Alors que le pays traverse sa plus grave crise de carburant, les militaires qui ont pris le pouvoir, le 5 septembre 2021, ont fini par réquisitionner les entrepôts de certaines sociétés minières. En même temps, sur le front politique, les autorités de transition n’ont toujours pas pu présenter un calendrier électoral précis en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel.
Face à la pression sociale qui ne cesse de croitre depuis l’explosion qui a transformé en cendre le principal dépôt de carburant du pays, responsable de la montée en flèche du prix des transports urbains et interurbains, il y a quelques jours, lors de son discours de fin d’année, le colonel Mamadi Doumbouya a annoncé l’organisation, cette année, d’un référendum, mais sans pour autant préciser la date de sa tenue.
Cette parole à la cantonade du colonel putschiste, au lieu de rassurer, a plutôt fait planer le doute sur la volonté réelle des militaires de céder le pouvoir aux civils à l’issue d’une transition qui avance à pas de tortue.
Pour preuve, à un an de la fin de cette transition que les militaires s’étaient librement fixée pour mettre en œuvre leur programme, de nombreux Guinéens sont inquiets quant au respect des engagements pris par la junte militaire.
Toujours pas de fichier électoral
Et alors que le gouvernement mis en place par la junte guinéenne avait promis de refonder l’État pour en finir avec les vieilles habitudes qui ont plongé la Guinée dans la mal gouvernance et la corruption, depuis plus de deux ans, le pays n’est toujours pas doté d’un fichier électoral et aucun calendrier électoral n’a été présenté par les militaires soupçonnés de vouloir rester au pouvoir.
Outre l’annonce de la tenue d’un hypothétique référendum, c’est surtout la résurgence des pratiques connues sous le régime Sékou Touré et ses méthodes d’élimination des opposants, qui suscitent des inquiétudes en Guinée et au sein de la diaspora guinéenne.
En effet, les autorités de transition ont fait diffuser des images à la télévision nationale, qui mettent en vedette un officier militaire qui reconnait – comme dans un rêve d’enfant – avoir planifié un coup d’État contre Mamadi Doumbouya. Le film est digne d’un scénario mal ficelé pourtant il y a de bons cinéastes en Guinée, soit !
Pire, les déclarations de ce présumé comploteur et de ses complices rappellent le tristement célèbre camp Boiro qui a broyé autant d’intellectuels civils que militaires, accusés de trahison, dans un pays qui n’arrive toujours pas à se débarrasser de ses vieux démons du complotisme »
Une situation sociale explosive
Depuis l’explosion du plus grand dépôt de carburant du pays dont on n’ignore toujours l’origine, les militaires au pouvoir sont dans une urgence absolue.
À Conakry, la capitale, les prix du carburant sont montés en flèche du fait du manque de l’or noir. Effets immédiats : le prix du transport a grimpé tout comme celui des marchandises et des produits de première nécessité sur les marchés. Ce qui touche directement le pouvoir d’achat des familles.
Dans les stations-services, de longues files d’attente se forment partout et pour éviter la thésaurisation du précieux liquide, la distribution d’essence est désormais limitée à 25 litres pour les voitures et 5 litres pour les deux-roues et les tricycles. Une quantité insuffisante pour les clients.
Ce déficit de carburant pénalise aussi de nombreux secteurs économiques, comme l’industrie minière, principale source de devises pour la Guinée qui regorge les 2/3 des réserves mondiales de bauxite. Une matière première indispensable pour la production de l’aluminium.
Des usines dont les dépôts de carburant ont été réquisitionnés par les autorités de Conakry auraient même suspendu leurs activités. Une situation qui serait intenable pour de nombreux autres investisseurs étrangers en raison du ralentissement de l’économie nationale.
Quant à la Guinéenne de l’Électricité (EDG), elle a annoncé qu’elle est en déficit de carburant et de mazout pour alimenter les centrales thermiques et les groupes.
Accès à Internet limité
Sur le front de la liberté d‘expression, le climat reste aussi très tendu entre les chaînes de radio et de télévisions privées d’une part et la junte militaire de l’autre qui a demandé et obtenu le retrait sur Canal+ et Startime de la diffusion de toutes les émissions à caractère politique.
L’accès à internet et aux réseaux sociaux est quasiment bloqué dans le pays depuis 40 jours. Les médias sont fermés et ceux qui veulent rouvrir ont dû prendre des engagements de ne plus diffuser des émissions politiques. Dans ces conditions, quel est le partenaire technique et financier qui va voir ce genre de gouvernance et investir dans le pays ? »
Enfin, depuis plus de deux ans, les regroupements et autres manifestations politiques sont interdits en Guinée. Les principaux leaders de l’opposition sont en exil. Ceux qui y sont restés sont en prison pour des accusations présumées de détournements de fonds publics. Voilà le tableau sociopolitique d’une transition militaire qui ne semble plus savoir où se trouve la boussole pour lui montrer le chemin qui n’est pas tordu.