré (UFR). Le premier vit à Dakar au Sénégal et le second à Abidjan en Côte d’Ivoire.

Le Palais Mohamed VI de Conakry situé à Kaloum dans le centre administratif de la capitale guinéenne

Voici les ministres qui pourraient revenir

Parmi les désormais ex-ministres dont le retour aux affaires est possible figurent Morissanda Kouyaté des Affaires étrangères et Aboubacar Camara de la Défense.

De sources diplomatiques, ces deux proches du chef de la junte auraient été récemment discrètement dépêchés par Conakry auprès de certaines capitales occidentales afin de plaider en faveur d’un prolongement de la transition d’un an alors qu’il ne reste plus que 10 mois aux militaires, selon un accord passé avec la Cédéao, pour le retour des civils aux affaires.

D’autres ex-ministres tels que Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du gouvernement et Moussa Magassouba des Mines et de la géologie pourraient aussi changer de portefeuille. Et, si Ousmane Gaoual, ex-ministre des Télécommunications, a une côte de popularité en baisse – en raison des restrictions de l’internet dans le pays, M. Magassouba a, lui, pour mission d’aider les militaires au pouvoir à accélérer l’exploitation du méga-gisement de fer du Simandou, prévue pour décembre 2025.

Des jeunes ministres comme Alpha Bacar Barry et Diaka Sidibé, respectivement ministres de l’Enseignement technique et de l’Enseignement supérieur, pourraient aussi vraisemblablement revenir dans le futur gouvernement – mais certains observateurs estiment que les deux n’ont rien fait d’extraordinaire. Ils ont plutôt usé des réseaux sociaux pour faire plus de communication que de résultats tangibles.

Différents scénarios

Sur le plan purement politique, la junte a besoin de plusieurs centaines de millions de dollars pour financer le processus électoral à l’arrêt et dont on n’ignore pas les principales têtes d’affiche.

Pendant ce temps, dans les salons feutrés, en coulisses, plusieurs membres de l’entourage du chef de l’État s’arrachent les cheveux pour mettre sur pied une stratégie de conservation du pouvoir sur une période plus longue.

L’un des scénarios envisagés est un « effacement de Mamadi Doumbouya au profit d’une personnalité politique, à condition que cette dernière consente à favoriser, au terme d’un mandat présidentiel de cinq ans, le retour du général sur la scène politique », selon Africa Intelligence.

Si jusqu’à présent ce successeur provisoire n’a pas encore été désigné, plusieurs noms circulent, en revanche, au sein du microcosme politique de Conakry.

En pole position : les anciens Premiers ministres Lansana Kouyaté et François Louncény-Fall voire Kabinet Komara, ex-Premier ministre du capitaine Dadis Camara, chef de la junte de 2009 à 2010.

Celui-ci est présenté comme l‘un des technocrates tapis dans l‘ombre des militaires.

Il reste à voir comment la classe politique composée de grands ténors de l’opposition va réagir à cette probabilité et surtout quelle stratégie va-t-elle adopter lorsque l’on sait que la rue a toujours été l’ultime recours depuis les événements de 2007.

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